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Sénégal, rien ne va plus

En 2006 suite aux difficultés rencontrées a notre entrée sur le territoire sénégalais, j’envoyai à Abdou Diouf la lettre ouverte suivante :

« « « SOPI’R QU’AVANT

Lettre ouverte a Son Excellence Abdou Diouf,

ex-Président du Sénégal et Secrétaire Général de l’OIF

30 octobre 2006

Votre soutien à notre raid de solidarité Bucarest-Dakar fait que je crois de mon devoir de vous informer de deux choses :

-la première, qui est une bonne nouvelle, est que tous les participants et les véhicules sont bien arrivés à leur destination, donc concrètement et malgré les difficultés traditionnelles rencontrées, la Direction de l’Education Surveillée et de la Protection Sociale (DESPS) du Sénégal va avoir sont parc automobile augmenté comme prévu de 4 véhicules.

-la seconde, qui est liée aux difficultés rencontrées dès notre arrivée a Rosso est beaucoup plus préoccupante. Elle mérite surtout d’être portée à votre attention.

Excellence, cela fait 20 ans exactement que je me rends au Sénégal pour des projets de solidarité, 20 ans que je travaille avec la DESPS, 20 ans que ce partenariat fonctionne sans failles.

Au cours de ces 20 années j’ai pu mesurer comment votre pays a évolué, de la situation de crise de 1986 au changement (SOPI) et à votre départ en 2000, puis de 2000 à nos jours. Je crois que le plus simple est de vous décrire ce à quoi j’ai été soumis à mon entrée par le bac de Rosso, avec les véhicules du raid, le jeudi 12 octobre à partir de 15 heures. Tout d’abord la Police n’a pas voulu enregistrer directement nos passeports et véhicules, elle a exigé que je prenne un “Facilitateur”, que j’ai dû bien évidemment payer (50 euros par véhicule, finalement négocié en forfait a 120 euros pour l’ensemble). La taxe d’enregistrement à la Police (une nouveauté puisqu’elle ne délivre par de reçu) a été de 25.000 CFA, payés en Euro au Facilitateur qui disposait d’un petit pactole en CFA sur lui.

La seconde étape a été la Douane, qui a voulu dans un premier temps nous bloquer les véhicules la nuit et nous envoyer dormir en ville. Devant mes arguments un assouplissement est venu, avec en corollaire de nombreux coups de téléphone à l’Ambassade de Roumanie et au Ministère sénégalais de la Justice, et surtout en présentant votre lettre de soutien, pour arriver à un premier compromis : un passavant va nous être délivré, valable une journée, avec dépôt des véhicules au port. Les participants au Raid étant épuisés et une voiture ayant besoin d’une réparation majeure, j’essaie de négocier une nuit à Richard Toll, puis un trajet jusqu’à Dakar sur 2 jours, soit un total de 72 heures. Après une âpre discussion me sont accordées 48 heures de trajet mais pas d’arrêt sur Richard Toll, obligation de rejoindre directement St Louis dans la soirée puis Dakar-port le deuxième jour.

La situation semble débloquée mais il faut régler deux problèmes, la validation par le Colonel Cissé, en poste à St Louis et qui est introuvable (il le sera aussi les deux jours suivants bien que nous nous rendions en personne à son bureau), et la désignation de l’Agent chargé de nous escorter. Pour ce second problème je dois me rendre avec mon véhicule au poste de douane de sortie de ville, accompagné du Facilitateur. Arrivé à cet endroit, et après avoir été arrêté au poste de Police avec une demande de cadeau pour nous laisser passer (10.000 CFA) je découvre que la situation est délicate, le responsable du poste a seulement 3 hommes pour assurer la nuit, il ne peut donc pas nous libérer un de ceux-ci (le Facilitateur me traduit que ce sont carrément ses hommes qui ont refusé de nous escorter).

Je présente de nouveau votre lettre et le responsable décide de demander au poste de douane central de déléguer quelqu’un spécialement pour nous. Nous retournons donc en zone portuaire pour finaliser le passavant (entre temps un de mes collègues a fait les assurances, pour découvrir que même avec un transit de 2 jours nous devons payer le mois complet, soit 45 euros par véhicule). Cette fois les douanes n’ayant ni envie de nous garder ni de nous escorter, décident de nous ajouter sur les deux passavants collectifs la mention DISPENSE devant celle d’escorte. Cette fois je paye les passavants, qui ont augmenté soudainement de 2.500 CFA a 10.000 CFA par véhicule (toujours sans reçu), et nous partons.

Nouvel arrêt au poste de Police qui décide de contrôler tous nos passeports, et donc je dois rentrer seul avec ceux-ci dans le poste. L’astuce est connue, seul en tête à tête avec ce petit fonctionnaire, il peut me demander encore un cadeau, Hélas le Responsable des douanes arrive car il veut nous proposer une modification sur les passavants, il a obtenu du Colonel Cissé l’accord pour nous permettre un transit de 72 heures. Cette intrusion casse la petite négociation qu’espérait faire le policier et me voilà de retour en douane pour une nouvelle rature sur les deux passavants. Enfin nous pouvons partir, il est 21h00, nous avons eu besoin de 6 heures pour entrer au Sénégal !

Ma narration pourrait s’arrêter là si le lendemain je n’avais pas retrouvé ces barrages routiers qui ont fait les beaux jours des fonctionnaires corrompus il y a quelques décennies. Et ces questions qui avaient disparu du langage des policiers, comme “vous avez votre triangle et votre extincteur ?”…. Et ces remarques de mes amis sénégalais qui s’inquiètent de cette réapparition de type de contrôles, de ces restaurateurs qui ont vu revenir les inspecteurs chercher leur pitance quasi quotidiennement…..

En bref, Excellence, la corruption est revenue au niveau de la base de la fonction publique sénégalaise, cela signifie que l’image de l’Etat est totalement dégradée, et seule la vôtre semble avoir un effet positif sur ces fonctionnaires. Quel gâchis depuis 2000 et ce fameux“SOPI”. Dakar est désormais déserte la nuit, les poubelles s’amoncellent même en plein centre, les rues sont détruites et gorgées d’eau croupie en ce mois d’octobre, tout semble en chantier. Votre Capitale, Excellence, a des airs de Beyrouth après le passage des avions israéliens.

Je crains l’étape suivante qui peut être tout simplement la fin de la démocratie et de “l’exception sénégalaise”.

« Sopi’r qu’avant » est un jeu de mots à partir de SOPI, mot wolof qui signifie le changement et qui était utilisé par Abdoulaye Wade et ses partisans lors de la campagne électorale qui l’a amené à gagner les présidentielles, les sénégalais attendent toujours le changement … » » »

--------------------------------------- et maintenant -------------------

Depuis plusieurs mois maintenant Dakar est l’objet de coupures quotidiennes de courant, pas de celles qui surviennent pour une cause« normale », grève, rupture de câble, je parle de coupures qui touchent la plupart des quartiers notamment populaires et durent jusqu’à 12 heures de rang. Chaque dakarois a du s’adapter, ne plus stocker d’aliments périssables, faire ses achats au quotidien. En même temps la presse parle de sommes énormes qui disparaissent, de pots de vin gigantesques, et le fils du Président Wade, Karim, qui cumule 4 ministères dont celui de l’énergie a été surnommé Monsieur 20 (de 20%).

Dernièrement le Président Wade, qui finira son second mandat en 2012, a tenté de faire modifier la constitution sénégalaise pour obtenir le droit d’être de nouveau candidat et pour également créer un poste de vice-président. Son idée est simple, Abdoulaye Wade est âgé et il sait que même s’il obtenait un 3èmemandat il pourrait ne pas arriver à son terme. Nommer un vice-président c’est simplement pour l’attribuer à son fils Karim et en faire ainsi son héritier.

C’est ce projet qui a été le déclencheur des émeutes qui ont eu lieu fin Juin dans Dakar, devenue une gigantesque poubelle depuis que la grève des éboueurs a commencé. L’été 2010 ce sont des pluies diluviennes qui avaient transformé les quartiers de Dakar en vraies fosses à merde, les égouts jamais rénovés ou adaptés depuis 1960 ayant débordé plusieurs jours d’affilée. Et Karim Wade , incorrigible, a même envisagé d’appeler à la rescousse l’armée française : voir lien http://www.afrik.com/breve32724.html

Alors que des terrains dans les quartiers chics (N’Gor, Yoff) passent du patrimoine de l’Etat dans des mains privées sous forme de quasi donations, que va être lancé l’autoroute à péage Dakar – Rufisque, des bouchons gigantesques et quotidiens agrémentent la vie des dakarois, et cette capitale est devenue au fil des ans un lieu particulièrement pollué, tout en étant sur une presqu’île.

Déconnecté de la réalité, le Président Wade, qui avait été amené au pouvoir grâce au soutien de son ami Khadafi et qui ces dernières années avait eu son aide indéfectible y compris au plan financier, est désormais devenu le facteur de Sarkozy, allant à Benghazi en passant par Paris pour prendre ses ordres de Alain Juppé, et est revenu à Dakar de nouveau via Paris pour rendre compte de sa mission. Au Sénégal certains commencent à craindre un scénario à l'ivoirienne ....


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2 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 13 juillet 2011 16:21

    dès qu’il a le pouvoir , l’africain est prêt à tout pour le garder ! les opposants d’hier sont devenus les copies conformes des tyrans qu’ils ont chassés !

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