Irréprochable, vous dis-je.
C’était juste un petit potin en gras, au coin d’une page du Canard enchaîné, cette semaine, qui renvoie à un article que ce journal avait publié le 15 mars 2006. J’ai donc demandé à Chantal, qui m’aide quotidiennement avec talent et précision, de retrouver l’original et je l’ai là, sous les yeux. Ce 15 mars 2006, Le Canard enchaîné écrit ceci : "Aux dernières nouvelles, l’Élysée a déjà donné son feu vert à Lagardère et à la direction de la Caisse des dépôts" pour opérer la transaction sur les titres EADS. La vente sera effective le 20 mars et Thierry Breton, selon ses affirmations répétées depuis dix jours, n’en aura connaissance qu’à la mi-avril. En fait, tout le monde savait, sauf le gouvernement et ses ministres. Irréprochable.

Outrage. Combien de divisions le Luxembourg ? Très peu, assurément, puisqu’ils ne sont que 442 000 à vivre sur un territoire de 2 586 km². Nous pourrions, même nous, les envahir très facilement. Trois chars Leclerc avec le plein d’essence, une centaine de fantassins, le foin qui suit pour les chevaux, et hop, le drapeau tricolore pourrait flotter dès ce week-end sur la marmite luxembourgeoise.
Pourquoi cette plume belliciste de si bon matin ? Eh bien parce que le Premier ministre du Luxembourg, qui est aussi le président de l’Eurogroupe, nous raille, nous moque et nous pique dans une interview insupportable d’ironie, publié par le journal Le Monde, dont les propriétaires mériteraient bien d’être expropriés pour cet acte anti-patriotique. Que dit ce M. Juncker ? Qu’il préfère la façon de faire de Nicolas Sarkozy "au style diplomatique et hypocrite que nous avons souvent observé de la part de ses prédécesseurs." Insulte à un ancien président de la République, à un ou deux, ou trois Premiers ministres, gonflé quand même !
Sourire en coin, M. Juncker poursuit : "Je veux croire que la France fera tout, comme l’a dit M. Sarkozy en juillet devant l’Eurogroupe, pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2010." Insupportable ironie luxembourgeoise ! Comment veut-il que la France, son budget et son président parvienne à économiser 40 milliards d’euros en deux ans ? Ou même en quatre, d’ailleurs ? Le budget 2008, bâti sur une hypothèse de croissance optimisme de 2,5 % , affiche un espoir de recettes de 230 milliards d’euros et une prévision de dépenses de 270 milliards d’euros. Autrement dit, l’impasse budgétaire est d’environ 17 % des sommes en jeu. Pour combler le trou, il faudrait, je ne sais pas moi, une croissance de 4 ou 5 %, l’an prochain, celui d’après et encore celui d’après. Autant dire qu’on n’est pas prêt d’y arriver. Cela, évidemment, Jean-Claude Juncker le sait. Ou alors, il faudrait, peut-être table-t-il là-dessus l’horrible personnage, que le gouvernement augmente les impôts de manière significative et qu’il coupe dans le même temps les dépenses de façon drastique. Mais cela est très improbable puisque les ministres et le président répètent depuis plusieurs jours qu’il n’y a pas de plan de rigueur financière en préparation et qu’il n’y en aura pas pour la seule et bonne raison, Nicolas Sarkozy l’a dit ainsi le 20 septembre, lors de son interview télévisée sur TF1 et France 2, "la rigueur, ça ne marche pas."
Tout ceci pour dire que notre trou budgétaire, auquel on est attaché puisqu’il est là depuis trente ans, on va l’avoir un moment encore. Et quand M. Juncker nous dit qu’on va le combler en deux ans vu qu’on s’y est engagé, dans un moment d’égarement sans doute, et puis en France, c’est bien connu, les promesses engagent ceux qui y croient, il est clair qu’il se moque de nous, M. Juncker, je sais, la phrase est un peu longue, et vous je ne sais pas, mais moi, cette ironie luxembourgeoise, j’ai du mal. Allez Marcel, vérifie l’huile, allume le char, on y va !

Des menaces. Pour en finir avec cette interview, dont je ne vous conseille pas la lecture parce qu’elle agite trop les nerfs, comment le Premier ministre luxembourgeois boucle-t-il la boucle de sa propre démonstration ? De la manière suivante : "La France doit savoir que la Commission européenne dispose d’instruments qu’elle sera libre d’utiliser si elle les juge appropriés. Lors de la réforme du pacte de stabilité, nous avions, à la demande notamment de la France, mis en place un système d’avertissement précoce pour inciter ceux qui n’ont pas un comportement vertueux à tenir leurs engagements."
Non mais on rêve ! "On" va nous inciter ? Mais qu’"on" se méfie parce que la France multi-millénaire, à défaut d’être multi-milliardaire, ne se laissera pas dicter sa conduite comme ça. Si "on" nous embête vraiment, nous pourrions très bien faire appel au FMI pour avoir un peu de fraîche, comme dirait Mlle Amara, vu que le FMI, c’est un copain à nous qui le dirige maintenant et désormais. Quant à ce retour d’ironie, "c’est à la demande de la France", on aurait bien envie de l’étaler en peinture sur la palais ducal où habite le Premier ministre du petit pays déjà cité, mais c’est bête, le char Leclerc vient de caler juste au moment où on allait partir, ivres et joyeux à la perspective du combat.

Solitude. J’en conviens, j’en fais des tonnes avec cette interview alors que ce matin, dans la presse généraliste comme dans la presse économique, il faut bien dire que l’interview de M. Juncker fait un flop. D’une certaine façon, la presse française, les responsables politiques aussi, semblent se foutre totalement de ce que raconte M. Juncker. L’Euro et lui, on s’en balance un peu. Moi je m’échauffe, pour l’idée idiote que j’ai toujours pensé que la monnaie, sa stabilité, la confiance qu’elle inspire, c’était super hyper important. Bon, je me trompe sans doute. Ce qui compte, ce sont les idées, la grandeur, la philosophie, les droits de l’homme, l’ADN que c’est le retour du nazisme, ou pas loin, bref, beaucoup de choses, mais s’il vous plaît, ne nous faites pas rire, l’Europe, l’Euro, le pognon, le déficit budgétaire, ah, ah, ah, ah, ah, on s’assoit dessus parce qu’on est... on est... Français.

La France. Justement, puisqu’on en parle, face aux Anglais, demain à 21 heures, au Stade de France. Tous avec les Bleus ! Vive les Bleus ! Allez les Bleus ! La conquête du Luxembourg attendra bien un peu.