L’affaire DSK : la justice pénale et les médias - Ébauche de réflexion...
En termes « d’actualité internet du moment », on est passé de Xavier Dupont à DSK sans oublier le procès Clearstream, le procès Chirac et le procès Colonna [ce que les médias ont pourtant fait !] : une affaire pénale médiatique en occulte une autre [et occulte les autres]. Les journalistes mènent l’enquête [ils ne peuvent pas être sur tous les fronts !], mais le font dans la précipitation, comme s’ils manquaient de temps… [- Est-ce vraiment à eux de mener l’enquête ? — L’enquête, l’a mènent-t-il vraiment ?]
L’affaire DSK est partout, impossible d’y échapper : j’en suis horrifiée, mais à chaque nouveau scoop, mes doigts ne peuvent s’empêcher de cliquer ; mes yeux s’empêcher de lire [ou de regarder] : je suis comme prise[s] au[x] piège[s] de ce roman-feuilleton...
« Un nouveau témoignage accable DSK » affiche la page d’accueil MSN, je clique : c’est celui du frère de la victime [ou plus exactement, du « présumé » frère de la « victime présumée »].
Ce drôle de témoin n’était pas sur les lieux, d’ailleurs son « témoignage » n’a pas encore été « confirmé » :
« Le site internet du quotidien britannique Daily Mail publie aujourd'hui le témoignage d'un homme de 43 ans qui se présente comme le frère de l'employée du Sofitel qui accuse Dominique Strauss-Kahn.
"J'ai été attaquée" aurait confié la jeune femme à son frère, lors d'un coup de téléphone passé environ une heure après l'agression présumée […].
S'il est confirmé, ce témoignage pourrait être ajouté au dossier de l'accusation et [pourrait] peser lourd lors de la prochaine audience prévue vendredi 20 mai 2011 », "Un nouveau témoignage accable DSK", Le scandale DSK : M6 & MSN Actualités, le mardi 17 mai, 19h).
Un « témoignage » accablant pour le média-internet [et en justice… ?].
Les médias semblent avoir emprunté à la justice son langage et l’avoir quelque peu détourné, ce qui aux yeux d’un juriste fait émerger de drôles de confusions [et contrariétés] : l’inculpé semble avoir déjà été condamné, le présumé innocent davantage présumé coupable ; et le témoin, bien souvent, celui qui dit qu’il sait. Drôle, non ?!! Enfin, peut-être pas pour l’accusé…
Si Strauss-Kahn n’a pas été condamné, si la justice ne s’est pas encore prononcée, il a déjà été jugé et par chacun d’entre nous : tous [pour ceux que l’idée n’a pas juste effleuré], nous sommes posé la question de savoir s’il était ou non coupable, comme si nous étions tous juges à son procès [et ce, bien qu’on n’y soit pas nécessairement formé]. Et sur quelles bases… ?!
En matière pénale, les médias semblent avoir une fonction d’alerte et d’actualité : ils nous proposent du live, du direct, relaient chaque minute ou rebondissement de l’affaire ou du procès, quasi en temps réel, et paraissent ainsi nous offrir « clefs en mains », les éléments pour juger [par nous-même…].
En « suiv[ant] l'affaire DSK en live grâce à l'application 20minutes.fr » ; chaque grand groupe de presse disposant d’une rubrique qui lui est consacrée et qui, pour certains, compte depuis maintenant 72H, parfois déjà plus d’une cinquantaine d’articles [lorsque ce n’est pas plus !].
A-t-on seulement le temps de vérifier ses sources, lorsque l’on propose du live ou de la [si] fraîche actualité… ?!!
Difficilement : la présumée victime se serait appelée Ophélia, puis Natifassou Diallo ; d’abord d’origine portoricaine, elle se serait finalement révélée afro-américaine…
Ainsi, ce que les médias nous offrent, en réalité, c’est du choc, du scoop ; du sensationnel [il faut dire que la matière pénale s’y prête plutôt bien !] : des images de DSK menotté, des photos volées de la femme qu’il aurait agressée, des extraits de son acte d’accusation…
Sans compter que certains médias [pour ne pas dire beaucoup] font valoir que pour DSK, « ce n’est pas la première fois », relaient le « témoignage » de celle qu’il aurait déjà agressée ; des employeurs et proches de la victime présumée : « une femme de chambre bien sous tous rapports » ; affirment sa « chute », envisagent [fermement] « ce qu’il risque », ce à quoi il pourrait être « condamné » ; « l’après-DSK »… Et, qu’à défaut de l’entendre, ils le font parler ; confrontent son actualité à ses déclarations passées : « oui, j’aime les femmes… et alors ? », avait-il un jour déclaré [le 28 avril 2011, à l’équipe du journal Libération]…
Devant cet « acharnement médiatique », aux yeux de certains, DSK se présente comme « une victime » :
« En 48 heures, DSK a peut-être tout perdu - ses fonctions au FMI, son avenir politique, sa liberté - et on n'a toujours pas entendu sa version des faits. C'est aussi pourquoi ces images [de la retransmission télévisée de sa comparution devant le juge qui a ordonné son incarcération] ont tant de poids. Elles font de lui un coupable avant qu'il ait eu le droit à la parole. Et elles sont si cruelles qu'hier, pendant ces heures très pénibles, c'était impossible de ne pas le voir seulement comme un suspect, mais aussi comme une victime », Hervé Gattegno, "Strauss-Kahn exécuté par l’image" ; lepoint.fr ; "Le parti pris" : RMC, mardi 17 mai 2011.
Victime de la médiatisation de son procès : un nouveau statut à revendiquer ?
Dans l’affaire DSK, il semble, quoiqu’il en soit y avoir deux procès : l’un se jouant « dans » ; l’autre « hors », les tribunaux :
Le premier, guidé par l’intérêt général, tente de faire émerger « la vérité en justice » : un concept déjà très relatif, [encadré par des règles et des procédures pénales], dont la mise en œuvre [souvent] prend du temps [beaucoup de temps…] et qui, pourtant, n’est pas à l’abri de l’erreur [ou de la mauvaise interprétation]…
Le second poursuivant un but informatif, [démocratique], de transparence du processus judiciaire [certes], mais [souvent, avant tout,] commercial [les médias nous vendent toujours directement ou indirectement l’information], qui laisse émerger une vérité médiatique ; celle qui se dégage au plus vite des faits [de la course au scoop et à l’information, qui voit récompenser celui qui a informé le premier-et-le-plus-rapidement, sans même que l’on sache si ce qu’il dit est vrai : est-ce vraiment important… !]. Ce qui lui prend beaucoup moins de temps, mais il se trompe plus que rarement !
Pourtant, celui qui est le plus largement diffusé et semble le plus impacter le « jugement » des « auto-proclamés juges-et-jurés », n’est pas celui qui prend le temps de mûrir sa réflexion…
Le prononcé d’une décision de justice a-t-il un quelconque effet-et-intérêt lorsque l’accusé a déjà été médiatiquement et socialement jugé et/ou condamné ?
La condamnation[et/ou-jugement] socio-médiatique n’est-elle pas susceptible de l’influencer ?
Pour certains journalistes : le manque de transparence [et communication] de la Justice obligerait les médias à « fouiller » et à « enquêter », expliquerait certaines dérives : la relation Média/Justice serait-elle à institutionnaliser ? Faut-il prévoir [et organiser] le rôle et la place des médias dans le procès ?
Pour certains encore, le sensationnalisme serait le mal moderne du journalisme…
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