Au PS, on parle le galimatias
Il faut un président normal pour une présidence normale a dit François Hollande, faisant allusion au côté exubérant, agité et forcément « anormal » du président en place (et d'un présumé futur président coffré pour un geste déplacé). Un président qui a divorcé en plein début de mandat, remarié aussitôt, bientôt papa et depuis longtemps bling bling et toujours aussi hyper président, ce n’est pas normal. Hollande sera un type normal mais tout de même, pour être président il faut être assez singulier et même exceptionnel a déclaré le journaliste qui l’interrogeait. Du coup, Hollande a décrété qu’il était exceptionnel mais normalement exceptionnel plutôt qu’exceptionnellement normal. La normalité, justement, étant de parler le galimatias au PS. Hollande s’exprime très bien dans cette langue. Il n’est pas le candidat aux primaires, ni à la présidentielle mais le candidat de la victoire de la gauche. Il représente un parti nouveau, celui de la « victoire de la gauche », sous entendu, d’autres se présentent pour faire perdre la gauche. Ce qui n’est pas faux dans l’absolu. Le propre du galimatias étant de prêter à confusion et de glisser des imprécisions susceptibles de fournir matière à interprétation. Et justement, le galimatias est la langue par excellence qui sied aux journalistes, les uns cherchant à faire dire au propos ce qu’il ne dit pas, les autres à faire entendre autre chose que ce qui a été dit. Ce qui montre que l’usage du galimatias est devenu assez répandu et l’on ne sait pas qui le parle le mieux, le politicien ou le journaliste.
Tenez, pas plus tard que quelques jours, les journalistes ont dit que Martine avait lancé un petit caillou. Ah, sacrés farceur que des médiarques, décelant le moindre indice laissant transparaître une candidature Aubry, l’intéressée ayant répondu par un lapsus contrôlé, voire un acte manqué réussi (pardon pour ces imprécisions, je m’entraîne aussi à parler galimatias en vue d’un éventuel recrutement pour être éditorialiste), que les primaires n’avaient pas commencé alors qu’un spécialiste de la politique lui demanda ce qui la différenciait du gars Hollande. Le journaliste est un expert en galimatias. Quand un DSK ou une Aubry s’exprime, il voit des petits cailloux par on ne sait quel strabisme sémantique. Il faut dire que le journaliste apprend vite le galimatias, ce bon mot des petits cailloux ayant été popularisé par un Cambadélis se voyant déjà ministre après l’élection de DSK. Benoît Hamon parle lui aussi le galimatias avec précision et force rhétorique, ce galimatias étant à la langue de bois ce que Marc Levy est à Balzac. En ce sens, le galimatias est une sorte de patois issu de la langue de bois qui elle, est très policée, bien organisée, avec de grands stylistes qu’on a connu pendant les riches heures de l’ère mitterrandienne. Félicitons Hamon pour avoir fait du PS un pôle de stabilité, même s’il n’a pas osé dire que le PS est un puit de science dans un monde d’ignorance. L’UMP accouche d’une PS ? Traduction, l’unité de la montagne des primaires accouche d’une petite souris. Désolé !
Ce dimanche soir, sur les ondes d’Inter, Gérard Collomb nous a livré une leçon de galimatias en usant plus d’une vingtaine de fois du mot « rassemblement ». Il faut rassembler, tous ceux qui veulent se rassembler pour que la gauche soit unie. Voilà le mot d’ordre. Et ensuite, il faut une primaire de confirmation. Notez bien la subtilité. La primaire « normale », comme on peut en voir aux Etats-Unis, consiste à faire voter des personnes habilitées à le faire pour choisir le candidat qui défendra son camp au scrutin présidentiel. La primaire de confirmation consiste à confirmer ce qui doit être confirmé. Oui mais quoi, le rassemblement, ou le candidat choisi par le PS pour gagner les primaires, ou les deux. Le propre du galimatias étant de ne pas être clair quand on peut l’être, on ne reprochera pas à Collomb son flou sur le candidat promis à une confirmation mais on ne pourra que s’étonner de cette étrange conception du vote en employant cette fois une juste image, celle d’une dictature où justement, les citoyens sont appelés à voter pour une élection de confirmation qui amène au pouvoir le seul candidat se présentant devant le peuple. Retenons donc cette notion de « primaire de confirmation » qui appartient en propre au galimatias du PS et s’inscrit dans le « dictionnaire galimatique » au même titre que la bravitude.
De la bravitude, Martine Aubry n’en manque pas, elle qui a déclaré être prête après avoir beaucoup travaillé à la préparation du projet et s’être préparée à être utile à son pays et à la gauche, à résoudre les problèmes des Français, mais sans savoir à quelle place dans le dispositif qui doit prendre le pouvoir. C’est normal. Tout serviteur de la gauche doit, selon Aubry, se poser la question, à tout moment, de savoir à quelle place se situe a propre utilité. Et j’ajouterais, pour parfaire ce galimatias improvisé, que tout responsable au PS doit savoir jeter des petits cailloux. Dans les écoles de journalismes, les élèves devront apprendre à voir les cailloux en écoutant les discours et les propos des dirigeants socialistes ou bien ceux de la droite. Les signes du temps sont lourds de sous-entendus. A force d’entendre parler le galimatias, le citoyen se prend à rêver d’être sourd. Comme par une étrange synchronicité, Cannes a donné le prix d’interprétation à Jean Dujardin pour un rôle muet. Sourd, il faudrait l’être aussi pour ne pas subir le galimatias dont François Bayrou s’est fait une spécialité, pour ensuite être imité par Hervé Morin, son compétiteur pour des primaires virtuelles au centre. Mais à l’UMP, l’usage du galimatias est également répandu et se manifeste selon les circonstances, quand Fillon ne veut pas ressembler à Sarkozy. Il me reste à vous souhaiter bon courage, car pendant un an, nous allons devoir subir ce galimatias présent sur toutes les ondes.
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