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Formations en apprentissage : en finir avec les illusions

Depuis plus de 25 ans, la politique de promotion de l'apprentissage a engagé des sommes considérables sur la promesse d'être une arme suffisamment efficace pour combattre le chômage des jeunes. Il est temps d'évaluer cette politique et de réfléchir sur la réalité de l'alternance en général, et de l'apprentissage en particulier. Dans cette note, Jean-Jacques Arrighi montre que l'apprentissage s'est développé en France sur les segments de la jeunesse les moins menacés par le chômage, laissant les jeunes non diplômés dans une situation inquiétante. Selon lui, l'alternance à la française n'est pas assimilable au système "dual" germanique, qui relève d'une autre organisation sociale. Une véritable politique de l'alternance doit prendre en compte les intérêts de ses différents acteurs, en se centrant sur les segments contribuant le plus à lutter contre le chômage des jeunes, en particulier celui des premiers niveaux de qualification.

Le développement de l’apprentissage et des contrats de professionnalisation n’est pas, en l’état actuel, une arme efficace pour combattre le chômage des jeunes. Depuis plus de vingt-cinq ans, des politiques publiques à la fois vigoureuses, coûteuses et consensuelles ont été conduites. Il est temps d’en évaluer le résultat.
 
D’une part, les objectifs quantitatifs de jeunes en apprentissage ne sont jamais atteints et, d’autre part, l’apprentissage se développe sur les segments de la jeunesse les moins menacés par le chômage. Si le nombre de contrats signés progresse aussi difficilement, c’est tout simplement parce que, dans le contexte économique et éducatif français, la majorité des entreprises n’ont pas un intérêt économique avéré pour ce dispositif. Par ailleurs, l’évolution de l’alternance au cours des vingt-cinq dernières années n’entame en rien les noyaux durs du chômage des jeunes. Les enquêtes Génération du Céreq[1] démontrent de façon récurrente que le « sur-chômage » des jeunes est un phénomène très ciblé : il n’affecte pas ou peu les sortants diplômés de l’enseignement supérieur et les bacheliers technologiques ou professionnels industriels qui, très vite, en moins d’un an, connaissent un taux de chômage équivalent à celui de l’ensemble de la population. En revanche, la situation des jeunes non diplômés, et, dans une moindre mesure, celle des titulaires d’un CAP, celle des bacheliers généraux et celle des bacheliers technologiques/professionnels tertiaires est très inquiétante : pour la Génération 2007, atteinte de plein fouet par la crise, le taux de chômage à trois ans atteint 40 % pour les non diplômés et il est compris entre 15 et 24 % pour les autres.
 
Dès lors, lorsqu’il se développe, l’apprentissage améliore peut-être les transitions école/emploi des jeunes les plus attractifs pour les entreprises, mais il contribue très peu à réduire un chômage des jeunes concentré sur des populations précises qui ne participent pas à son expansion.
 
Il est donc urgent d’évaluer les effets de cette politique, non plus à partir de mythes séduisants et d’objectifs à atteindre, mais à partir de faits avérés détaillés et précis : quels jeunes ? quelles entreprises ? dans quels métiers ? Seule une cartographie lucide des usages réels de ces contrats est susceptible de fonder une politique publique explicitement ciblée dans un univers complexe de gouvernance éclatée où l’Etat et les régions ne sont que des partenaires parmi d’autres (chambres consulaires, entreprises, branches, organismes de formation, OCTA).
 
L’alternance école/entreprise est une formule qui améliore incontestablement les premières transitions professionnelles entre la formation initiale et l’emploi. L’apprentissage n’est qu’une version particulière de ce principe qui se décline sous d’autres variantes (contrats de professionnalisation, stages des lycéens professionnels, stages des formations professionnalisantes du supérieur, stages de la formation professionnelle, entreprises d’insertion). C’est donc l’ensemble des différentes formules qu’il convient de considérer et de réinvestir. Une négociation doit être ouverte avec les partenaires sociaux pour créer une ou plusieurs formules intermédiaires contractuelles à la fois moins contraignantes pour les entreprises et moins subventionnées par les finances publiques. Si une plus grande autonomie des partenaires sociaux, et de l’entreprise en particulier qui accueillera et formera elle-même les apprentis, conduit à une réelle résorption du chômage des jeunes non diplômés, cette piste doit être envisagée.
 
Par ailleurs, il faut massivement investir dans de nouveaux CFA pour former les jeunes à des métiers ouverts même sans qualification comme la sécurité ou l’hygiène. Les lycées professionnels doivent être rapprochés des CFA pour favoriser les scolarités sous différents statuts successifs et le partage des équipements (lycée des métiers, université des métiers...). Enfin, clef de voûte de toutes les réformes, l’enseignement élémentaire doit être revu en profondeur pour préparer effectivement les jeunes à leur avenir.
 
Dans de nombreuses branches, notamment industrielles, les dix prochaines années vont donner des opportunités d’emploi importantes pour les jeunes. Pour l’Etat, pour les entreprises, il y a là un virage à ne pas rater, sous peine de voir sacrifiées des classes d’âges entières et de continuer à perdre notre tissu industriel, faute de compétences.
 
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3 réactions à cet article    


  • Taverne Taverne 20 octobre 2011 10:46

    A mon avis, il faut mettre le paquet sur les phases de transition : pour les transitions école/ entreprise, il y a les formations en alternance et apprentissage. Pour les jeunes sortant de l’école sans diplôme, il y a les contrats de transition professionnelle auxquels vont s’ajouter à bientôt 20 000 prises en charge de « jeunes décrocheurs » par les missions locales. Car il y a un retour en grâce des mission locales, un temps dans le collimateur du gouvernement qui d’ailleurs les a écartées pour les contrats d’autonomie.

    Pour ce qui est de l’investissement dans les CFA (centre de formation des apprentis), Sarkozy fait preuve de cohérence en y consacrant 500 millions puisqu’il a pour objectif de faire passer le nombre d’apprentis de 800 000 à 1 million en 2015. Mais la conjoncture économique et la baisse des aides aux recruteurs font que les intentions d’embauche sont à la baisse et les CFA seront en capacité d’accueillir les apprentis sans cet argent qui pourrait servir à autre chose comme par exemple, comme vous le dites, pour développer des apprentissages spécifiques non reconnus.

    P.S : quand j’ai voté pour votre article en modération, j’ai constaté qu’il était crédité de 5 votes négatifs et je m’interroge sur le désamour et cet obstacle à l’expression démocratique...


    • JPhilippe 20 octobre 2011 14:44

      Et si on disait que l’apprentissage renforce aussi le chomage et la baisse des salaires, puisque les entreprises trouvent une main-d’oeuvre pas chère pour faire le travail et évitent ainsi d’embaucher ?


      • Taverne Taverne 21 octobre 2011 08:50

        De toute façon, la seule vision de Sarkozy est quantitative. Après avoir fixé l’objectif 800 000 apprentis début 2011, il a monté le chiffre à 1 million comme ça, sans autre raison qu’électoraliste. Il n’a pas la moindre vision quantitative de l’apprentissage. Presque toutes les conventions d’objectifs et de moyens ont été signées avec les régions qui sont de gauche et peuvent avoir une façon de voir différente de celle du pitre qui nous gouverne.

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