Pérou : le spectacle continue !
L’incertitude
est fréquente au Pérou, coutumier des grands coups d’éclat. Son histoire
récente en est parsemée : depuis son élection en 1990, Fujimori est devenu
l’acteur principal d’une série d’actes tous aussi rocambolesques les uns que
les autres.
Au début de sa
carrière politique, il réussit à maîtriser l’inflation du Pérou avec des mesures
d’austérité très fortes. L’inflation était supérieure à 7000% en 1990 ; une
année plus tard, elle avoisine 130%.
Sa médiatisation
continue lorsqu’il réussit à faire emprisonner le chef du Sentier lumineux, ce
qui met fin à cette organisation révolutionnaire. Il se fait à nouveau
remarquer lors de la libération des 72 otages de l’ambassade japonaise.
L’opération montée par ses services est ambitieuse, il a fallu creuser un
tunnel sous toute une rue pour accéder à l’intérieur du bâtiment et tuer tous
les terroristes (14). Un seul mort du côté des otages, Fujimori devient un
héros au Japon pour cet acte.
La fin de son règne est tout aussi surprenante et médiatique car, après avoir changé la constitution en 1993 et fait valoir la non-rétroactivité des lois, il se présente une 3e fois à la présidence, et bien sûr il gagne. Seulement voilà, l’opposition commence à se faire entendre, et on découvre petit à petit les faces cachées de ses mandats. Un grand nombre de vidéos font éclater un scandale de corruption qui a vite fait de rattraper Fujimori. Son bras droit, Montesino, est le premier touché, il doit quitter le pays. Quant à Fujimori il tente encore de résister, mais lors d’une visite au Japon, il décide de rester. Il devient Japonais !
Une nouvelle fois Fujimori surprend : non seulement il a corrompu l’ensemble du gouvernement péruvien, il a réussi à vendre des armes aux Forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC), mais en plus il arrive à s’enfuir avec la caisse de l’État pour passer des jours tranquilles au Japon.
Il espère pourtant,
depuis là-bas, influencer la politique péruvienne et même se faire réélire
comme président ! Il est tellement sûr de lui qu’il décide d’aller séjourner
temporairement au Chili, étape sur le retour au Pérou.
Mais il est
tout de même fiché par Interpol sous l’accusation de corruption et de crimes
contre l’humanité ; de plus il a été déclaré inéligible par le Tribunal constitutionnel
du Pérou.
A peine arrivé
au Chili, il est donc arrêté par les autorités. Depuis cet instant le
gouvernement péruvien prie le Chili de l’extrader.
On pourrait
croire qu’avec une telle histoire, son influence s’arrête, eh bien non !
Sa fille, Keiko
Fujimori, est en tête de liste du parti fujimoriste pour le Congrès à Lima, et
comme prévu, elle y a remporté le plus grand nombre de voix. A ce titre,
comme le veut la tradition, elle devrait présider la séance inaugurale de la
nouvelle Chambre, et remettre l’écharpe présidentielle au successeur de Toledo !
L’espoir de la droite conservatrice pour sauver « la démocratie face à la démagogie indigène » était incarné par Lourdes Flores. Donnée gagnante au deuxième tour, grâce à l’appui des forces fujimoristes et surtout de tout l’establishment blanc, elle n’a cependant pas réussi à convaincre. Le peuple péruvien aurait préféré le candidat de centre gauche, Alan Garcia, pour s’opposer au deuxième tour à Humala. Comme Fujimori, c’est un acteur de l’histoire, il a conduit le pays à la ruine à la fin des années 1980. Cependant les résultats définitifs seront connus dans deux semaines ; on peut encore s’attendre à des rebondissements.
Mais quoi qu’il en soit, on peut d’ores et déjà imaginer une grande coalition des forces conservatrices fujimoristes et de la presse pour appuyer Alan Garcia et tenter de repousser la force bolivarienne.
Cette situation rappelle étrangement les présidentielles de 1990, où l’opposant de Fujimori, Mario Vargas Llosa, bénéficiait de l’appui inconditionnel de toute la presse ; mais les électeurs votèrent en masse pour Fujimori, par réflexe de rejet de la classe politique traditionnelle.
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