Quelle gouvernance mondiale pour le climat après 2012 ?
Il a été décidé lors de la COP 13 de Bali (décembre 2007) de parvenir à un consensus international sur un accord global climatique avant la COP 15 de Copenhague. Le Plan d’action de Bali, fruit de cette rencontre, est particulièrement important en ce qu’il fixe le calendrier des négociations à venir autour des quatre « Building blocks » qui avaient été dégagés dans le cadre des consultations du Groupe Ad Hoc sur les engagements des pays de l’Annexe I (AWG) mis en place à Montréal, en décembre 2005 (COP/MOP 1). Il s’agit de i) l’atténuation du changement climatique ; ii) l’adaptation aux effets négatifs du changement climatique, iii) le développement et le transfert des technologies ; iv) le financement et les investissements nécessaires au soutien des actions d’atténuation et d’adaptation . Les négociateurs ont effectivement voulu centrer le débat sur les questions relatives aux objectifs quantifiés de réduction d’émissions, à la participation active des pays émergents aux réductions d’émission, aux programmes de soutien à l’adaptation, à l’augmentation des transfert de technologies propres, au financement des objectifs énoncés.
i. Il est certain que la voie choisie à Kyoto est pertinente . Seuls des objectifs quantitatifs contraignant à des échéances fixées d’avance instaurent une pression suffisante et garantissent une équité dans la transparence. Cependant, force est de constater que la réussite de tout accord global pour le climat impose d’une part, de revoir les objectifs de réduction d’émissions des pays industrialisés à la hausse et, d’autre part, d’assigner aux pays émergents, en passe de devenir les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) de la planète, un objectif quantifié d’atténuation.
En fait, à cette étape des négociations, la participation des pays émergents aux objectifs de réduction d’émissions constitue toujours un préalable à celle des Etats-Unis tandis que les pays émergents refusent de s’associer au processus tant que les pays industrialisés ne se seront pas mis d’accord sur un objectif quantifié de réduction plus contraignant. Chacun devra inévitablement consentir au compromis : les Etats-Unis doivent entrer dans la course en admettant de réduire drastiquement et au plus vite leurs émissions tandis que les pays émergents doivent accepter de s’engager vers une « décarbonisation » de leurs économies . Les pays industrialisés, responsables en grande partie de la situation climatique actuelle et en devenir, sont bien évidemment tenus, en vertu du principe de responsabilité historique, de soutenir et financer cette évolution.
Selon Yvo De Boer, ce qu’il y a d’intéressant dans Kyoto n’est pas tant l’objectif quantifié de réduction d’émissions (5.2%) qu’il impose aux pays industrialisés mais son architecture. Le secrétaire de la CCNUCC pense en effet que de nombreux éléments de cette architecture peuvent être réutilisés dans le contexte du futur régime climatique . Ainsi, le futur accord climatique, devant être idéalement trouvé avant 2012, accordera vraisemblablement un rôle important au marché carbone et au mécanisme de développement propre (MDP) réformé.
Le futur régime climatique international devra effectivement imposer des objectifs de réduction d’émissions au plus grand nombre de pays. Son succès dépendra d’une participation élargie à l’objectif d’atténuation qui prendra en compte la grande diversité qui caractérise la communauté internationale. Plusieurs propositions ont été énoncées pour réaliser cet objectif de façon efficace :
D’abord, proposition a été faite d’insérer dans l’accord climatique le principe de convergence, selon lequel des objectifs quantifiés de réduction d’émissions seraient attribués à l’ensemble des pays de la communauté internationale. Dans une première étape, les parties se mettent d’accord sur un niveau de stabilisation des émissions à long terme. Dans un deuxième temps, des objectifs sont attribués sur une base individuelle de sorte à voir converger les émissions per capita . Il y a deux variantes à ce principale : soit les PED, pays émergents inclus, doivent s’engager immédiatement à respecter les objectifs assignés, soit il leur est permis de s’y conformer progressivement. La deuxième version recueille évidemment l’aval des pays émergents, au contraire de la première qui les amèneraient à définir rapidement des réformes potentiellement coûteuses.
Relevons ensuite l’approche sectorielle, défendue aujourd’hui par le Japon. Cette approche invite chaque pays émetteurs de GES à calculer les réductions d’émissions possibles par secteur d’activités industrielles, basées sur l’efficacité énergétique. Celles-ci sont ensuite comptabilisées afin de se conformer à un engagement pris au niveau national . Le Japon, qui se prononce contre le système de plafond global assigné aux pays industrialisés par Kyoto, a proposé, à Bangkok (avril 2008), une conception de cette approche selon laquelle les objectifs nationaux seraient en fait des objectifs secteur par secteur au-delà des frontières. Cette solution permettrait, selon Naoto Hisajima, le directeur de la politique climatique japonaise, de répondre au développement nécessaire d’instruments économiques, de garantir le minimum de distorsions économiques face au défi climat et de répondre à certaines attentes des pays en développement, notamment en matière de transfert de technologies. Les PED émettent des doutes à cet égard et n’approuvent pas à l’heure actuelle cette approche « bottom up », qui serait susceptible, selon eux, d’amenuiser les contraintes légales des pays industrialisés et d’engagement de façon contraignante les PED, qui ne sont pas performants au niveau de l’efficacité énergétique et devraient investir drastiquement pour respecter leurs engagements. Le « Plan d’Action de Bali » convient qu’il faille tenir compte des approches sectorielles mais en faisant une référence explicite à la mise en œuvre de l’article 4, § 1, c) de la Convention qui invite « toutes les Parties à coopérer pour le déploiement et le transfert de technologies et procédés techniques qui permettent de maîtriser, de réduire ou de prévenir des émissions de GES dans tous les secteurs pertinents, y compris l’énergie, le transport, l’industrie, l’agriculture, les forêts et la gestion des forêts » . Rappelons à ce propos que le Plan de Bali propose de considérer les approches politiques et incitations positives qui peuvent permettre de réduire les émissions issues de la déforestation et de la dégradation (REDD) des forêts dans les PED.
Nous pouvons enfin relever l’approche « multistage » , selon laquelle les pays participeraient activement à la lutte contre le CC de façon différenciée. Différentes étapes seraient définies. A chaque étape correspondrait un certain niveau d’engagement. Les Etats changeraient de niveau après avoir atteint un certains seuils (par exemple les émissions per capita ou le PIB per capita). N. Höhne propose quatre étapes :
1) Les pays avec un faible niveau de développement (PMA) n’auraient aucun engagement climatique ;
2) Les pays, qui sont en passe d’atteindre un certain niveau de développement, devraient construire leurs politiques de développement en fonction d’objectifs environnementaux. Cette étape a pour objectif de faciliter la participation progressive de ces pays au régime ;
3) La troisième étape assigne des objectifs de réduction d’émissions modérés. Le niveau d’émissions peut augmenter par rapport à l’année de départ mais doit être plus faible que celui du scénario de référence ;
4) Les pays atteignant l’étape 4 doivent se conformer à des objectifs de réduction et réduire leurs émissions jusqu’à ce qu’elles atteignent le niveau per capita requis. La communauté internationale doit développer un système de suivi et de révision basé sur des critères clairs déterminant l’évolution des objectifs assignés à chacun.
Mohamed El-Ashri s’est également présenté en faveur d’une approche « multi-stage » qui astreindrait d’une part, les pays industrialisés à réduire leurs émissions par 30% d’ici 2020 et d’autre part, les pays émergents à diminuer leur intensité énergétique de 30% à la même échéance tout en acceptant des objectifs de réduction par la suite. Les PED s’engageraient alors dans un premier temps, à diminuer leur intensité énergétique.
Le scénario « business as usual » doit inévitablement être proscrit, si on veut éviter une augmentation des températures dangereuse pour l’homme et son environnement. Un accord climatique doit certainement imposer des réductions d’émissions de GES. Nous avons cependant observé dans le deuxième chapitre de la présente étude, un glissement dans la façon de concevoir les efforts de réduction, l’approche « top-down » de Kyoto n’étant plus considérée comme la solution la plus pertinente en toute circonstance. Aussi, il semble important de considérer les initiatives de réduction d’émissions par le bas qui apparaissent aussi efficaces, et leur donner une place dans le régime climatique futur, à condition bien sûr de les rendre compatibles, comparables et mesurables.
Quel que soit l’approche adoptée, il semble essentiel, comme nous avons essayé de le démontrer ci-dessus, de conserver le MDP comme principal instrument de politique économique de lutte contre le changement climatique. Le mécanisme de flexibilité défini par PK devra cependant être réformé afin d’en accroître son efficacité.
ii. L’accord global sur le climat doit aborder de façon autonome la question de la protection des populations face aux destructions du changement climatique. Nous avons vu que la question de l’adaptation a progressivement reçu l’attention de la CI, au point d’éclipser par moment la problématique de l’atténuation. Touchant tous les pays, avec certes des intensités différentes, cette question est maintenant comprise comme demandant des moyens et des réponses collectives. Inutile de dire cependant que se concentrer sur l’adaptation n’est pas la solution. Il est primordial de continuer d’investir dans des actions de réduction d’émissions. Des actions d’adaptation non corrélée à de mesures de réduction d’émission seraient extrêmement coûteuses et probablement stériles .
iii. Le troisième « building block » concerne la coopération technologique pour l’atténuation et l’adaptation aux effets du CC. Les négociations climatiques internationales doivent réfléchir sur les mécanismes incitant au retrait des barrières au TT dans les PED et leur permettre d’y avoir accès de manière abordable. Cette problématique sera discutée à Bonn en juin 2008.
iv. Enfin, l’accord climatique international à venir doit aborder la question du financement et des investissements des actions d’atténuation et d’adaptation dans les PED. La coopération technologique fera également l’objet de discussions internationales dans les mois à venir.
En conclusion, le challenge est aujourd’hui de parvenir au plus vite à un accord climatique pour la période post 2012 qui réconciliera les pays du Sud avec le Sud. Pour être efficace, cet accord devra inviter le plus grand nombre de pays -quels qu’ils soient- à participer activement à la réduction des émissions de GES, et imposer au pays industrialisés de prendre le leadership de tout régime climatique international. Nous avons exposé ci-dessus les propositions d’architecture du futur régime international pour le climat. Les différents types d’objectifs énoncés peuvent coexister tant qu’ils reflètent la prise en compte de la diversité des pays, condition essentielle à l’intégration consentie des PED. La participation des PED est également conditionnée à des efforts de réduction de GES plus contraignants de la part des pays industrialisés. Enfin, les pays historiquement responsables de la situation climatique actuelle et à venir doivent offrir une réelle perspective de coopération aux PED en la matière. Pour des raisons tenant à l’équité, les pays industrialisés ont l’obligation de soutenir les efforts des PED en matière d’atténuation et d’adaptation (transfert de technologies, partage de bonnes pratiques, financement d’actions d’adaptation et d’atténuation). Le MDP peut, comme nous avons essayé de le démontrer ci-dessus, soutenir les pays industrialisés à réaliser ces objectifs. Aujourd’hui, la plupart des initiatives entreprises actuellement en la matière par les pays industrialisés sont trop faibles et, dans certains cas, inadéquates.
Sur le même thème
Gaz à effet de serre | Un enjeu social et environnementalCollapsologie et la possible dérive totalitaire avant l'Effondrement
Climat : un référendum, sera-t-il possible, n’est-ce pas l’arbre qui cache la forêt ?
Questions et réponses de Vladimir Poutine lors du Club de discussion de Valdaï 2020
Et s’il n’y avait pas de seconde vague épidémique de Covid-19 ?
9 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON