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Accueil du site > Actualités > International > Russie/Etats-Unis : vers une détente ?

Russie/Etats-Unis : vers une détente ?

La grande Russie est de retour. Et compte bien le faire entendre au président américain fraîchement élu. Forte de sa puissance énergétique, elle veut peser sur la balance. Son intervention en Ossétie du sud ainsi que son conflit gazier avec l’Ukraine n’est pas sans susciter des inquiétudes. Ses ventes d’armes viennent renforcer ce sentiment. Jusqu’à aujourd’hui, les relations russo-américaines étaient froides : l’arrivée d’Obama va-t-elle créer un réchauffement ?

Sur l’échiquier international, tous les coups sont permis mais les coups bas se paient toujours. Réveillant les vieux antagonismes au gré des événements. Aujourd’hui plus que jamais, la Russie bouscule la suprématie américaine, au moment où les Etats-Unis changent de président[1]. Faut-il s’attendre à un regain de tension ou à un réchauffement entre les deux ? On se souvient que lorsque Gorbatchev signa le 8 décembre 1987 un accord avec Reagan sur la destruction des missiles à courte et moyenne portée -qualifié de moment historique- le réchauffement diplomatique en marche, le temps de l’ouverture sur l’Europe était venu. En réalité, l’URSS était contrainte de limiter son influence, ses points stratégiques dans le monde car conserver son empire et poursuivre sa course à l’armement lui devenaient coûteux. Elle décide de rappeler ses troupes d’Afghanistan et se met à dos le lobby militaro-industriel soviétique. Son ingérence en Allemagne de l’Est et la chute du mur de Berlin précipitent en 1991 son effondrement. Aujourd’hui, elle a su retrouver de sa puissance économique et entend retrouver sa place. Et la nouvelle administration américaine ne risque pas de bouleverser cette volonté de reconquête. Car depuis l’arrivée de Poutine au pouvoir en 1999 et le nouveau tandem qu’il forme avec Medvedev depuis 2008, la Russie entend regagner sa sphère d’influence dans les Balkans et le Caucase. Et accessoirement dans le reste du monde.

Un prestige retrouvé ?

La Russie est officiellement l’un des cinq pays à posséder l’arme nucléaire, arme de dissuasion en même temps que symbole de prestige[2]. Forte de plusieurs milliers de têtes nucléaires[3], elle a les moyens de dissuader ses rivaux et d’asseoir sa puissance aux côtés des Etats-Unis. Même la chute de l’URSS et les difficultés financières n’ont pas eu raison d’une armée russe capable de rivaliser avec les plus grandes de ce monde. La Russie dégage depuis dix ans des excédents colossaux[4] : « en juin 2008, l’excédent de la balance commerciale russe a atteint 18,862 milliards de dollars contre 8,271 milliards au cours de la même période de 2007 », indiqua un rapport de la Banque centrale de Russie[5]. Premier pays exportateur d’armes du monde, elle vend des contrats à des poids régionaux tels que l’Inde, la Chine, le Venezuela, l’Iran ou encore l’Algérie. Premier producteur et exportateur de gaz naturel, deuxième producteur et exportateur de pétrole, elle use de sa puissance énergétique pour bousculer, entre autres, les alliances américano-géorgiennes et ukraino-européennes. Elle vend le quart de son « or bleu » aux Européens peut, comme nous l’avons constaté récemment, fermer les vannes du gaz à l’Ukraine, donc à l’Europe[6]. Elle fait l’actualité et ne se prive plus d’user de cette influence pour intervenir dans des conflits externes. L’exemple le plus récent étant l’appel en direction de la Syrie et de l’Iran à faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte le plan égyptien visant à mettre fin aux combats dans la bande de Gaza[7].

La stratégie russe : les ventes d’armes

Le 19 janvier dernier, le chef d’Etat russe Dimitri Medvedev publie un décret interdisant la vente d’armes à la Géorgie. Medvedev, précisant que cette décision avait été prise pour préserver les intérêts nationaux. Par là même, les pays ayant fourni des armes à la Géorgie pendant le conflit de l’été 2008 en Ossétie du sud se voient informés des conséquences d’un tel soutien. Parmi ces pays, l’Ukraine, la Pologne, les Etats-Unis et Israël sont dans la ligne de mire de Moscou. Il est des alliances que Moscou veut en revanche sceller : en 2007, le rapprochement affiché d’avec la Syrie de Bashar al-Assad traduit une volonté d’accroître l’influence russe au Moyen-Orient. Selon certains médias russes, la Russie disposera d’ici quelques années de postes de stationnement naval au Yémen, en Syrie et en Libye[8]. Sur les plans énergétique, économique -même si la crise financière a mis quelque peu à mal l’économie russe- et militaire, la Russie a « sur le papier »[9] les moyens de garder à distance ses détracteurs et entend s’en servir pour préserver ses intérêts nationaux. Et d’occuper de nouveau le devant de la scène internationale, même si les Etats-Unis et ses alliés[10] ne le voient pas d’un très bon œil. Et pour cause, l’écart entre les deux poids historiques que sont la Russie et les Etats-Unis se comble et l’on assiste à un rééquilibre progressif des forces. Depuis 2006, les questions de l’élargissement de l’OTAN et du désarmement (bouclier anti-missile américain) cristallisent l’opposition russo-américaine. A ce stade, ces points de discorde sont très loin d’être réglés[11]. À la toute nouvelle administration américaine de recevoir ou non le message de la Russie, à savoir qu’il va falloir compter sur elle pour peser sur les grandes décisions de ce monde. Même s’il lui faut pour cela s’ingérer dans des conflits aux enjeux ô combien stratégiques et en tirer par là même profit : le temps de la Guerre Froide n’est plus si loin. Que Washington continue d’irriter Moscou ou décide d’un réchauffement diplomatique, il lui sera impossible d’ignorer la puissance russe. De facto, la Russie compte au même titre que les Etats-Unis[12]. Selon Igor Ivanov, les relations russo-américaines sont entrées dans une période de « restauration de l’égalité » perdue à la suite de la chute de l’URSS[13].

Pourtant, si la Russie peut contrebalancer l’hégémonie américaine sur les grands dossiers internationaux -ce qui pourrait éviter de reproduire l’épisode belliqueux des Etats-Unis en Irak[14]- les républiques du Caucase et des Balkans, jadis sous influence soviétique, ont à juste titre bien des raisons de voir dans ce retour le spectre de l’ancien empire soviétique planer sur eux. Ces états sont régulièrement appelés à se positionner pour ou contre le Kremlin. S’ils lui préfèrent Washington, ils risqueront alors d’en essuyer les conséquences. 

La Géorgie et l’Ukraine -pour ne citer qu’eux- l’ont certainement appris à leurs dépens[15].

[1] Barack Hussein Obama est entré officiellement en fonction le mardi 20 janvier dernier en qualité de 44ème président des Etats-Unis. Démocrate, il succède à un G.Bush très conservateur qui a, en deux mandats, exacerbé les tensions entre la Russie et les Etats-Unis, et plus globalement créé un anti-américanisme de par le monde.

[2] Officiellement, les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et la Chine disposent de l’arme atomique. Officieusement, l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord la possèderaient.

[3] http://fr.rian.ru/analysis/20080122/97539901.html

[4] Excédentaire pendant dix ans, le budget sera déficitaire en 2009.

http://fr.rian.ru/russia/20081224/119151108.html

[5] http://fr.rian.ru/business/20080807/115877694.html

[6] Parce que l’Ukraine n’avait pas payé sa dette à temps, la Russie décide le janvier dernier de fermer les vannes à l’Ukraine. Alors que l’approvisionnement vers l’UE est resté normal jusqu’au 5 janvier, l’Ukraine décide de fermer le gazoduc qui permettait la livraison du gaz à toute l’UE.

[7] Par le biais de son Ministre des Affaires Etrangères, la Russie a appelé vendredi 16 janvier les Etats qui ont une influence sur le Hamas à accepter la proposition égyptienne. La Syrie et l’Iran, qui entretiennent des relations privilégiées avec Moscou, ont été sollicités par Moscou dans cet appel.

[8] Selon des responsables militaires cités par l’agence de presse Itar-Tass, la Russie a décidé de créer dans les années à venir des bases navales en Libye, en Syrie et au Yémen. Une information qui n’a pas été confirmée par l’état-major russe mais qui n’a pas été démentie non plus. (Reuters) "Des négociations sont menées avec des gouvernements étrangers et publier des noms risquerait d’avoir des conséquences négatives sur ces discussions", a confié à Tass le major général (n°2) des armées, le général Anatoly Nogovitsyne, qui refuse aussi de donner un calendrier précis.

[9] Yves Bourdillon, La Russie n’a pas les moyens de ses ambitions stratégiques : http://www.lesechos.fr/info/analyses/4769254-la-russie-n-a-pas-les-moyens-de-ses-ambitions-strategiques.htm

[10] Citons Israël mais aussi des pays comme l’Ukraine et la Géorgie qui se sont rapprochés de l’OTAN au détriment de la Russie.

[11] Il s’agit d’un dossier ô combien brûlant que le président américain sortant laisse à Obama. La décision d’installer des boucliers anti missiles dans l’ancienne sphère d’influence soviétique nous rappelle la Guerre Froide. Avec l’arrivée au pouvoir d’un démocrate, la Russie reste sur malgré tout sur le qui-vive.

http://www.walf.sn/international/suite.php?rub=6&id_art=52374

[12] Le Conseil de sécurité, organe exécutif des Nations Unies, compte 5 membres permanents, détenteurs d’un droit de veto leur permettant de bloquer toute prise de décision : la Chine, la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et enfin la Russie. 10 membres non permanents viennent s’y ajouter.

[13] Propos rapportés par le Kommersant et repris dans Novosta ; http://fr.rian.ru/world/20081212/118819224.html 

[14] Sans l’aval du Conseil de Sécurité de l’Onu, les Etats-Unis dirigés alors par G.W. Bush décident d’envahir l’Irak en 2003 et de faire tomber Saddam Hussein.

[15] "On dirait que (...) les Ukrainiens dansent sur une musique composée non à Kiev mais en dehors du pays", a déclaré Alexandre Medvdev, le directeur-adjoint de Gazprom, en référence à l’accord de partenariat stratégique signé par Kiev et Washington le 19 décembre dernier.

http://www.radiobfm.com/edito/info/18637/la-crise-du-gaz-serait-liee-dabord-a-des-motifs-economiques/


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5 réactions à cet article    


  • subpop subpop 26 janvier 2009 18:02

    il y a une détente qui s’installe entre les usa et la Russie tout simplement parce que la Russie n’a plus les moyens pour l’instant de mener une politique étrangère efficace, digne de ses ambitions ! la crise financière la frappe durement encore plus que du coté américain. On le voit sur tous les dossiers la Russie négocie.
    le 5 novembre dernier le jour des élections américaines. Alors que le monde entier fêtait la victoire d’Obama le président Medvedev a fait un discourt dans lequel il disait vouloir installer des missiles à Kalingrag. fallait voir dans quel état il était, petit ,crispé derrière son pupitre. Il ne donnait pas envie que l’on se batte a cote de la Russie. Du cote américain on avait Obama avec sa femme et ses enfant tout souriant. A chaque initiative la Russie perd la bataille de l’image.
    voyant son erreur le lendemain il a corrigé sont discourt. félicitant Obama.
    La crise du gaz est aussi un camouflait pour la Russie. Le nouveau contrat négocier indexe les prix du gaz pour l’Ukraine à celui que paie les européens, un prix indexé au prix du pétrole. Comme le prix du pétrole chute l’Ukraine paiera finalement moins chére que ce que gazprom voulait au départ.


    • Alexandre 26 janvier 2009 19:59

      Cet article surévalue les capacités et la volonté de la Russie de se poser en rival des USA.

      Si elle a eu un rétablissement économique spectaculaire depuis 2000 ( 7% de croissance annuelle) et si elle est, en effet, le premier exportateur mondial de gaz et d’armes et le deuxième de pétrole, son PIB est encore loin d’égaler celui des Etats-Unis, même rapporté à sa population, 2,5 fois moindre.

       Ses capacités militaires de projection sont sans commune mesure avec celles des USA qui sont présents militairement à l’étranger dans 800 bases militaires réparties dans une centaine de pays. Même si elle commence à nouer des alliances militaires en Amérique du sud et au Moyen-Orient.

      Et surtout elle n’a pas une influence coloniale sur les faiseurs d’opinion comme les Etat-Unis dont la présence militaire est ressentie comme naturelle et souhaitable. On l’a vu lors de sa réaction à l’agression militaire de la Géorgie contre l’Ossétie du sud qui a été présentée dans la plupart des médias occidentaux, au mépris des faits, comme une agression de la Russie contre la Géorgie.

       La stratégie économique de la Russie ( keynésienne, avec un secteur public fort qui tire et oriente le secteur privé) est développementale et non impériale, et sa stratégie militaire est défensive : Madeleine Albrigtht, a déclaré avec franchise qu’il n’était pas juste (sic) que toutes les richesses de la Sibérie appartiennent à la seule Russie.


      • Iren-Nao 27 janvier 2009 02:21

        @ auteur

        Bon article, modere.

        J’ajoute que Obama ou pas Obama les USA ont toujours et sans doute assez durablement une image assez detestable a travers le monde, y compris a l’Ouest.

        Effectivement la re-naissance de puissance Russe est plus defensive qu’agressive et il est comprehensible qu’elle entende que les pays ex-URSS ne se trompe pas trop dans leurs alliances. La Georgie et l’Ukraine aux mains de laquais des USA se remettent a apprendre la geographie. 
        Ils viennent d’apprendre qu’il ne faut pas attendre d’aide des USA quand on emmerde la Russie, une fois de plus.
        Ceux qui veulent installer des missiles sous leur nez vont sans doute l’apprendre assez vite

        Les USA qui veulent augmenter fortement leur presence militaire en Afghanistan vont bien etre oblige de faire passer leur enorme logistique par des territoires sous controle Russe. Cela va devenir un argument d’un poids tres lourd.

        La Russie a precisement dans les mains un certain nombre de robinets dont il serait incense qu’elle ne fasse pas usage, d’autant que la periode Eltsine et le depecage de l’URSS lui ont laisse quelque amertume, pour ne plus parler du Kosovo (mais on en reparlera forcement).

        Bref moins que jamais le monde est unipolaire et le "leadership US n’est plus qu’un (mauvais) souvenir, juste une incantation.

        La Russie de par sa geographie a naturellement une influence considerable sur le continent Eurasiatique.

        Quant a Mme Allbright elle veut peut etre donner la Siberie a ....Israel, ou a la Chine.

        Cordialement

        Iren-Nao


        • Dubrovac 27 janvier 2009 11:24

          les républiques du Caucase et des Balkans, jadis sous influence soviétique, ont à juste titre bien des raisons de voir dans ce retour le spectre de l’ancien empire soviétique planer sur eux. Ces états sont régulièrement appelés à se positionner pour ou contre le Kremlin. S’ils lui préfèrent Washington, ils risqueront alors d’en essuyer les conséquences.

          Allez soyez franc vous voulez que le Caucase et les Balkans redeviennent des provinces russes ? Et vous voulez aussi que la grande Russie supplante les USA ? Comme vous ne concevez le monde qu’en faveur des grandes puissances et par votre mépris envers les petites nations vous ne valez guère mieux que les impérialistes pro-USA. Bonnet blanc blanc bonnet !


          • abersabil abersabil 28 janvier 2009 08:48

             Il n’y a pas détente possible tant que l’hégémonisme américain est encore en action, l’Afghanistan en est la pièce maîtresse du coup de poker perdant étasunien : le coup de la Géorgie n’a été qu’un tâtement de pool

             

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