Pas si libre que ça Bassorah
Retour sur la passation de pouvoirs des Britanniques au gouvernement irakien dans la province de Bassorah (Basra) en mettant en lumière les enjeux auxquels va devoir faire face cette ville qui détient les plus fortes réserves de pétrole du pays ; mais aussi sur le rôle passé et futur des soldats en place.
Depuis 2003 que les Britanniques sont en Irak. Et maintenant ils
s’en vont. Enfin ils s’en vont, tout reste relatif : le nombre de
soldats actuellement sur place (5000 d’après le gouvernement) va être
réduit de moitié d’ici six mois. Et ce départ, David Milliband,
ministre britannique des Affaires étrangères le perçoit comme « une avancée majeure » et ajoute sur la passation de pouvoirs que « c’est
un symbole de la capacité croissante des forces de sécurité irakiennes
et de la préparation des Irakiens à prendre en charge la
responsabilité ». Le gouverneur de la province, Mohammed Mosbah al Waeli, en rajoute lui aussi lors de la cérémonie : « C’est un moment historique, un jour particulier, l’un des plus grands jours de l’histoire moderne de Bassorah. »
Mais
comme le déclare si bien Le Monde, cette région est bel et bien la plus
peuplée et la plus riche de la région. Ainsi, Bassorah et ses alentours
produisent 70% des exportations du pays. On ne s’étonnera donc pas
vraiment que la Grande-Bretagne quitte cette ville en dernier, après
avoir déserté Mouthanna en juillet 2006, Dhi Qar en septembre 2006 et
Maysan en avril 2007...
Cette question du pétrole revient, encore et toujours, lancinante...
On le sait, même les médias l’avouent : Bassorah croule encore sous
les problèmes : on ne peut qu’évoquer les conflits interconfessionnels.
C’est Al Jazeera qui met le plus cet aspect en lumière. Mustafa Alani,
analyste militaire déclare ainsi au journal : « Le retour du
pouvoir n’est pas pour le gouvernement, il est pour les milices, les
groupes criminels et l’influence iranienne. »
Voilà le gouvernement irakien en face d’une nouveauté : alors qu’avant
il pouvait déplorer la mainmise britannique sur la sécurité (et donc
sur ses défauts), voilà que Brown joue le bon coup de s’en aller. Le
conseiller irakien pour la sécurité nationale Mouaffak al-Rubaïe l’a
bien compris et a déclaré en ouverture de la cérémonie que : « La sécurité de Bassorah est entre les mains des Irakiens maintenant », avec toutes les conséquences que cela peut avoir...
RFI note bien la chose. Les diverses factions chiites qui s’entretuent
toujours dans la région (on peut noter le Fadhila auquel appartient le
gouverneur de la province, le mouvement du leader radical Moqtada Sadr
et le Conseil suprême islamique) sont prévenues : « Les armes doivent être entre les mains du gouvernement. Toutes les autres armes sont illégales. » Avec ça on est bien avancé ; et ce n’est pas le « traité de paix » entre les factions qui rendra les analystes optimistes.
Le tout reste évidemment à nuancer : avant toute chose, les Britanniques ne claquent pas vraiment la porte, ni de l’Irak, ni de Bassorah. Ainsi, le major Mike Shearer l’énonce bien : « Nous
continuerons avec la formation, le suivi et l’entraînement des forces
de sécurité irakiennes comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant.
[...] Ce qui est important aujourd’hui c’est que pour la toute première
fois les Irakiens ont la responsabilité, et pour la première fois
l’opportunité de trouver des solutions irakiennes aux problèmes
irakiens. » Les Britanniques vont donc rester en place pour se « concentrer
sur le développement économique, mais en dépit de cela nous serons
prêts à intervenir militairement quand on nous le demandera et quand
cela sera nécessaire », dixit un porte-parole, John Wilkes.
Pour terminer on ne peut que faire ressortir certaines questions vues trop de fois : « Mais en quoi quittent-ils Bassorah ? », « Facile de laisser les Irakiens dans les problèmes » ou encore « Le peu d’hommes qu’ils laissent vont garder le pétrole tranquillement au chaud... » Eh
oui, d’après un sondage pour la BBC dans la ville, 86% des sondés
jugent que la présence britannique a été négative et 2% la jugent
positive. Reste à savoir s’il faut vraiment mettre cette présence
britannique au passé ou pas...
Plus d’articles d’actualité et d’analyse sur mon blog : http://shyankar.blogs.courrierinternational.com/
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