Une Crimée indépendante, pour être du bon côté de l’Histoire !
Barack Obama l’a dit, la Russie est du mauvais côté de l’Histoire et ça ne peut être que vrai pace que l’Amérique ne se trompe jamais. Un pays dont le président prête serment sur la Bible ne peut être qu’investi d’une divine mission dont les décisions et les positions ne sont pas contestables car aussi sûres que les bulles de l’infaillibilité pontificale. Du temps de GW Bush, l’Amérique était aussi du bon côté, mais cette fois dans le domaine de la morale. Axe du bien et axe du mal. La politique américaine marquée par les deux piliers de l’Occident, Jérusalem et Athènes. Le Bien, le Vrai. Et l’Europe, elle serait aussi du bon côté de l’Histoire, elle qui a cherché des histoires au précédent gouvernement Ukrainien. A quoi joue l’Europe ? L’honnête citoyen que je suis constate que l’Europe politique est contestée par les peuples européens, que les pays européens sont minés par les inégalités, avec une croissance en panne et une pauvreté grandissante. L’Europe impuissante à s’occuper de ses peuples s’en va en guerre pour s’occuper des affaires ukrainiennes. Alors moi, philosophe, je m’en vais m’occuper des affaires européennes et de l’Histoire. D’ailleurs, Monsieur Obama ferait mieux de s’occuper du merdier sur son territoire, avec sa jeunesse malmenée et ses villes en faillite parmi lesquelles Detroit.
Jetons un œil sur la crise en Crimée qui découle de la crise politique en Ukraine. Ce qui se passe en Crimée est facile à comprendre mais pas facile à résoudre parce que le problème de la Crimée, c’est l’Europe, les Etats-Unis et l’intransigeance partisane de leurs gouvernants. Du point de vue médiatique, on retrouve la conjoncture syrienne, avec une opinion abreuvée de propagande occidentale et une dissidence médiatique qui tente de rétablir un angle de vue plus équitable. Pour bien comprendre, un regard sur l’Histoire. La crise en Crimée est en quelque sorte un classique de la Modernité, avec des peuples et des Etats. Il y a des pays dont les populations sont intégrées culturellement et linguistiquement, d’autres un peu ou beaucoup moins. De cette configuration ont résulté nombres de crises politiques avec deux catégories, la voie de l’annexion, un Etat qui veut défendre ce qu’il interprète comme étant une émanation de sang ou de culture. Ce fut le cas de l’Allemagne soutenant les populations germanophones lors de la crise des Sudètes. Autre catégorie, la voie de l’indépendance. Une population qui dans sa majorité ne veut plus être sous la coupe d’un Etat qui ne la représente pas. Ce fut le cas du Kosovo avec les revendications d’indépendance de la population albanophone. Le statut du Kosovo n’est pas réglé bien que de fait, l’indépendance soit acquise. Serbie et Russie plaident pour l’intégrité territoriale et refusent l’indépendance, contrairement aux Etats-Unis et à l’Europe. Ce qui se passe en Crimée est cocasse car c’est l’inverse. Etats-Unis et Europe plaident pour l’intégrité territoriale de l’Ukraine contrairement aux Russes qui seraient favorables à une indépendance avec partenariat privilégié. On retrouve le cas de l’Ossétie, petite province qui fut disputée lors de la crise en Géorgie.
Ces questions de populations, Etats et territoires, sont un dénominateur commun à la Modernité politique. La manière dont les Etats, via leurs gouvernants, découpent les territoires, engendre souvent des tensions si les populations ne sont pas homogènes. Ce processus est spécifique de la Modernité. Contrairement à la cité antique et même machiavélienne dans laquelle le politique vivait au sein de la population, l’Etat moderne est gouverné par des Etats devenus extérieurs à la population (lire les pages éclairantes de Strauss). Des Etats à double face, réunissant les populations sur un territoire qu’ils administrent mais aussi séparant les gouvernants et les gouvernés. Les populations sont parfois instrumentalisées et l’homme devient un moyen et non une fin. La population de Crimée est devenue l’enjeu de manœuvres géopolitiques qui la dépassent largement. C’était déjà le cas lors que Khrouchtchev, l’homme qui usa de sa chaussure un jour à l’ONU, s’y pris comme un pied en rattachant la Crimée à l’Ukraine soviétisée. Les services diplomatiques et les chefs d’Etats s’agitent actuellement mais le plus simple serait de demander son avis au peuple et de faire un référendum. Contrairement à l’est de l’Ukraine qui bien que russophone, se sent en majorité ukrainienne, les habitants de Crimée se sentent pour la plupart russes.
Dans cette crise, le « camarade » Poutine est présenté comme le méchant, l’ogre impérialiste qui veut reprendre la Crimée, l’Ukraine et même la Pologne, la Lituanie et la Tchéquie. L’Europe est les Etats-Unis sont représentés comme l’incarnation de la démocratie, la liberté, l’égalité, le bien et le bon sens de l’Histoire. C’est la version officielle. Si on analyse avec plus de détails et de recul historique, on comprend les enjeux territoriaux et on décèle un impérialisme plutôt du côté occidental. L’Occident a terminé sa course historique, se cherche un dessein, surtout cette Europe qui en agaçant la grande Russie, croit avoir retrouvé un rôle positif dans l’Histoire. Alors que cette Europe gère de manière calamiteuse les territoires qu’elle a en charge. Et que les Occidentaux n’ont pas été très clairs avec le droit international, notamment avec la Libye et l’Irak, ce que vient de rappeler Poutine pour remettre quelques pendules (de l’Histoire) à l’heure. Mais pour le philosophe, l’horloge de l’Histoire moderne indique le triste sort des populations qui ont le tort de ne pas habiter au bon endroit, ni de vivre au bon moment. Le découpage des territoires par les grandes puissances permet de se réclamer du droit mais en oubliant les peuples. Droits des Etats contre droits des populations. Le schisme n’est pas prêt d’être réglé comme en atteste l’énième crise de territoire, cette fois en Crimée. Et puis ce sont les puissants qui font l’Histoire, avant de l’écrire. En se réclamant du droit des Etats ou du droit des peuples, selon ce qui les arrange.
Alors un mot de conclusion, simple, à l’adresse d’Obama et de ses acolytes européens. On ne sait pas ce qu’est le bon sens de l’Histoire mais on est certain que l’Histoire va dans le sens des forces les plus puissantes, qui ne sont pas forcément les plus justes. Et que ce spectacle donné par les dirigeants du monde s’avère de bien piètre facture. L’Europe est malade de sa politique, de son économie, mais elle veut montrer qu’elle a des biceps. Qu’elle montre en se croyant dépositaire de l’humanisme universel. Mais c’est raté. L’Europe n’est pas vraiment crédible. Ses manœuvres diplomatiques en Ukraine sont improvisées. Le problème des populations de ce pays, c’est la corruption, qui émane de tous bords. La solution politique et économique ne peut pas venir de l’Europe, pas plus que de la Russie. Les manœuvres européennes et surtout américaines semblent dictées par un désir de mater la Russie et de prendre une revanche depuis la crise syrienne. Aucun souci des peuples, mais quel narcissisme des élites. Le parlement ukrainien vient de voter une loi contre l’enseignement de la langue russe. L’Europe ne dit rien, elle qui a édicté une charte pour les langues régionales. On voit bien les limites de la légitimité occidentales, surtout sur le plan économique. La Russie ne s’occupe pas du partenariat entre les Etats-Unis et le Mexique alors pourquoi les Etats-Unis se mêlent des relations entre Ukraine et Russie et ce John Kerry paradant tel un Adolf ou un Ariel à Maiden comme s’il était en territoire conquis. Lamentable. Le sens de l’Histoire est lamentable. Qu’on fasse un référendum que la Crimée soit indépendante, pour aller dans le sens de l’Histoire et barrer la voie au totalitarisme occidental. Ou plutôt à la bêtise occidentale dont la conséquence est de pousser l’Ukraine vers la partition.
Ce n’est que mon point de vue sur le « bon » sens de l’Histoire. Je peux me tromper. Poutine est peut-être le diable. Ou avoir des intuitions vraies. Auquel cas le diable c’est Obama.
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