Décentralisation de la distribution d’énergie : symptôme de « La Crise qui vient » ?
Une étude de Sia Partners met en avant les opportunités que représentent les entreprises locales de distribution pour la transition énergétique. Ce modèle local, présent aujourd’hui sur 5 % de notre territoire, semble afficher de nombreux avantages. Toutefois, il « ne constitue pas la panacée ». Sa généralisation pourrait remettre en cause la cohésion nationale.
Electricité de Strasbourg (ES), Gaz Electricité de Grenoble (GEG), ou encore Usine d’Electricité de Metz (UEM) sont quelques une des grandes entreprises locales de distribution (ELD). Ce statut particulier est hérité d’exceptions territoriales accordées en 1946. Les 95% restants de la France sont pris en charge par les opérateurs nationaux.
A l’heure de la transition énergétique et des revendications de décentralisation du système énergétique, cette forme de gestion est-elle généralisable ? De nombreux élus locaux, en quête de nouvelles compétences et financements, le pensent. Ce point de vue, ils le défendent dans le cadre du débat national sur la transition énergétique et de l’acte III de la décentralisation menés actuellement par le gouvernement.
Pourtant, seules sur leurs territoires, les ELD, de taille modeste, n’ont pas les capacités financières et de recherche pour mener des projets de grande ampleur. Ce sujet est crucial à un moment où le passage à des réseaux plus intelligents nécessite des investissements sans précédents pour, par exemple, intégrer les énergies renouvelables ou les véhicules électriques.
De plus, en cas de catastrophes naturelles (tempête, neige, inondation…) touchant gravement le réseau électrique local, les ELD risquent très gros. Après la tempête de fin décembre 1999, EDF était venue au secours d’Electricité Service Gironde, qui n’avait pu répondre techniquement et financièrement aux dégâts causés. Faute de moyens pour faire face à cette situation, l’entreprise locale a finalement été absorbée par l’opérateur national. Cette situation a provoqué des coûts supplémentaires et des retards très importants pour le rétablissement du courant dans de nombreux foyers sur la zone concernée.
Enfin, à la différence du secteur de l’eau, où les entreprises en charge de la distribution fixent les prix localement, la péréquation tarifaire permettant l’égalité des tarifs pour tous, est une réalité dans le domaine de l’énergie. Le modèle national permet de compenser les pertes et les profits locaux. La multiplication des entreprises locales d’énergie rendrait un tel modèle beaucoup plus aléatoire. De fait, dans les régions densément peuplées et faciles d’accès, l’activité s’annonce lucrative, les ELD et leurs actionnaires (principalement des collectivités locales) rechigneront donc à se voir prélever leurs profits. A l’opposé, dans les régions les plus pauvres ou les plus reculées (faible densité d’habitants, reliefs), faute de redistribution, les tarifs locaux risquent de s’envoler et la qualité du réseau d’en pâtir.
La généralisation des ELD ne constituerait donc pas une réponse optimale à la transition énergétique. Pire, après l’emploi et l’industrie, elle pourrait provoquer une « fracture territoriale » électrique, entre régions riches et régions pauvres, aggravant encore « La Crise qui vient ».
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