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Rompre le silence

Puisque la presse locale n'en rendra jamais compte …

Il est des initiatives qui, un peu partout, visent à rompre le silence, à donner du lien en une période où ça n'a jamais été aussi nécessaire. Puisque notre bonne presse locale n'en rendra jamais compte, préférant les paillettes, les notables et les ambassadeurs à la petite semaine, il est bon parfois de prendre le relais de ceux qui se refusent à tisser la toile de notre société en mailles serrées et solidaires.

Qu'importe donc si ce que je vais vous narrer n'a rien d'extraordinaire, n'a suscité la visite d'aucun notable ou d'aucun élu, si ces deux événements ne sont nés que de la bonne volonté de quelques-uns, sans subvention ni budget d'exception ; l'essentiel est ailleurs : dans cette volonté pour des publics très différents, de se retrouver loin des animations et des manifestations qu'on leur propose dans des programmes établis deux ans à l'avance.

C'est de l'initiative individuelle, du refus des pratiques mercantiles, des taxes et des règles de sécurité, des normes et des demandes administratives que se firent ces deux petites fêtes. Je vous le concède, bien d'autres doivent agir ainsi dans leur coin et c'est tant mieux. Ce récit n'a d'autre objectif que de montrer que nous pouvons refuser d'être des moutons bêlants, suivant les prescriptions et les injonctions de ceux qui voudraient conduire nos destins à leur guise et ont de la culture une conception purement marchande et normative.

Ce furent d'abord deux retraités, vivant dans une grande résidence de bon standing en bord de Loire, qui souhaitèrent convier leurs amis à un concert privé dans le grand hall d'un immeuble. Chacun apportant sa chaise, quelques friandises pour l'apéritif final et sa bonne humeur. Naturellement, ce sont les Traîneux d'Grève, duo de chansonniers dont j'ai l'honneur de faire partie, qui furent conviés à égayer cette soirée de leurs contes et chansons dits à la cantonade.

Point de Sacem et autres empêcheurs de faire la fête en musique. Point de contraintes ni de déclarations. Nous étions là pour le partage sans cachet ni obligation. Deux heures durant, la trentaine de spectateurs embarqua dans notre univers poétique, respectueux et attentifs. Je sais qu'ils y prirent plaisir ; il est des réactions qui ne trompent pas. Ils s'étonnèrent de ne jamais avoir entendu parler de nous ; ils ignorent sans doute qu'en province, malheur à qui ne fait pas partie de la coterie, il est voué à l'indifférence des médias dont l'enthousiasme , nous ne l'ignorons pas, est sélectif et quelque peu obséquieux.

Le lendemain, les deux mêmes énergumènes portèrent leur matériel et leur bonne humeur dans un restaurant solidaire pour la fête de fin d'année. Un public, cette fois disparate : d'origine, de culture et d'âge très variés. Cette fois, pas question de proposer nos chansons de Loire. Une animation chantée avec les textes projetés serait sans doute plus consensuelle et fédératrice. Quelques contes africains et le tour serait joué, du moins c'est ce que nous espérions, non sans appréhension quand même.

Ce fut, une nouvelle fois, un grand moment de bonheur, de partage et de joie. Les bénéficiaires oublièrent leurs soucis du moment le temps de cette après-midi festive. Leurs sourires, les youyous, les chants et les applaudissements furent nos plus grands remerciements. Point n'était besoin d'un cachet pour pareil partage. Naturellement, les représentants des médias qui avaient été conviés pour rendre compte de l'initiative oublièrent de venir : leur mépris est à l'aune de leur indifférence à tout ce qui ne brille pas.

Rompre le silence, nous l'avons fait et nous en sommes particulièrement fiers. Rompre le silence, journaux et radios d'ici, ne daigneront jamais le faire. Ils ne sont pas au service d'une certaine conception de la société. Ils mettent au contraire leur force de communication à la disposition des structures installées, des institutions et des gens importants. Qu'ils n'oublient pourtant pas que leurs lecteurs et auditeurs ne sont pas tous issus de cette caste privilégiée.

Laissons là les pisse-vinaigre à leur mesquinerie dans leur tour d'ivoire. Il est désormais acquis que le torchon brûle définitivement avec ces petits valets de la bourgeoisie locale, valets au service des maîtres. Je continue mon chemin sans eux ; ils ne méritent pas que je m'abaisse à leur faire des courbettes ou que je ravale ma fierté. Ce n'est pas le genre de la maison. Ils ont largement leur content de risettes avec ceux à qui ils renvoient régulièrement l'ascenseur.

Je préfère arpenter le terrain, rompre le silence dans les maisons de retraite, les petites associations, les lieux improbables, les manifestations de rue. La notoriété ne sera jamais au rendez-vous ; ça n'a aucune importance : elle est bien souvent illusoire. Je sais autour de moi bien des artistes qui ont du talent et que ces maudits sont incapables de soutenir. Un fin observateur de la vie locale ne cesse de conseiller à tous ceux-là de quitter ce département s'ils veulent avoir une chance de se faire connaître. Ici, on ne sert la soupe qu'aux pointures vues à la télévision.

Exaspérément leur.


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2 réactions à cet article    


  • juluch juluch 15 décembre 2015 12:35

    Se sont les choses les plus simples qui sont les meilleures....


    Merci Nabum pour votre billet.

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