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Accueil du site > Actualités > Médias > Attention ! à la télédivision de notre... attention !

Attention ! à la télédivision de notre... attention !

Les enfants de « Working girl » ont définitivement envoyé promener le rêveur solitaire de Rousseau. En effet, le penseur solitaire s’adonnant à quelques heures de réflexion contemplative, profonde et exempte du moindre dérangement fait figure d’anti-héros de la modernité, représentant désuet et vaguement romantique, pour ne pas dire ringard et rétrograde, de temps révolus et souvent moqués à l’ère du gigabit. Les sociétés occidentales ont à tel point érigé l’action [1] en symbole de réussite et de supériorité que l’absence d’agitation, soit-elle brownienne [2], paraît un signe inquiétant, voire quasi-pathologique dans un siècle où tout circule très vite : les informations, les produits et les personnes.

Un des fers de lance de notre société n’est-il pas ce cadre dynamique qui sprinte cravate au vent sur les quais de gare tout en téléphonant, qui avale son sandwich dans le TGV en scrutant son ordinateur portable et en se confiant à son organiseur électronique vocal, qui boursicote en soirée sur internet avec son bébé installé sur les genoux, qui se défoule sur son vélo d’appartement après avoir hanté les escalators, ascenseurs et autres taxis toute la sainte la journée et qui lit d’un œil son courrier sur son canapé, scrutant de l’autre le match de rugby enregistré la veille.

C’est à croire que le temps de la société s’accélère inexorablement, nous contraignant ainsi à nous atteler à plusieurs choses à la fois et à fractionner notre concentration pour ne pas se laisser décrocher. Cela aboutit à une sorte de culte du mouvement, véritable vénération de l’activité multiple et débordante comme un critère contemporain d’efficacité. Libre à l’homme moderne de se croire capable de courir plusieurs lièvres, réels et virtuels, à la fois. Néanmoins, quelle est la part irréductible de nécessité et de non superficialité dans ce bouillonnement qu’il soit d’ordre administratif, professionnel, relationnel, médiatique ou publicitaire ? Quelles sont les conséquences de ces incessantes nuées de sollicitations qui nous assaillent sur le recul avec lequel nous analysons notre société, ainsi que notre place dans celle-ci ? Disposons-nous réellement de moments pour réfléchir sereinement, pour faire un point posé, et pour se remettre éventuellement en cause ? Le risque n’est-il pas grand d’accomplir son chemin dans un système que l’on questionne peu, dont on accepte a priori les dérives et les travers comme inéluctables, pour peu encore qu’on les constate, et dans lequel, de sollicitation en sollicitation, on remet continuellement aux calendes grecques l’analyse sérieuse de notre ressenti ?

Je pose d’autant plus sciemment ces questions que j’ai souvent observé qu’il faut une longue coupure hors système, un long séjour à l’étranger avec d’autres repères ou bien encore un événement choquant pour nous faire apparaître ce que le quotidien et l’habitude nous dissimulent lorsque l’on ne les questionne pas régulièrement, ce qui n’est pas toujours simple au sein de notre environnement et de par notre style de vie.

Cet article se propose de vous glisser la main sous le menton quelques minutes afin de réfléchir aux origines et aux conséquences de l’ubiquité mentale à laquelle nous soumet notre quotidien, dans lequel notre précieuse attention joue régulièrement les acrobates entre plusieurs fils. Avec ou sans filet, telle est la question.

Vous connaissez une certaine Julie ?

Il est 20h15 heures au centre commercial. Après une journée dense à disséminer son attention entre ses clients, ses collègues, le suivi des chiffres, les coups de fil, les appels interphone et la radio, Julie, la jeune et jolie vendeuse de prêt-à-porter quitte son magasin en se glissant sous le rideau de fer déjà à moitié baissé, tandis que son petit ami fait le piquet devant l’entrée depuis un bon quart d’heure déjà. Le téléphone cellulaire de la soubrette sonne soudainement et celle-ci répond, non sans embrasser simultanément son valentin, puis s’enquiert à mi-voix de sa journée tout en écoutant son interlocuteur cellulaire. Elle raccroche au moment où le mobile de son jules, Romain, carillonne. Naturellement, il prend l’appel et le couple s’éloigne main dans la main, téléphone à l’oreille. Retrouvailles anodines en ce début de siècle.

Le soir, notre couple rejoint des amis qui sont déjà à l’apéritif dans leur salon. Il y a une musique d’ambiance, doublée d’un léger bruit de fond provenant du téléviseur allumé. Julie parle à son amie Emma, mais cette dernière garde un œil sur la fin du journal télévisé, qu’elle ne peut s’empêcher de commenter de temps à autre. Tout en écrivant un sms, Romain discute de son côté avec le mari d’Emma qui commence à jouer machinalement avec la télécommande et à faire défiler les chaînes car le journal s’achève. Ils s’entretiennent distraitement de course sur route et Romain raconte qu’il n’a jamais été autant encouragé que quand il a porté le dossard numéro 118 car à son passage, tous les enfants hurlaient, avec un zèle hystérique, le slogan publicitaire des renseignements téléphoniques, telle une leçon parfaitement apprise. Justement, la sonnerie du téléphone fixe retentit alors dans l’appartement. Emma répond et se fait démarcher par un conseil financier qui lui demande si elle paye plus de 1500 euros d’impôts. Elle l’envoie gentiment promener : il est presque 21 heures. Du coup, elle ne se rappelle plus de quoi elle parlait avec son amie. Ce n’était sans doute pas important. En rentrant chez elle, Julie note la généreuse proportion de téléviseurs allumés par les fenêtres de la ville. Une réminiscence d’un vieux livre, « 1984 », lui vient comme un flash. Elle se dit que les telescreens de George Orwell étaient, eux, allumés sans le consentement des citoyens. Mais arrivée chez elle, elle quitte bien vite ses pensées rebelles pour écouter son répondeur, éplucher quelques factures, jeter un œil sur des prospectus. Il se fait tard. Elle pose la main sur son ventre et sait que dans quelques mois, elle aura encore moins de temps pour elle...

Cette scène de vie, me direz-vous qu’elle est caricaturée ou bien absolument banale ? Dans tous les cas, elle illustre le morcellement insidieux de notre attention qui sévit jusque dans nos sphères privées. Les innovations technologiques ont largement permis cela, parfois en répondant à des attentes réelles, parfois en les outrepassant pour nous vendre le besoin avec le produit. Il ne s’agit pas de faire le procès du progrès technique, mais de constater avec lucidité que nos propres créations, encouragées par les excès d’une société de consommation toujours en quête de croissance et de nouveaux marchés, nous étouffent parfois.

Esprit, es-tu là ? Non, au téléphone.

Florence Signoret a récemment mentionné les manquements à la politesse engendrés par les téléphones portables au cinéma par exemple [3]. Il n’est pas rare non plus d’observer le mépris témoigné par les gens qui, sans un regard, ni un mot pour les employés, continuent leur pseudo-conversation à certains guichets ou caisses. Se réveilleront-ils lorsqu’ils n’auront plus que des automates en guise d’interlocuteurs ? Au-delà du savoir-vivre, je crois que les conséquences de la nouvelle téléphonie pénètrent bien plus loin dans notre for intérieur. En occultant même leurs gadgets à la pertinence discutable, force est de constater que l’usage immodéré des téléphones cellulaires a délocalisé une partie de notre attention au détriment de notre environnement direct. En prime, les diverses variétés d’oreillettes achèvent parfois de semer la confusion la plus totale puisqu’on ne sait même plus à qui s’adressent ceux qui en sont munis, voire greffés.

Esprit, es-tu là ? Non, sur internet.

Internet est un outil fabuleux pour élargir le champ de ses connaissances, dans les deux sens du terme. Néanmoins, sur de nombreuses pages, les sollicitations pour nous arracher quelques secondes de regard pullulent, jusqu’à s’adjuger parfois la priorité en ralentissant l’affichage du sujet principal. Il y a un côté parfois usant à tenter de focaliser son attention sur un objet précis dans le « Las Vegas by night » que sont devenues certaines pages.

Par ailleurs, dans certains cas où l’on cherche une profusion de contacts, peu suivis et vivant à l’autre bout du monde, alors qu’on court-circuite systématiquement tout échange avec ses voisins, il y a une logique défaillante qui s’installe avec ce medium.

Esprit, es-tu là ? Non, devant le poste.

La télévision, instrument surpuissant et fabuleux sous certains aspects, se retrouve la pièce maîtresse d’un système assez partisan qui manipule plus qu’il n’informe, qui encourage la passivité plus qu’il ne motive et qui met largement en pièce la cellule familiale, surtout lorsqu’il y a plusieurs « télé-diviseurs » dans la maison. Ici encore, les programmes tendent à se fragmenter par la réclame, quand ils ne se morcellent pas tout simplement eux-mêmes comme certains journaux télévisés où défilent, à l’américaine, les cours de la bourse ou des brèves sportives tandis que le présentateur commente des images de catastrophes humanitaires. Albert Einstein disait de la télévision qu’elle était le chewing-gum de l’esprit, nous pourrions ajouter désormais qu’elle en donne au moins un à mâcher à chaque hémisphère du cerveau. Nous avalons encore mieux l’effet « chewing-gum » quand nous bullons en ne la regardons que d’un œil.

Et les jeunes esprits ?

Enfin, comment omettre de remarquer avec quelle précocité et quelle facilité nos jeunes enfants s’approprient ces technologies jusqu’à ridiculiser de virtuosité leurs parents, jeux vidéos inclus. Le revers de la médaille n’est-il pas toutefois constaté par de nombreux enseignants qui se plaignent de faibles capacités, non pas intellectuelles ou mémorielles, mais tout simplement de concentration chez leurs élèves ? La surexposition dès le plus jeune âge à des doses de publicités et autres intoxications audiovisuelles n’est-elle pas inquiétante ? La seule éducation parentale peine parfois à réguler ce que la société laisse faire, voire promeut, détruisant ainsi le travail éducatif. Doit-on pour autant prôner un retour au temps des coups de règles sur les doigts ? Je ne crois pas : l’anachronisme se situe plutôt au niveau du gaspillage mental et matériel induit par la supériorité de l’économie sur l’humain, en ces années où l’on pressent que l’idéologie de la croissance va devoir, d’une manière ou d’une autre, changer son fusil d’épaule. Le danger, lui, porterait plutôt sur une dérive de l’aspect propagande [4], contrôle et surveillance du citoyen que permet la technologie, sous le couvert de bienveillance.

En guise de conclusion, les paradoxes que je voudrais souligner partent d’un constat difficilement contestable : la technologie développe considérablement les possibilités de communication et d’information. Cependant, il semble que quelque chose d’essentiel nous échappe encore, voire même se détériore par rapport à des temps où les fibres optiques débitaient moins haut. Ce quelque chose, c’est la dispersion de notre attention entre toutes ces possibilités qui nous noient parfois dans un quotidien certes actif, mais plus souvent fixé sur des fluctuations superficielles que sur des tendances de fond. C’est aussi la difficulté à se concentrer de façon cohérente, objective et constructive dans un flot d’actualités parasité par les intentions partisanes ou commerciales, dans un débit d’informations au mieux turbulent et sans lendemain, au pire canalisé, dirigé et censuré [4]. L’absence de régulation de notre modèle de consommation en est peut-être la cause : celui-ci est généralement incapable de se modérer avant d’atteindre la saturation, notre comportement vis-à-vis de l’environnement le prouve. Je crois qu’une certaine pollution sévit également au niveau mental, par le rythme et la multiplicité des sollicitations qui tendent à ramener bien vite à la surface nos réflexions. La question qui demeure en suspend se pose en ces termes : est-ce le résultat mécanique et aveugle d’une organisation sociale immature, notamment dans l’utilisation de ses nouveaux jouets, ou bien est-ce le produit scient d’un intérêt qui veille à garder un maximum de gens suffisamment occupés et distraits pour ne pas trop se questionner pendant que, par exemple, le nombre de milliardaires grimpe [5], tout comme la température de la planète ?

Enfin, je pose ma dernière question, corollaire potentiel à la division de notre attention : comment juger des personnes qui servent de bonne foi un système dont la vilenie leur échappe par manque de recul ?

***Merci à Julia de Donetsk ([email protected]) pour son travail sur l’illustration de cet article***

[1] Je ne parle pas de l’action cotée en bourse, quoiqu’elle constituât également un symbole d’intérêt.

[2] C’est-à-dire de résultante moyenne nulle.

[3] Article de Florence Signoret :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=20583

[4] Un exemple récent dans l’article de Denis Robert :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=20456

[5] Classement des milliardaires dans le monde par Forbes :

http://www.forbes.com/lists/2007/10/07billionaires-The-Worlds-Billionaires_Rank.html

Documents joints à cet article

Attention ! à la télédivision de notre... attention !

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30 réactions à cet article    


  • Bernard Dugué Bernard Dugué 28 mars 2007 12:07

    Bonjour,

    Très bel article évoquant l’Arraisonnement, l’Emprise de la technique, de la mobilisation générale, du bougisme, avec en arrière-fond, la perte de la présence d’Esprit et des facultés supérieures de la conscience.


    • Arnaud Villanova 28 mars 2007 18:20

      Merci Bernard d’ouvrir le bal des commentaires de cette positive manière. J’ai commis cet article en sachant que, par son thème et sa longueur, il demeurerait confidentiel, mais je me réjouis néanmoins d’avoir suscité l’intérêt de quelques personnes telles que vous, dont je connais l’analyse généralement avisée par les quelques articles que j’ai lus de vous. Cordialement !


    • Dilip Singh (---.---.14.69) 28 mars 2007 23:03

      Excellent article, Montaigne disait que « le malheur de l’homme viens du fait qu’il ne peut rester seul en silence une journée dans une pièce »...

      Et j’ai appris dans un magazine (je ne me souviens plus duquel, désolé) que le couple moyen américain ne ce parle de vive voix que 20 mn par.....SEMAINE.

      D’un point de vue personnel je me suis débarrasé depuis longtemps de toutes ces choses qui parasitent la paix de l’esprit, je fait surement partie d’une classe de dynosaures en voie de disparition....mais je n’ai ni voiture, ni portable, ni tv. Etre trés méditatif, j’adore le silence et la solitude.

      J’habite un endroit trés calme où viennent chanter les oiseaux smiley et pour rien au monde je ne changerais la paix et le silence que je ressent en mon être...

      J’essai de faire partager ce bien être intérieur (j’enseigne le yoga et les arts martiaux chinois internes), mais je sais que pour la plupart celà n’agit que comme un calmant passager ; une sorte de récréation hors du brouhaha de la vie.

      Le prix pour cette paix semble trop dur a payer....


      • (---.---.122.120) 28 mars 2007 23:19

        « Montaigne disait que »le malheur de l’homme viens du fait qu’il ne peut rester seul en silence une journée dans une pièce« ... »

        C’est Blaise Pascal :

        « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre. » (Pensées)


      • Arnaud Villanova 28 mars 2007 23:41

        J’apprécie la citation que vous m’apprenez, d’autant plus qu’elle ne date pas d’hier puisque, si ma mémoire est bonne, Montaigne et La Boétie vivaient au 16ème siècle. Cela prouverait que les tendances que je décris dans l’article ne sont pas spécifiques à notre époque. Par contre, ce qui est manifeste de notre temps, c’est la quantité de sollicitations ou d’opportunités qui ne sont guère compatibles avec se retrouver « seul en silence » pour tenter de prendre un peu de recul...

        Il semble même que ce que vous, vous aimez, fasse une peur bleue à nombre de nos contemporains, à savoir s’isoler un petit peu en éteignant tout ce qui « informe », bippe, vibre et sonne, puis regarder autour ainsi qu’en soi-même pour chercher ce que ce dernier aurait à nous raconter... Des remises en cause « au prix trop dur à payer » ?

        Merci pour vos lignes que j’ai lues avec intérêt.


      • (---.---.122.120) 29 mars 2007 00:11

        C’est pas Montaigne, c’est Pascal !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


      • Arnaud Villanova 29 mars 2007 00:29

        Après vérification, la citation exacte est de Pascal, telle qu’énoncée par le commentateur anonyme, qui a bien fait d’intervenir. 17ème siècle donc !

        Les deux auteurs se sont néanmoins intéressés aux effets des « diversions-divertissements ». Montaigne voyait un bénéfice à oublier ses souffrances en détournant notre attention. L’article va plus dans le sens de Pascal qui notait dans l’agitation un moyen de se détourner de nous-mêmes et de ne pas regarder la réalité en face... Est-ce souhaitable parfois ?...

        Aller, pour conclure cette journée, Montaigne, vraiment lui cette-fois : « Si l’on bâtissait la maison du bonheur, la plus grande pièce serait la salle d’attente. »

        et La Bruyère :

        « Tout notre mal vient de ne pouvoir être seul : de là le jeu, le luxe, la dissipation, le vin, les femmes, l’ignorance, la médisance, l’envie, l’oubli de soi-même et de Dieu. »

        Tout ce qui fait la joie de beaucoup, non ? smiley


      • Dilip Singh (---.---.14.69) 29 mars 2007 20:11

        Bon ok c’est ce chère Blaise qui a dis la citation...c’est pas besoin dans faire un patacaisse.

        J’ai lu telement de livre de philo que j’en fini par mélanger les noms, la prochaine fois je dirais « un philosophe a dit.... » et tous le monde sera content, y compris celui qui donnera son nom smiley

        Pour ce qui est de percevoir le silence en soit-même, il est sur que celà fais trés peur à la plupart des personnes, d’où d’ailleurs tous ces gadjets que vous citer dans votre article qui sont fais pour vous occupper le mental encore et encore un peu plus.

        Une parabole compare le mental à un singe qui créer lui même sa cage par ses sauts continues...si petit à petit on lui apprend à ce calmer la cage viens à disparaitre, et avec la pratique le singe aussi smiley


      • raskolnikov (---.---.192.157) 2 avril 2007 09:21

        Salut, excuse me, mais c’est pas de Montaigne, mais de Pascal

        « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre »

        Discours sur les passions de l’amour, Toutefois, Montaigne était un grand lecteur de Pascal.... lol !!! sinon, très bon article, j’imagine que je vais lire de ce pas...


      • (---.---.122.120) 29 mars 2007 00:15

        « Montaigne disait que »le malheur de l’homme viens du fait qu’il ne peut rester seul en silence une journée dans une pièce« ... »

        Non. C’est Blaise Pascal :

        « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos, dans une chambre. » (Pensées)


        • raskolnikov (---.---.192.157) 2 avril 2007 09:22

          C’est pas dans les pensées, mais dans Discours sur les passions de l’amuuuuuur !! Soyons précis SVP lol !!


        • raskolnikov (---.---.192.157) 2 avril 2007 10:29

          Excellent article qui demande moults commentaires, quelques idées en vrac :

          Le temps en soi ne s’accélère pas, mais les contraintes imposées par le marché qui monopolisent toute la durée d’activité de l’homme OUI, enfin quel homme ?... Son indisponibilité lui donne cette aura de l’homme important, déviance puérile du surhomme nietzschéen tels que ces ânes d’ultralibéraux en dessinent le prototype paradigmatique.

          Surbooké, accaparé par le dieu travail, tout acquis à sa cause, il utilise dans ce seul but toutes ces prothèses déshumanisantes que sont le portable (téléphone, ordinateur) au détriment du temps à lui. Publicité vivante de la mobilité, de l’abnégation qui prend aussi valeur d’exemplarité, par la valeur marchande de ces prothèses qui lui donnent un supplément non de respectabilité, mais de « distinction ». Il fait « riche ». Il n’en suffit pas moins pour que cet homme, blanc de préférence... beau, bien habillé, bon père, nantis de tous les éléments (prothèses) de la modernité occidentale s’érige en nouveau dieu et par là même discrédite par sa seule présence et son bougisme, les valeurs devenues dès lors fondamentalement « has been » de l’arrêt, de la distanciation, de la réflexion, de la contemplation. Le « kairos » n’a plus court chez lui. Il est fier d’être un esclave de l’objet au seul service du capital et se donne en exemple, suscite l’envie, doit susciter l’envie, pour qu’une armée de gogos dans son genre puissent frimer et relayer dans la réalité, le mensonge de la publicité....

          Dans le monde de TINA qui est un totalitarisme d’autant plus virulent qu’il se fonde sur le supposé forcément illusoire d’un consentement généralisé...., il n’y a pas d’alternative possible... (There Is No Alternative). Plus le choix donc, l’horizon indépassable décrété par les ultralibéraux, c’est que de toute manière vous devez accepter votre condition d’esclave, un point ce tout. C’est un fascisme plus vicieux que tous les autres, parce que basé, sur le décret de son assimilation et son acceptation par des victimes devenues consentantes... A force d’être martelées à longueur d’ondes dans les média, ces idées ahurissantes tendent à devenir la norme !

          Ce qui domine, c’est le mépris. Tout est là. Le mépris à l’égard des « inférieurs », l’immense majorité des gens soumis au travail, de plus en plus accablés par des conditions dégradantes, payés au lance pierre. Les capitalistes d’en haut on besoin de faire jouer cette concurrence entre les petits pour que la jalousie et la convoitise battent leur plein, en somme que la vanité, le mensonge deviennent des normes, la logique naturelle (sic) d’un marché « de droit divin »...

          Cela du cadre supérieur (ersatz de capitaliste, mais ersatz ultra-visible) jusqu’à l’ouvrier ou l’employé de base, en passant par le RMIste ou le chômeur qui ne peuvent - chacun à leur niveau d’espérance - que lorgner vers le haut, celui présenter par la télévision et la publicité... Ce qui suscite un degré de frustration sans doute jamais atteint jusqu’ici.

          Il y a une véritable identification de la part d’un grand nombre d’individus jeunes à ces politiques de distinctions affichés avec une morgue franchement délirante (// avec le mépris de ceux qui téléphonent sans égard aucun vis-à-vis des tiers, caissières ou passant : exemple avec la FNAC, l’autre jour où une nymphette engueulait copieusement une copine à propos de son mec... sans que personne n’ait manquer une bribe de leur « con-versation »...j’ai même manqué me faire incendier en secouant la tête.... Passons....)

          Morcellement de l’attention, division des classes.... Même objectif, la pensée unique, le consommer unique, la communion des pseudo-singularités....effets de sidération, tout tout de suite, tout nous est dû... dans une société où le mérite a laissé place au népotisme... Les mensonges les plus éhontés ont court, sans que ça n’émeuve plus personne...

          La sécurité érigée en dogme absolue, à un moment où l’insécurité sociale reste tue dans les faits, c’est le contrôle des consciences qui creuse son nid ou étend sa toile c’est selon, le sapeur et l’araignée ont ici le même but, neutraliser par tous les moyens ce qui leur fait le plus défaut : l’intelligence !.... Car, fondamentalement, hypothèse personnelle, l’intelligence est amour.

          « Les personnes qui servent de bonne foi ? » en toute mauvaise foi oui, le mépris des puissants se nourrit de celui qu’ils distillent dans les couches inférieures en leur faisant rêver qu’à eux aussi c’est possible, les richesses, mais en sachant pertinemment de que cela relève, du pure rêve...

          Tant que le zapping névrotique du consumérisme sera à l’œuvre et que l’argent restera l’alpha et l’oméga des rapports humains, fondant à cette seule aune la dignité humaine, le pire reste à craindre...


        • Arnaud Villanova 2 avril 2007 14:33

          Raskolnikov,

          merci d’avoir pris la peine d’exprimer autant d’idées dans votre commentaire. Je vais, à mon tour, tenter de réagir à certaines formules clés que vous employez.

          Le « Dieu travail » monopolise grandement le débat public par ses modalités, pourtant ses fondements demeurent peu discutés. Voilà typiquement un sujet qui souffre de la diversion de notre attention. En effet, avec tous les progrès techniques réalisés pour la satisfaction de nos besoins primaires, nous devrions nous demander plus souvent « pourquoi travaillons-nous ? », « pourquoi est-ce si terrible d’être privé temporairement d’un emploi dans une société si riche ? ». Bien loin de prôner l’oisiveté, il s’agirait d’analyser si le travail occidental n’enrichit pas surtout quelques familles (+155 milliardaires en $ en 2006) et notre atmosphère en gaz à effet de serre. Avons-nous réellement besoin de tant de nouveaux produits ? Si, en plus d’être inutiles, ceux-ci ont des conséquences globales néfastes, quelles conclusions devrions-nous en tirer ? Une philosophie différente du travail et une autre répartition de ses dividendes sont-elles absolument hors-de-propos ?

          Mêmes questions pour la croissance économique s’appuyant sur des ressources finies : userons-nous de réflexions et de sagesse ou attendrons-nous d’être dans l’urgence des catastrophes ?

          Quant au système dans lequel nous vivons, vous le qualifiez de « vicieux » et j’y vois au moins deux niveaux.

          Politiquement, la démocratie doit permettre au peuple de se diriger lui-même. Toutefois, le décalage entre l’opinion populaire et celle de ses représentants laisse perplexe, comme lors du référendum de 2005. Si l’on répond que la majorité n’a pas la visibilité et la compréhension des élites -ce qui a été dit-, alors c’est qu’on pense à autre chose qu’à la démocratie...

          Economiquement ensuite, le capitalisme s’accommode plutôt bien de ses rebelles. Comme Heath et Potter le montrent dans leur livre « Révolte consommée », le révolutionnaire est d’abord transformé en « cool », puis en générateur de nouveaux marchés, avant que ceux-ci ne deviennent des marchés de masse. Ainsi, les « Nike » de la rue noire américaine, le « Lacoste » de chez nous, les « vans » et « coccinelles » des hippies des années 60... Voilà d’autres exemples de « publicités vivantes » que vous mentionnez. Le capitalisme digère très bien la contestation : il en fait une distinction qui, avec un bon marketing, devient source de convoitise, de concurrence et de profit : toute l’essence de notre système.

          Un dernier exemple vu ici-même sur AgoraVox : les commentaires anti-4X4 allaient bon train à la suite d’un article traitant de ces véhicules, et tout cela alors que de la réclame de 4X4 s’étalait à droite de l’écran. Le capitalisme a une aptitude à la récupération et à l’adaptation parfois cynique mais performante.


        • raskolnikov (---.---.192.157) 2 avril 2007 16:40

          L’amour de la glose...lol

          Bon, nous sommes sur la même longueur d’onde. Oui, le « Dieu travail » sert les intérêts des seuls dominants. Pour faire usage d’un stéréotype exécré : « Ce sont ceux qui en font le moins qui en parle le plus ». Dans cet ordre d’idées et en addenda à ce que je disais précédemment sur l’esthétique du branleur à col blanc. Il faut qu’il ait l’air sans cesse « over booked » qu’il dise j’ai trop de travail, ça lui donne de l’importance et relègue d’office celui qui n’en a pas au rencard.... Le pingouin bouge, il existe. A l’inverse : Immobile t’es mort. Ou quand la phénoménologie prête secours à l’ontologie... lol.

          Il faudrait ou il serait « loisiblement vital »... de remettre au goût du jour quelques notions inverses de celles qui ont court actuellement, comme le silence, l’absence, le vide grâce à quoi, échapper à la saturation du plein et de la vitesse, en somme sauver le hasard !

          Pour en revenir au travail. Avant d’être une valeur, le travail est une réalité plus ou moins mal vécue et son absence encore davantage. Mais au même titre que le dit Christophe Dejours, il permet à homme de construire son identité. Le tout est de savoir dans quelle condition et à quel prix !

          L’escroquerie intellectuelle du « développement durable » rejoint la critique actuelle du travail. La surproduction et la pollution allant de paire. En ce sens, je suis un partisan résolu de la décroissance.

          Comme je l’écris ailleurs, ce sont les média qui créent l’événement (dont on sait avec Baudrillard qu’il n’existe plus, sauf le 11 septembre, dont je partage sans équivoque le caractère éminemment esthétique). Ce qui est invisible n’existerait pas, selon les média qui eux savent ce qui est important. Ils créent en cela ou feintent de le croire, l’opinion publique, la façonne à l’image du capital, d’où invention continuelle de nouveaux héros, de nouvelles têtes à claques et révoltés de cours de récréation. La Révolte est toujours souterraine et jamais portée à la lumière, avant qu’elle ne se traduise en acte.

          Les plus vulnérables dans le travail sont ceux-là même dont l’identité reste la plus difficile à s’affirmer au quotidien. Ce que j’appelle les « fashion victims », au sens large du terme. Les clones de leurs idoles de la mode ou des séries télé débilitantes qui s’affichent pathétiquement dans toutes les villes occidentales du monde. Par expérience, Londres, Paris, Madrid, Prague, Rome. Dans toutes les rues des villes même moyennes : même look agressif d’une jeunesse en perte de repère, dont le sens de la provocation n’a d’égale que la vacuité abyssale des idées et donc de l’affirmation d’une identité réelle en construction. C’est en somme la critique de la récupération médiatico-consumériste que vous pointez très justement dans votre commentaire (Nike, etc etc)

          A ce propos, je recommande l’écoute délectable entre mille d’un exercice pourtant fort académique et disponible sur France Culture, à savoir la conférence inaugurale au Collège de France d’Antoine Compagnon sur le Pouvoir de la littérature, quel bol frais d’intelligence et de finesse ! Une oasis de pensée dans un océan de bêtise... ou comment le recours à la littérature par la lecture, l’échange et l’écriture concourre à construire et à affirmer sa personnalité justement. Cela à des années lumières des injonctions consuméristes et du culte de la vitesse et de la performance, de l’éthique du mépris. Parenthèse close.

          A la multiplication incessante d’objets inutiles en guise de palliatif pour adulte de la peur de la mort (finalement tout le problème est là, avec la fin de toutes les idéologies, alors que la religion est morte et le religieux prend des voies sectaires...), on peut opposer « la finalité sans fin » de l’art selon Kant et qui peut s’étendre à toutes les manifestations originales de l’esprit. C’est ce qu’il faut opposer à ceux que j’appelle les « pragmatiques irrationnels » (très émotifs dès que la bourse flanche...), les mentors du « ça sert à rien l’art », ben justement, c’est ce qui fait toute sa force !

          Il suffit d’opter pour une éthique de l’oisiveté saine, le contraire de la fai-néantise, pour jouir de l’instant, au risque de la marginalité. Je ne cache aucunement être un partisan résolu de cette forme d’oisiveté. Fidèle en cela à une vision très pragmatique au bons sens du terme justement, du rapport de l’individu à la société en temps de crise, héritée de Sénèque... Quand la société est pourrie, chaque individu doit en tirer partie à son avantage au maximum, en faisant jouer la solidarité autant que possible. Afin de faire craqueler cette société sous la chape de plomb de son système absurde.

          La lecture, la conversation au sens noble, mais qu’établie toute l’aristocratie ouverte et multiculturelle des curieux, sans discrimination aucune permettent, par la stratégie de l’esquive déjà proposée par Baudrillard de se tenir loin de ces injonctions, de la tyrannie de la standardisation de masse par la pub et les média dominants.


        • cobus (---.---.75.100) 29 mars 2007 11:36

          Vous avez raison, l’écran cathodique a, sinon tué, au moins mis au rencart le livre. Le lecteur lit d’un oeil distrait un texte construit équivalant à une page manuscrite dans lequel l’auteur déploie son raisonnement . Il ne l’analyse pas en totalité ni ne le mémorise car il sait qu’au besoin l’information reste disponible et ... très vite la discussion dégénère en commentaires sur les commentaires ( qui sont beaucoup plus succints et accessibles ). Agoravox en est un exemple


          • Arnaud Villanova 29 mars 2007 15:26

            La télévision n’est pas un mauvais instrument en soi, mais je crois qu’elle est à l’image de la société qui l’utilise et qu’elle contribue ici grandement à embrouiller les gens dans leurs convictions et réflexions, plutôt qu’à les éclairer véritablement.

            En effet, d’autres média, tel qu’AgoraVox, ne sont pas exempts des tendances qui s’appliquent partout ailleurs. Je suis comme vous un peu déçu par ce qui se passe dans les commentaires qui dérivent vite en joutes partisanes sans discussion possible ou pire encore, en attaques personnelles stériles dont les auteurs feraient bien de se les réserver sur leurs e-mails persos plutôt que sur un espace public. Mais bon, c’est la liberté d’expression. Elle est précieuse. Comme le dit Carlo Revelli, rien ne nous oblige à venir écrire ou lire sur AgoraVox. C’est mon troisième article ici, je suis encore nouveau, j’essaie de contribuer dans le sens qui m’intéresse. Si j’en suis un jour lassé, je m’empresserai de suivre la devise de Carlo.

            En tout cas, merci d’avoir lu l’article.


          • Florence Signoret Florence Signoret 30 mars 2007 02:23

            A Arnaud,

            Génial, génial, génial...non pas, parce que vous faites référence à mon article smiley... qui fait pâle figure, du coup, à côté du vôtre ! Mais le fond, la forme, l’illustration, sont un vrai bonheur à lire et à regarder... et je partage tellement, évidemment, cette analyse ! Mentions spéciales pour l’introduction percutante (après le chapeau) de l’article où tous les mots renvoient satiriquement à un pseudo « film de science-fiction et d’horreur (... »le bébé installé sur les genoux"...) à la fois tellement vrai. Percutant !!! J’adore. Comme le paragraphe sur la « certaine Julie » et si je dois, à mon tour, vous citer, à propos d’une des nombreuses phrases, qui me touchent le plus, ce serait, entre autres, celle-là :« le risque n’est-il pas grand d’accomplir son chemin dans un système que l’on questionne peu, dont on accepte à priori les dérives et les travers comme inéluctables... » Merci. Et les compliments ne courent pas les rues virtuelles chez moi smiley. Au plaisir de vous lire à nouveau... Florence


            • Arnaud Villanova 30 mars 2007 22:42

              Ecoutez Florence, je découvre avec plaisir et surprise vos commentaires. Je ne sais que dire si ce n’est qu’ils constituent pour moi une récompense aux quelques heures consenties à rédiger cet article, ainsi qu’à la sincérité que j’y ai investie.

              C’est un encouragement à poursuivre, à bientôt.


            • Le vénérable du sommet (---.---.113.123) 30 mars 2007 04:16

              Le taoïsme contemplatif considère le cerveau comme un organe qui ne peut s’arrêter, un peu comme la mer qui est en perpétuel mouvement et prône comme méditation le fait de ne faire qu’une chose à la fois. Voila un bon exercice pour les habitants de notre monde contemporain. Quand je demande au gens à quoi ils pensent, ils me répondent parfois : « à rien ». Je suis donc obligé de les reprendre : « tu ne pense à rien de spécial tu veux dire ». Effectivement, « ne penser à rien » veut - il dire que l’on pense au « rien » ou simplement ne pas avoir de pensées ???

              je vis au fin fond de la campagne depuis presque un an maintenant. Je suis retourné sur Paris il y a deux semaines pour affaires familiales et j’ai ressenti comme une forte gène à ce moment là mais sur laquelle je n’avais pas de mots. je remercie donc l’auteur de ce superbe article qui vient de m’en donner la raison. Je remarque d’ailleurs que beaucoup de mes proches me prennent pour un hurluberlu car eux décidément ne pourraient pas vivre hors de la ville. Je crois que le genre humain a naturellement peur du vide.

              Le mode de vie contemporain ne serait - il pas rien d’autre qu’une drogue ??


              • Arnaud Villanova 30 mars 2007 23:13

                Je suis ravi d’avoir contribué à éclairer les raisons de votre malaise en ville. Je crois en effet qu’on trouve encore à la campagne une qualité dans les échanges et des moments de paix qui font qu’ensuite, on appréhende parfois la ville comme une fourmilière surmenée dont on se demande après quoi les fourmis pressées courent...

                La peur du vide est compréhensible, mais nier nos doutes dans l’agitation superficielle ou une autre forme de drogue peut préparer à des réveils brutaux et très difficiles... En science, par exemple, le doute est si moteur ! Pourquoi pas dans la vie en général ?

                Ne pas vouloir ou ne pas pouvoir réfléchir à certaines questions, c’est mettre sous le tapis de notre conscience des poussières de pensées qui finiront par produire un pli dans lequel notre esprit va buter. Arnaud.


              • Miliec Miliec 30 mars 2007 12:02

                Votre article m’a passionnée... Je ne fais pas ma midinette mais j’ai vraiment tout apprécié : le constat, le style littéraire, la sensibilité...

                Merci.

                PS. Je n’ai pas lu les commentaires pour me forger ma propre opinion mais j’espère de tout coeur que votre article aura fait se poser des questions simples mais loin d’être inutiles à quelques personnes.


                • Arnaud Villanova 30 mars 2007 23:18

                  A votre service. Si j’ai pu susciter quelque intérêt et surtout quelques questions : mission accomplie.


                • cyrkar (---.---.89.20) 30 mars 2007 16:25

                  Superbe article, en tout point !

                  Rigolo car je viens d’écrire un commentaire sur le sujet dans un autre article. En effet, il me semble que ce tourbillon permanent est le seul fait qui permet à notre système de perdurer tel qu’il est. Car si beaucoup avaient le temps (oh luxe suprême), ou prenaient le temps de cette reflexion que tu prônes, il me parait évident que tous les dysfonctionnements que tu pointes suffiraient à stopper cette fuite en avant permanente.

                  Il me semble donc qu’à défaut de juger ce manque de recul que tu évoques en fin d’article, nous pouvons au moins le blamer, et pourquoi pas tenter de le combattre (je suis bibliothécaire).

                  En tout cas, merci pour cette belle lecture.


                  • Arnaud Villanova 30 mars 2007 23:34

                    Bonsoir Cyrkar,

                    je te rejoins pour blâmer et pour essayer de combattre ce manque de recul que l’on constate souvent, mais demeure la question de savoir si cela est le produit involontaire de notre organisation collective ou bien si cette « diversion de nos réflexions » est lucidement organisée par certains. Cela change la nature du blâme, comme du combat.

                    Au plaisir, Arnaud.


                  • cyrkar (---.---.89.20) 31 mars 2007 16:34

                    bonjour Arnaud,

                    La réponse me parait bien difficile. J’arrive à contredire toutes mes conclusions à ce sujet ce qui révèle leur faillibilité. Mais pour simplifier, certainement un peu des deux. cette prise dans le tourbillon s’est peut-être installée peu à peu d’elle même, d’abord dans l’inconscience de tous. Mais je suis presque persuadé que le tourbillon est aujourd’hui volontairement pérenniser par ceux à qui ils profitent. Non pas que je soie un adepte de la théorie du complot mais plus simplement car l’individualisme a fait que la plupart de ceux qui profitent vraimment d’une situation qu’en plus ils maîtrisent souhaitent la voir se perpétuer.


                    • JL (---.---.73.200) 2 avril 2007 11:17

                      Article très intérressant, il y a du fond et de la forme (la même chose pour l’écrivain, dit-on).

                      J’ai particulièrement aimé : «  »Romain raconte qu’il n’a jamais été autant encouragé que quand il a porté le dossard numéro 118 car à son passage, tous les enfants hurlaient, avec un zèle hystérique, le slogan publicitaire des renseignements téléphoniques, «  »

                      A Raslonikov permettez moi de rebondir sur votre expression de «  »consommer unique«  ». Dans la société de consommation, il n’y a plus d’inégalités : on consomme aussi bien un hamburger que des vacances à l’autre bout du monde, avec le même mot ! Il n’y a que des différences, que l’abondance promise comblera au delà de toute espérance. Il suffit d’attendre, et pour cela, la société du spectacle s’emploie à combler le vide. Et en attendant l’Eldorado pour tous, chacun dans cette quête du Graal regarde et imite naturellement celui qui, au-dessus de lui regarde et imite … ainsi jusqu’aux milliardaires ... qui sont dans la presse people ou la TV plus ou moins réalité.

                      Et pour rebondir sur votre autre expression : «  » la communion des pseudo singularités....effets de sidération, tout tout de suite, tout nous est dû... dans une société où le mérite a laissé place au népotisme... Les mensonges les plus éhontés ont court, sans que ça n’émeuve plus personne...«  »

                      Je citerais Baudrillard : «  »ce qui est satisfait dans une société de croissance et à mesure que s’accroît la productivité ce sont les besoins mêmes de l’ordre de production, et non les besoins mêmes de l’homme. Il est clair que l’abondance recule indéfiniment «  ».


                      • raskolnikov (---.---.192.157) 2 avril 2007 11:43

                        Tout à fait, l’inégalité de fait est remplacée par l’idée d’une égalité de forme.

                        Maintenant, dans ce registre, rien de plus « hype » de l’ouvrier à l’employé en passant par le cadre « sup » de partir et pouvoir dire tel Goethe à Valmy : « J’y étais »... N’importe où, mais de préférance vers des destinations à prix cassés, si possible en « hole (sic lol) inclusive » ; histoire de rendre « has been » l’autre, avec toujours cet objectif finalement de dénuer jusqu’à sa dignité, celui qui n’est pas parti. Il y a en cela une éthique du tourisme à l’oeuvre où les pauvres d’ici viennent frimer ou s’appitoyer à bon compte sur le malheur des pauvres d’ailleurs, plus pauvres qu’eux... Cynique paradoxe, où la victime occidentale s’appitoie sur des victimes dont il participe plus ou moins consciemment de l’esclavage, dont il est lui-même d’une autre manière, mais à même fin, se trouve être la victime chez lui...

                        De nos jours le « voyage » ou plutôt le tourisme de masse n’est qu’un anesthésiant forcément provisoire paliant l’arbitraire sordide d’un travail vécu comme une inélcutable calamité...

                        Un « shoot » au « voyage » et sa repart, le temps de mettre l’eau à la bouche de ceux qui ne sont pas encore partis...


                      • Arnaud Villanova 2 avril 2007 14:51

                        JL, je vous remercie pour votre commentaire.

                        Je ne peux m’empêcher d’ajouter que cette anectode du dossard 118 que vous avez appréciée est entièrement vraie ! Je participe de temps à autre à des courses de 10 kms et en octobre dernier, j’ai hérité du numéro 118 et je peux vous assurer qu’on m’entendait arriver de loin car les enfants des spectateurs faisaient du bruit à mon passage !

                        Cette histoire vient compléter une autre, vécue au petit-déjeuner dans un hôtel où j’étais effaré d’entendre des enfants chanter EN CONTINU cette même publicité. Je me disais devant mon café : « mais quelle est cette société où les slogans publicitaires ont pris la place des chansonnettes dans le cerveau des enfants ? »... Les parents avaient l’air blasés, voire amusés. Quel triomphe pour les agences de pub qui, même TV et radio éteintes, parviennent à faire surgir leur message n’importe où et par quels innocents vecteurs !


                      • cecile (---.---.124.207) 2 avril 2007 13:47

                        merci pour votre article ! cela fait un bien fou de lire ici tout ce qui fonde mon effroi vis à vis de cet Homme qui sait si bien se regarder le nombril tout en étant incapable de confronter son vrai « soi même » par « manque de temps » (et surtout de courage !)... on me dit folle de penser que l’humain va mal et passe son temps à vivre à côté de lui-même (en se méconnaissant soi même et en fuyant). On me dit folle également de pointer du doigt l’absence de communication réelle, d’écoute (de soi, des autres).... je parle d’effroi car malheureusement, au XXIe siècle, je ne vois pas poindre d’évolution des consciences ou des mentalités.. au contraire, je ne vois que trop souvent des adultes puérils, incapables de se fonder leurs propres opinions, reprenant des « on dit » entendus de ci de là, ou faisant de l’humour en s’appuyant sur des slogans publicitaires... Il manque à mon goût une absence totale de la notion du choix : nous avons le choix de prendre du temps pour prendre du recul, nous avons le choix de ne pas être abrutis par les méfaits de la culture zapping et nous avons le choix de ne pas surconsommer (surtout si c’est pour épater ses voisins, parents ou collègues de travail !)... Merci donc Mr Villanova !


                        • Arnaud Villanova 2 avril 2007 15:18

                          Cécile, vos remerciements sont les bienvenus.

                          J’adhère à votre propos et j’ajouterais que le paradoxe vient de ce que, malgré tous les progrès de la science, des moyens de communications, d’information, et des supports de la connaissance, on ne peut se départir de l’impression qu’il y a quelque chose qui se ferme dans l’homme moderne.

                          En réfléchissant tranquillement sur la nature des progrès, une belle part du paradoxe se dissipe. Selon moi, la « folie » dont vous taxent certains s’appelle « lucidité » et cela les intimide par égard au nombre et à la profondeur des choses qu’ils leur faudraient reconsidérer sous cette lumière.

                          Cordialement.

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