Au-delà de la photo officielle du gouvernement…
Qu’elle est belle cette photo prise dans les jardins de l’Elysée et surtout, vous l’aurez remarqué, le Président n’est pas devant, comme d’habitude, mais entouré de ses Ministres.
Pas un média qui ne se soit arrêté sur ce « symbole » à défaut d’analyses plus poussées sur les nominations et surtout des choses sérieuses à dire sur la répartition des attributions entre Ministères et les mouvements intervenus entre Macron I et Macron II.
Arrêtons-nous sur deux Ministères : l’Agriculture et la Cohésion des Territoires
L’agriculture, tout le monde connaît, c’est le Ministère de la gestion des crises par excellence, celui dont on entend parler régulièrement quand la FNSEA n’est pas contente, et elle est rarement contente. C’est l’occupant en titre de ce Ministère qui débloque régulièrement les crédits, reporte les charges des agriculteurs, freine des quatre fers l’interdiction des pesticides et déplore (doucement) les exactions de quelques excités qui mettent le feu à des hôtels des impôts ou déversent leurs déchets devant les Préfectures. La profession « à bout » depuis plus de 30 ans, est toujours là !
Donc, le poste de Ministre de l’agriculture est essentiel et j’avais cru comprendre que Jacques Mézard nommé dans le premier gouvernement cochait toutes les cases et avait une très bonne connaissance du milieu rural. Un CV parfait, donc.
Pourquoi donc M. Mézard se trouve d’un coup propulsé à la cohésion des territoires et remplacé par M. Travers ? On ne peut pas penser un seul instant que ce transfert n’ait pas fait au moins l’objet d’une communication entre E. Philippe et la patronne de la FNSEA, tant le sujet est sensible. Et si ladite patronne n’a rien dit, c’est que le monde agricole n’y perdait pas, ce qui semble vrai.
La cohésion des territoires. On pourrait penser que ce Ministère va s’occuper des quartiers défavorisés, des territoires ruraux en déshérence, là où les médecins qui partent en retraite ne trouve pas de remplaçants et là où les services publics et les commerces ferment les uns après les autres. On pourrait penser qu’il va faire cohabiter de manière harmonieuse la ville et la campagne et faire en sorte que les zones délaissées depuis des décennies arrêtent de mal voter.
Tout cela est vrai, mais il n’agira pas de manière équilibrée entre tous ces territoires car ce Ministère bénéficie de compétences propres importantes qui concernent davantage les zones urbaines que les zones rurales. C’est ainsi qu’il tient les rênes en matière d’urbanisme, de logement et d’aménagement foncier, autrement dit, pour ce dernier point, de la préservation des terres agricoles dossier éminemment sensible autour des Métropoles et des grandes villes en développement. On comprend mieux pourquoi M. Mézard a été nommé à ce Ministère fourre-tout, mais très stratégique pour le monde agricole.
S’agissant de la ruralité le rôle (plus marginal) de ce Ministère consistera pour beaucoup à fédérer les actions des autres Ministères et valoriser les initiatives des collectivités territoriales (exemple du recrutement de médecins fonctionnaires en Saône et Loire par le Conseil Départemental), voire les subventionner un peu (ou promettre que les dotations de l’Etat ne seront pas diminuées pendant 3 ou 4 ans) et à emballer le tout dans un package de communication gouvernementale alors que l’essentiel du boulot aura été fait ailleurs.
Un enjeu majeur : la préservation des espaces agricoles
Les articles de presse sur « la ville qui dévore toujours plus la terre agricole » sont légion. Une variante alarmiste consiste à affirmer que le nombre d’exploitations agricoles ne cesse de baisser en France. C’est exact, mais on oublie généralement de dire que la tendance est au regroupement (GAEC) d’où la diminution, en nombre, du nombre de structures. Le « grignotage » de terres agricoles, réel est maîtrisé du fait des accords ou protocoles passés entre les Chambres d’agriculture et les autorités locales élues.
Le problème, c’est que la population française ne cesse de croître et que les besoins en matière de logement sont importants. Plus question du pavillon « Sam’suffit » pour tout le monde, l’heure est maintenant à la densification des milieux urbain et périurbain.
Un exemple : Une Métropole du grand ouest
Dans la ville centre, certains quartiers pavillonnaires anciens sont rasés (ce que l’on peut comprendre), et ils sont systématiquement remplacés par de l’habitat collectif, mais cela ne suffit pas à répondre à la demande. Les communes périurbaines sont donc mises à contribution et on voit arriver çà et là des propositions de Plans locaux d’Urbanisme quasi délirants (implantations d’immeubles R+4 ou 5 dans des zones pavillonnaires, fronts bâtis, entrées de villes encadrées par des immeubles, requalification des voiries, etc…). On nous parle de « renouvellement urbain » alors que l’expression adéquate serait « bourrage urbain ».
Il faut dire que cette métropole a signé une convention cadre pluriannuelle de partenariat avec la chambre d’agriculture dans laquelle l’axe principal de partenariat consiste à préserver le foncier agricole en réduisant l’étalement urbain.
Urbanisme/Agriculture : où se trouve le point d’équilibre ?
La situation de l’agriculture fait régulièrement la une de l’info : endettement, chute des cours, poids des normes. Cette profession est en crise permanente et les agriculteurs en sont les premières victimes. Le burn-out ou les maladies professionnelles dues à l’utilisation de produits chimiques font désormais partie de leur quotidien.
Pas question de stigmatiser cette profession mais de demander des comptes à leurs représentants productivistes et aux élus qui signent des conventions « hors sol » loin des problèmes du terrain des agriculteurs et des conséquences pour les habitants.
Ces conséquences sont au nombre de trois :
- La densification de l’habitat posera à terme des problèmes sociaux.
- La densification des communes périphériques (les villes à la campagne selon l’humoriste Alphonse Allais) entraînera des problèmes de mobilité avec les villes centre, que les transports en commun ne suffiront pas à absorber (trop cher !). Le risque est donc de voir apparaître de nouvelles banlieues
- Ces communes périphériques sont entourées de terres agricoles copieusement arrosées de pesticides ce que commencent à découvrir les habitants de ces communes qui craignent pour leur santé.
Un dossier désormais bien verrouillé
Avec la mainmise sur les règles relatives à l’occupation des sols, la planification urbaine et l’urbanisme opérationnel, le Ministère de la cohésion du territoire ressemble davantage à une tête de pont du lobby agricole qu’à un Ministère à la recherche d’un véritable équilibre entre villes et campagnes.
En conclusion, le « hard » pour le Ministère de l’Agriculture, et le « soft » pour le Ministère de la cohésion des territoires. Le lobby agricole est bien protégé. Dormez en paix, M. Hulot.
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