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Affaire Clearstream : une Justice exécutive

Le procès Clearstream n’a pas encore débuté que le procureur de la République monte déjà au créneau sur Europe 1 pour porter une charge violente contre Dominique de Villepin. L’instrumentalisation de ce procès ne fait malheureusement plus aucun doute…

Nous avions déjà dressé un récapitulatif de l’affaire Clearstream dans un précédent article. Ce que l’on peut rappeler c’est que Dominique de Villepin aurait pu être jugé par la Cour de Justice et invoquer la raison d’Etat (en tant qu’ancien Premier Ministre) pour se débarrasser des différentes accusations qui pesaient contre lui. Mais il a choisi d’être jugé comme n’importe quel citoyen afin d’être pleinement réhabilité. Un choix audacieux compte tenu des intérêts de Nicolas Sarkozy dans cette affaire.

En juin 2008, l’ancien hôte de Matignon a donc été renvoyé devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour « complicité d’usage de faux, recel de vol et abus de confiance ». Le tribunal a jugé peu crédible ces hypothèses. Jean-Claude Marin lui-même affirmait en juin 2008 que les « charges n’apparaissent pas suffisantes » pour justifier le renvoi de Dominique de Villepin devant le tribunal correctionnel. L’ancien secrétaire général de l’Elysée espérait donc le « non-lieu parfait  » mais Jean-Claude Marin a adopté une position plus contradictoire. Vraisemblablement mis sous pression par l’Elysée, il a demandé aux juges Pons et d’Huy de «  mener des investigations complémentaires de contexte ».

L’avocat Yves Richard s’en était d’ailleurs étonné : « La presse s’était fait l’écho que le procureur s’orientait vers un non-lieu pour M. de Villepin. Mais au final, le parquet a requis son renvoi en correctionnelle à minima après quelques mesures d’instruction qui n’ont rien apporté de neuf ».

Xavier Monnier de Bakchich a publié un très bon article permettant de mieux comprendre les motivations de Jean-Claude Marin dans cette affaire. Le journaliste le dépeint comme un magistrat « doté d’un grand sens politique qui a été balladurien, pour virer chiraquien, avant de tourner sarkozyste, avec à chaque fois un seul objectif : sa carrière..  »

Désormais dans les bonnes grâces du pouvoir en place, il fait tout pour conserver son poste de Procureur de la République. Il a ainsi défendu avec acharnement le projet de suppression du juge d’instruction et la réforme de la Justice voulue par Rachida Dati. Dans son dernier livre, l’écrivain Frédéric Beigbeder qui a été confronté au personnage en parle en ces termes : « Les mots : Jean, Claude, et Marin, pour les générations à venir seront le symbole de la Biopolitique Aveugle et de la Prohibition Paternaliste… »

Et il est vrai que nous sommes en droit de nous étonner que le procureur de la République soutienne en personne l’accusation et fait encore plus rarissime, qu’il se prononce avant l’ouverture du procès. Jean-Claude Marin se permet même de rendre la justice par anticipation, en affirmant que Dominique de Villepin dans cette affaire est « l’un des bénéficiaires collatéraux mais parfaitement conscient » et annonce qu’il « aura raison ». Une position d’autant plus troublante lorsqu’on la met en perspective avec le message qu’avait fait passer Rachida Dati à certains proches de Dominique de Villepin, information d’ailleurs relayée par le Canard Enchainé : « Dites à Villepin que la composition du tribunal correctionnel a été faite méticuleusement par Patrick Ouart (le conseiller justice de Nicolas Sarkozy) pour s’assurer de sa condamnation… »

Quand Jean-Pierre Elkabbach l’interroge sur les preuves ? Il marque un temps d’arrêt et affirme détenir « des élements » en citant timidement le « verbatim du général Rondot  ». Alors que ce dernier a toujours affirmé que que « Jean-Louis Gergorin est à l’origine de l’affaire avec Imad Lahoud et que Dominique de Villepin était de bonne foi et ne lui avait jamais demandé d’enquêter… ». Quand il est interpellé sur le fait qu’il agirait sur commande, il accuse le même silence gênant avant d’affirmer que dans cette affaire, c’est sa « conviction » qui le motive.

L’avocat de Dominique de Villepin, Maître Olivier Metzner s’interroge pourtant : «  Est-ce qu’il s’exprime de sa propre initiative ? nous sommes en droit de nous poser la question. Il replace ce procès dans un contexte politique, ce qui me surprend pour un magistrat qui doit faire du droit et non de la politique ».

Dans une longue note adressée aux juges d’Huy et Pons en octobre 2007, Dominique de Villepin regrettait déjà l’instrumentalisation du dossier : «  Combien de nouvelles attaques devrai-je supporter avant que chacun puisse se rendre à l’évidence qu’il y a, au cœur de ce dossier, une impression vive et une instrumentalisation inacceptable ? Quand on désigne du doigt un faux coupable et qu’on se désigne soit même comme une victime politique, on enclenche, dans un pays comme le notre, une véritable chasse à l’homme où tous les moyens sont bons, rumeurs, délations, calomnies, désinformation.. »

En attendant le début du procès le 21 septembre, certains députés villepinistes n’ont pas attendu plus longtemps pour dénoncer une instrumentalisation de la Justice qui au fil des mois n’en est que plus criante. Sur son blog, le député de l’Hérault Jean-Pierre Grand affirme que «  jamais on n’avait vu, depuis la Libération, une telle atteinte au fonctionnement de la Justice. Dominique de Villepin est traité comme un dissident soviétique ». Jacques Le Guen parlait quant à lui sur son profil facebook d’une « d’une opération de déstabilisation commandée » si aucune sanction « n’était prise par la Garde des Sceaux à l’encontre du procureur général de Paris, qui a rendu publique son interprétation personnelle d’une affaire en cours ».

Dans ce procès rappelons-le, Nicolas Sarkozy est partie civile alors que l’article 67 de la constitution prévoit que le Président de la République « ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite  ». Dans l’affaire concernant le piratage de ses comptes bancaires, le tribunal de Nanterre a d’ailleurs rappelé cet article et a déclaré que « l’immunité pénale dont bénéficie Nicolas Sarkozy dans la Constitution introduisait une atteinte au principe d’égalité des armes avec les prévenus. Par ailleurs, les juges rappellent que le président de la République est toujours à la tête du Conseil supérieur de la magistrature, qui règle les carrières des magistrats. Du fait de ce lien avec les magistrats, il est possible que les justiciables considèrent qu’ils n’ont pas affaire à des juges impartiaux lorsqu’ils ont le chef de l’Etat comme plaignant dans un dossier. »

Ces doutes ont malheureusement été renforcés lorsque peu de temps après son élection, Nicolas Sarkozy a prolongé le juge Henri Pons au pôle financier de Paris. Dominique de Villepin avait saisi en vain le conseil d’Etat afin de dénoncer cet « intérêt à agir »…

Dans cette affaire où Nicolas Sarkozy s’est posé dès le départ en victime pour orienter l’instruction, l’impartialité de la Justice fait plus que jamais débat. Lui qui avait promis de «  pendre à un croc de boucher  » ceux qu’ils jugeaient responsables d’avoir formenté cette affaire, met tout en œuvre pour arriver à ses fins.

De Karachi à Clearstream, nous sommes plus que jamais sous le coup du deux poids- deux mesures, symbole d’une instrumentalisation de la justice à ciel ouvert. Seul un sursaut républicain peut désormais permettre de sauver l’inévitable dans un procès aux accents de plus en plus kafkaïens…

Article publié sur Reversus


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