Où va l’Egypte ?
L’actualité internationale se dévoile chaque jour plus chargée que jamais. Celle des pays arabes plus qu’une autre. La situation actuelle de l’Egypte en est la preuve. Plus de deux ans après la révolution qui provoqua la fin du régime dictatorial et le départ de son chef Hosni Moubarak, une question se pose -ou s’impose- : la démocratie est-elle de nouveau menacée ?
Les raisons d’y croire sont multiples. De jour en jour, la situation politique, économique, sociale et militaire se délite. L’échec du président démocratiquement élu il y a un an, Mohamed Morsi –venu des Frères Musulmans, islamistes- est criant. Faute à un bilan présidentiel désastreux, le plus grand des pays arabes et l’un des symboles du « printemps arabe » révolutionnaire vit des heures difficiles, affrontant la colère de la rue. Pourtant porteur des espoirs de révolution, depuis son investiture à la tête de l’Etat, jamais l’ingénieur Morsi, premier civil à occuper cette fonction, n’a trouvé un style de gouvernement susceptible de rassurer et ramener la confiance dans le pays. Pire, donc, il a entraîné la révolte de la rue. Le climat est hostile, l’opposition farouche. Les affrontements commencent à devenir violents, faisant huit morts vendredi 31 juin à Alexandrie. L’extrême tension au Caire va grandissant. Le recours à l’armée est apparu comme une nécessité. Le mouvement circulaire des manifestants sur la symbolique place Tarhir est impressionnant. La guerre civile, dit-on chez les plus pessimistes, approche à grands pas, entre Pro et Anti Morsi. Les premiers le trouvent démocratiquement légitime, les seconds ne l’estiment même plus comme un être humain. « Dégage » est leur slogan principal, celui-là même qui fut déployé à l’encontre du dictateur Moubarak.
Cette situation de division résulte d’une multiplicité de phénomènes. Socio-économiques, d’abord. Face, pêle-mêle, aux pénuries de blé, de fioul, de gazole, au trafic de pain, aux coupures d'électricité quotidiennes, à insécurité et à la hausse de la criminalité, les Egyptiens s’agacent. Et leur déception est légitime. Depuis la chute du régime Moubarak, ils attendent une augmentation de leur niveau de vie. Il s’est, au contraire, considérablement dégradé. Depuis plus de trois mois, L’Egypte est au bord d’un drame économique. La livre égyptienne est en baisse, les produits alimentaires en hausse. La dégradation des finances publiques et la chute des réserves de devises, diminuant de plus de moitié en deux ans, cachent une réalité implacable : la pauvreté permanente qui frappe inexorablement le pays. Face à cette vie de misère imposée depuis trop longtemps à des dizaines de millions d’Egyptiens, l’aide du FMI est nécessaire. Mais le fait est, et pas des moindres, que le FMI attend en contrepartie des efforts de la part du président. Prudent, craintif face aux réactions de la population, Morsi a préféré tempérer. Au point, aujourd’hui, de ne plus sembler capable de réagir. Cette incapacité à prendre des mesures fortes, à créer un programme économique gestionnaire, voilà le premier échec des Frères Musulmans.
Sur le plan politique, ensuite. La parole s’est, semble-t-il, libérée. Un pluralisme politique s’est mis en place. L’Egypte s’est, toutefois, enferrée dans un processus politique des moins évidents, qui plus est progressivement désagrégé. La faute aux Frères, certes. Mais la faute à l’armée, aussi et surtout. Elle a mis en place un processus politique des plus bancals. D’où la contestation de la Constitution. Par ailleurs, le président Morsi a choisi d’entrer dans un bras de fer avec la magistrature, rendant la situation pour le moins chaotique : le Parlement est perturbée, l’Assemblée du peuple invalidée, tout comme le Sénat, pourtant symbole du pouvoir législatif égyptien. Faute d’une nouvelle loi électorale qui devait être discutée au Sénat, il n’y a toujours pas de date pour les prochaines législatives. Pas d’échéance électorale à venir, donc pas de moyen de contestation des Frères pour la population. Profonde est, par conséquent, la déliquescence politique. Un deuxième revers pour le Frères. Et un revers de taille.
C’est ce double échec qui a exacerbé le climat d’affrontement. Et c’est, de fait, la démocratie égyptienne qui se retrouve menacée. L’armée, si elle était amenée à revenir au pouvoir, ne réglerait rien. Pas plus que l’opposition, bien trop divisée, qui ne propose pas d’alternative concrète. Difficile, donc, à ce jour, de trouver une issue directe pour sortir l’Egypte de la crise. La situation est bloquée. Reste à choisir entre le chaos ou un compromis historique entre les différentes forces. Car, pour éviter une situation encore plus chaotique, dans un pays ingouvernable, où plus les problèmes s’accumuleront, plus ils s’aggraveront, la maturation demeure la seule solution. Il est désormais du devoir des deux camps de reconnaitre que la société égyptienne est diverse, à la fois politiquement, idéologiquement et religieusement, et que les problèmes à résoudre dans la période de transition sont tels qu’il faut un accord sur les règles du jeu, sur le processus constitutionnel, pouvant aboutir au début de réformes économiques. C’est l’unique recours possible pour sortir l’Egypte de son impasse.
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