Ecrire pour les autres ou écrire pour soi ?
Nous sommes entrés depuis bientôt dix ans dans le XXIème siècle qui démarre en plein dans l’ère du numérique. L’accès à internet est devenu de plus en plus facile, que ce soit à son domicile, ou en déplacement. Nous multiplions les points d’accès libres, et les appareils mobiles de navigation. Tout cela pourquoi ? Pour rester connectés et acteurs de ce qui se passe sur la toile, pour exister.
Voilà quelques années sont apparus les blogs, plates-formes simplistes permettant le remplissage dynamique de contenus dans une mise en page automatique et configurable à souhait. Il en était fini de la construction archaïque de site à travers des éditeurs HTML, tout le monde pouvait, en quelques minutes, mettre à jour son contenu. Cela a eu comme effet immédiat de voir fleurir sur la toile bon nombre de journaux intimes. Les internautes racontaient anonymement leur vie, leurs coups de gueule, leurs déboires. Puis les blogs thématiques ont vu le jour et cela a été une révolution. Ils ont fait de nous des auteurs, des philosophes, des critiques. Cela est un moyen de communication formidable, alliant visibilité et simplicité. Nul besoin de passer par une maison d’édition pour être lu.
La particularité d’un blog, est que l’on sait que l’auteur nous donne un avis, une opinion sur un sujet de son choix. L’auteur du blog, l’internaute, est le plus souvent celui qui nous pousse à venir la première fois sur son site. On clique parce qu’on connaît celui qui parle et on cherche à appréhender son avis sur un thème. Et il est important de ne pas perdre cela de vue. Un blog, a priori, n’est pas de l’information.
Voila comment des millions d’auteurs se sont révélés. Se sont-ils révélés au public, ou se sont-ils révélés à eux-mêmes ? Voici une question qui mérite une interrogation. Il est évident que du point de vue de la liberté d’expression, c’est un formidable outil qui a été gratuitement mis à la disposition des gens. Et il n’est pas indispensable d’avoir un réel talent d’écrivain pour avoir le droit d’écrire, cela va de soi. Après tout, chacun est totalement en droit d’exprimer sa pensée. Mais qui cela intéresse-t-il au fond ? Qu’est-ce qui nous pousse à donner notre avis et espérer être lu ? C’est un peu comme répondre à cette question que l’on voit partout : "que faites-vous en ce moment ?" Vouloir crier au monde ce que l’on fait, dire ce que l’on pense, émettre un avis sur tout, c’est sans doute aussi se prouver que l’on existe. Aujourd’hui, tout passe par internet, y être totalement absent, c’est ne pas exister. Peu importe finalement si notre texte intéresse les autres. Au moins, il aura été publié et l’on pourra ajouter l’adresse sur sa carte de visite.
Quelques années plus tard, sont apparues les éditions participatives, les réseaux sociaux, et des outils de communication instantanés, je pense évidemment à Facebook ou Twitter. Cela a rapidement changé la donne. Au travers de tous ces sites d’informations donnant la parole aux lecteurs, ces internautes sont devenus des journalistes. Et c’est bien ce passage d’auteur à journaliste qui pose problème. Si chacun est totalement libre de se qualifier d’auteur, le journalisme requiert de vrais capacités d’analyse, de synthèse, c’est un métier qui s’apprend et qui ne s’improvise pas. De plus, sur les sites d’informations, les chroniques d’abonnés et autres articles n’attirent plus le lecteur par le nom de l’auteur mais sur le titre. Qu’en est-il de la pertinence des propos, de la vérification des sources ? Nous nous prenions pour des auteurs discrets, aujourd’hui nous voulons informer et le faire le plus vite possible. C’est comme cela qu’apparaissent sur internet, tous les jours, des milliers de fausses informations qui circulent à grande vitesse, rumeurs ou autres buzz.
C’est un phénomène étrange finalement. Lorsqu’il s’agit de réparer le moteur de ma voiture, je m’adresse à un garagiste, pour une fuite, j’appelle le plombier. Pour l’information, je fais confiance à des millier d’inconnus et je me fie à leurs analyses ?
Alors évidemment, d’un certain point de vue, cela est un progrès très intéressant de laisser chacun s’exprimer et "jouer" au journaliste, cela libère des contraintes dont peuvent être victimes les professionnels, la censure est quasi impossible, et cela constitue des articles dont les auteurs ne sont pas rémunérés. Mais comment peut-on faire la différence entre le vrai du faux, et comment les professionnels et les amateurs peuvent-ils cohabiter sereinement ?
Tout change aujourd’hui, et tout le monde donne dans l’imposture. Je ne suis pas journaliste, je ne suis pas philosophe, je ne suis pas critique de cinéma ou littéraire. J’écris juste un texte qui exprime ma pensée. Quelle prétention j’ai de croire que cette pensée intéresse les gens !
Mais ainsi, j’existe !
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