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Accueil du site > Actualités > Politique > Fractures parlementaires - I - Crise de la représentativité

Fractures parlementaires - I - Crise de la représentativité

L’Assemblée nationale compte 577 députés qui représentent l’ensemble des citoyens. Si le scrutin majoritaire corrige de facto cette assertion, l’origine socioprofessionnelle des premiers vient achever le mythe de la représentativité. Rarement débattu, ce thème mérite pourtant réflexion parce qu’on ne saurait créditer nos élus d’une indépendance face aux réflexes corporatistes. Les intérêts particuliers pourraient alors le disputer à l’intérêt général et la fracture sociale ne serait donc qu’une conséquence de la fracture parlementaire en démocratie représentative.

  1. Les limites du tableau

Le tableau ci-dessous, réalisé par mes collaborateurs, dresse un portrait de nos députés. Trois difficultés se sont présentées. D’abord les parlementaires ne renseignent pas tous correctement leur profession. Ensuite, il est parfois difficile de faire coïncider la terminologie qu’ils emploient avec la nomenclature de l’Insee. Enfin, une nomenclature a été rajoutée, « profession politique », absente de l’Insee. Elle réunit les députés qui étaient assistants parlementaires, permanents politiques, etc. De même, les retraités n’ont pas été distingués des autres pour l’intérêt de la réflexion. Les limites posées, on pourrait affiner ce travail sans toutefois invalider les grandes lignes.

Légendes :

a. Le milieu de l’enseignement regroupe les professeurs, les directeurs d’établissement et les inspecteurs de l’Education nationale.

b et c. Nombre de députés à droite ou à gauche.

d. Nombre de députés non inscrits.

e. Somme des députés.

f. Pourcentage de parlementaires, toutes orientations confondues.

g. et h . Pourcentage des parlementaires de droite ou de gauche. Par exemple, les fonctionnaires représentent 21,8 % des parlementaires de droite, et 50,88 % des parlementaires de gauche.

i. et j. Population active, exprimée en milliers d’individus, et pourcentage. Ces nombres sont issus d’un tableau de l’Insee sur la situation en 2005 à deux exceptions. Le nombre d’avocats en 2005 a été communiqué par le ministère de la Justice, et le nombre de médecins (au 1er janvier 2006), par le ministère de la Santé. ND signifie Non disponible.

  1. La légitimité d’une réflexion sur l’origine socioprofessionnelle des députés

Chaque individu se définit et se distingue en fonction de ses appartenances. Celles-ci enrichissent l’expérience et modèlent la psychologie individuelle. Les enseignants, les entrepreneurs ou encore les supporters seront tentés de reproduire les réflexions de leurs pairs parce que confrontés à des problématiques communes. Ces conditionnements qui résultent des appartenances viennent donc minimiser l’objectivité aussi bien que la portée du savoir théorique. Il apparaît alors difficile de se détacher des conformismes sociaux pour s’ouvrir à l’autre ou élever la pensée vers l’intérêt général. La société semble ainsi divisée en cercles d’appartenance qui communiquent difficilement. Les études sur la nuptialité sont, en ce domaine, révélatrices, qui nous rappellent qu’on ne se marie qu’avec des gens de sa caste, et l’exogamie sociale ne serait qu’une utopie véhiculée par les contes pour enfants. En revanche, un entrepreneur italien a brisé son cercle d’appartenance et de pensée formatée en tentant de vivre avec la rémunération allouée à ses employés. Devant la difficulté de la tâche, il les a augmentés de 200 euros par mois. C’est en s’ouvrant à l’autre que cet entrepreneur a pu saisir combien la théorie - on peut vivre avec 1 000 euros par mois - était difficilement applicable. Le meilleur moyen de briser les systèmes de pensée hérités des appartenances est de les multiplier, et nous pourrions alors mesurer combien l’intérêt général dépasse la somme des intérêts particuliers.

L’appartenance professionnelle est sans doute la plus importante de toutes puisqu’elle reflète le degré d’intégration. Cela n’a pas toujours été le cas. En effet, c’est la citoyenneté qui intégrait dans les sociétés de la Grèce et de la Rome antiques, et la foi chrétienne dans les sociétés de l’Occident médiéval et moderne. Après la Seconde Guerre mondiale, c’était l’appartenance à la Résistance. Aujourd’hui, les candidats aux différentes élections affichent leur profession, gage d’intégration, donc de crédit. Il s’agit-là d’un premier vice en démocratie représentative, une discrimination qui empêche toutes les couches sociales d’être représentées quand notre société reconnaît le travail comme première source d’intégration ! Il apparaîtrait en effet incongru de voter pour un chômeur quand bien même celui-ci serait paré de toutes les vertus. Une démocratie honorable exigerait qu’aucun candidat à un mandat électif ne puisse se prévaloir de sa profession puisque cela oriente indéniablement le vote et ne reflète aucunement des prédispositions particulières. Un mandat électif n’est pas une profession, et les députés ont tous des assistants, souvent des juristes ou des historiens. Les parlementaires, comme tout élu, bénéficient en plus d’une formation continue et peuvent faire appel à des experts pour les aider à décider.

Outre le poids des lobbies, l’origine professionnelle des députés peut donc expliquer que la République soit en réalité une affaire privée dont est privée la majorité des citoyens puisque la citoyenneté n’est plus un facteur d’intégration.

  1. Le député-type

A en croire la composition de l’Assemblée nationale, chargée de nous représenter, la France aurait le visage suivant :

Elle serait divisée en deux camps : la droite (UMP et apparentés : 344 sièges) et la gauche (PS, Gauche démocrate et républicaine et apparentés : 226 sièges). Seuls 7 élus sont non-inscrits, dont des MoDem.

Elle serait composée en grande majorité d’hommes. La droite compte 12,57 % de femmes (elles sont 43), et la gauche 26,75 % (elles sont 61).

Ces hommes seraient Blancs (une demi-douzaine de Noirs seulement) et auraient entre 50 et 60 ans.

Si le quinquagénaire blanc est de gauche, il a une chance sur deux d’être fonctionnaire, de préférence professeur ou assimilé. S’il est de droite, il y a deux chances sur cinq pour qu’il soit entrepreneur ou qu’il exerce une profession libérale, de préférence médecin ou avocat.

Enfin, le Français serait un cumulard. A droite, 260 députés cumulent deux mandats et 37 trois. A gauche, ils sont 160 à cumuler deux mandats et 25 trois. Au total, 84,7 % des députés cumulent au moins deux mandats ! Une situation quasi-unique en Europe. Les citoyens seraient en droit de se demander comment leurs élus peuvent les représenter correctement. Cela invaliderait également l’argument selon lequel les députés doivent bénéficier d’un traitement confortable, d’autant plus qu’une bonne partie d’entre eux jouit déjà d’une retraite professionnelle ou continue d’exercer une activité professionnelle, à l’image du président du groupe UMP, Jean-François Copé ! On pourrait alors envisager une interdiction stricte de tout cumul, ainsi qu’un traitement à la carte, selon la situation personnelle des députés. Après tout, des responsables d’associations exercent une activité non rémunérée qui rend service à la collectivité, tout en engageant leur responsabilité.

  1. Focalisation sur les catégories professionnelles

La gauche aime particulièrement les fonctionnaires - surtout le monde de l’enseignement - et ne dédaigne pas les professions libérales. En revanche, elle méprise les entrepreneurs puisqu’un seul député a dirigé une entreprise. Et encore, ce député est un retraité de SCOP. Notons cependant que les entrepreneurs représentent 0,5 % de la population active contre 0,44 % des députés de gauche, et la représentativité serait alors conforme.

La droite cajole les professions libérales. Elles représentent 1,39 % des actifs contre 30,23 % des députés de droite, soit un rapport d’1 pour 22. Cet écart est encore plus important chez les avocats puisqu’il est de 1 pour 51 ! La représentation des fonctionnaires est, quant à elle, conforme à la répartition des actifs. Notons cependant que la France comprend une proportion de fonctionnaires nettement supérieure aux autres pays.

Un ovni : les professions politiques. Ce sont des gens qui ont été assistants parlementaires, directeurs de cabinet, etc. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas connu de vie active et sont entrés immédiatement en politique. Une sorte de place réservée, et on serait en droit de se demander si la cooptation n’a pas joué à plein. Ils représentent quand même 3,64 % des parlementaires !

En réalité, les grands absents sont les ouvriers, les employés et professions intermédiaires. Ils représentent près de 56 % des actifs, contre à peine 4 % des députés ! S’il est impossible qu’ils composent 100 % des abstentionnistes, il n’en demeure pas moins qu’ils ne peuvent être investis par les partis politiques, les places sont prises. Si le lecteur ne trouve pas forcément de légitimité aux mouvements revendicatifs de ces professions, il comprendra néanmoins qu’ils constituent leur seul moyen d’expression en l’absence d’un écho parmi ceux qui font les lois et organisent notre devenir.

  1. Origines de la sur-représentation des catégories socioprofessionnelles

Pourquoi les fonctionnaires, professions libérales et entrepreneurs représentent-ils environ 64 % des parlementaires quand ils ne forment qu’à peine 22 % de la population active ?

D’abord, ils maîtrisent le temps. Les fonctionnaires ont un statut très protecteur. Ils peuvent demander à être en disponibilité, détachés auprès d’associations ou autres administrations. Les professeurs dispensent peu d’heures de cours présentiels, ce qui facilite la gestion de leur emploi du temps. Les professions libérales et entrepreneurs échappent aux contraintes imposées par un employeur.

Ensuite, toutes trois bénéficient d’un potentiel en communication important. Les enseignants côtoient des centaines de parents ou étudiants, les médecins et avocats autant de patients ou clients. Ce sont des professions qui s’investissent massivement dans des associations et peuvent tisser un réseau. Les mairies comptent parmi les plus gros employeurs d’une commune, aussi les fonctionnaires territoriaux peuvent-ils fréquenter de nombreux collègues et collaborateurs tout en étant en contact avec les administrés. Cette faculté à construire un réseau est servi par une maîtrise de la langue. Les fonctionnaires passent des concours où le français et la culture générale testent leur capacité à communiquer au travers de dissertations, notes administratives, notes de synthèse, etc. Les avocats, même s’ils ne plaident pas, maîtrisent l’argumentation. Les entrepreneurs sont polyvalents et intègrent la communication dans leur savoir-faire.

Enfin, ce sont des professions qui, dans l’inconscient collectif, jouissent d’une certaine respectabilité, aussi un électeur confiera-t-il davantage son suffrage à un médecin qu’à un ouvrier ou un employé.

L’exposition de ces données laisserait croire à une confusion entre représentation parlementaire et méta-syndicat. Loin d’être illusoire, elle se trahit concrètement par des décisions qui ne participent pas de l’intérêt général, mais des intérêts particuliers. Au lendemain de la seconde Guerre mondiale, l’un des facteurs qui faisait l’élection d’un député était son appartenance à la Résistance, ni sa profession ni ses réseaux. Il en a résulté, en période de reconstruction, une primauté de l’intérêt général. Soixante ans plus tard, des groupes de pression ont pu se structurer pour peser sur la République et en faire une chose privée dont sont privés la majorité des citoyens. L’élection vient avaliser un système où règne le népotisme, la cooptation, bref, l’oligarchie au lieu de la démocratie. Le poids des lobbies, la légitimité des partis, le recours à l’expertise et à la communication, les conséquences de l’origine socioprofessionnelle des députés sur leurs décisions, tout cela sera abordé dans la seconde partie de ce billet.


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10 réactions à cet article    


  • alberto alberto 19 décembre 2007 13:13

    Bon travail de classement, Tristan Valmour, attendons la suite avec intéret...

    Je pense que ce manque de miscibilité des couches sociales que vous stigmatisez se retrouve également chez les dirigeants de grandes entreprises dont les passerelles avec les politiciens que vous nous présentez sont très empruntées par les uns et les autres !

    A demain, donc, et bien à vous.


    • Tristan Valmour 19 décembre 2007 14:06

      Bonjour à tous

      Je suis un ami de Tristan. Tristan a dû partir à l’Etranger pour ses affaires, ce n’était pas prévu. Il s’excuse donc par avance de ne pas pouvoir répondre aux interrogations, s’il y en a. Il soumettra la suite la semaine prochaine au plus tard. Il m’avait chargé de reprendre les données fournies par ses employés avec un tableau open-source et j’ai oublié de le faire. Dans le tableau original, les chiffres de la 2è ligne étaient en fait des lettres (1=a, 2=b, etc.). Pour ceux qui ne pourraient pas lire le tableau au format xls, peut-être que l’équipe d’Agoravox pourrait l’intégrer au texte.


      • bernard29 candidat 007 19 décembre 2007 15:10

        Une autre catégorie a commencé a apparaître ; celles des « peoples » issus de la société médiatique. « Sportifs, acteurs, chanteurs, animateurs télé, intellos de service... ». Cette catégorie va prendre de l’importance puisque nos politiciens auront de plus en plus besoin de cette aura médiatique pour se valoriser. Ce qui explique leur présence dans toutes les variétés télévisées.

        Il est assez intéressant de constater que chaque liste pour les élections municipales essaie plus ou moins de présenter une variété de professions, d’âges, d’activités, de quartiers de la ville afin d’en tirer l’argument d’une bonne représentation de la population.

        Pensez vous donc, que le scrutin de listes est plus intéressant que le scrutin majoritaire dans l’objectif de favoriser une bonne représentation de la population ?

        pour ma part, il y a deux réformes qui me paraissent nécessaires.

        - a) précariser les statuts des représentants en multipliant les régles favorisant le renouvellement des élus ( non cumul des mandats et limitation du renouvellement)

        - b) rendre inéligibles les fonctionnaires de catégorie A (ce qui correspond à des postes de responsabiltiés dans la fonction publique) car ces fonctionnaires travaillent déjà pour l’intérêt général et doivent dans le cadre de leurs fonctions oeuvrer au service public. Ensuite on ne peut être juge et partie. En Grande-Bretagne les fonctionnaires sont inéligibles.


        • jcbouthemy jcbouthemy 19 décembre 2007 16:09

          un tableau qui démontre que la démocratie se rétrécit comme peau de chagrin. qu’une autre révolution sera nécessaire pour permettre à tous les ouvriers et autres employés de pouvoir être entendus. Dans les 4% de députés inscrits dans cette catégorie, depuis combien de temps ont -ils quitté leur profession ? comme ces syndicalistes qui n’ont plus fréquenté les ateliers depuis leurs élections et sont davanatge soucieux du bien être des patrons que de défendre le prolo.

          Il faut reconnaitre que les médias ont bien aidé à faire disparaitre ces catégories sociales ou du moins à faire croire qu’il s’agissait d’un monde en voie de disparition. A la limite il resterait quelques ouvriers mais ce ne serait que des noirs ou des arabes...des ouvriers présentables, loin de ces gaulois populistes qui prétendraient avoir encore des remarques à faire sur la façon dont cete société devrait être gérée. Un état de fait qui gênerait quelques démocrates qui accepteraient quelques arabes ou black, à condition qu’ils ne soient pas ouvriers. Et pourtant on ne saurait clamer que le résultat soit fantastique.


          • Black Ader 19 décembre 2007 16:16

            « Au lendemain de la seconde Guerre mondiale, l’un des facteurs qui faisait l’élection d’un député était son appartenance à la Résistance »

            Ce qui induit donc que certain se présentaient comme étant des collabos ! Arf !!!

            Vous mélangez représentants, qui est un status légal, et représentatif, qui est un truc d’acteur. Nous ne sommes pas au théatre. Les représentants n’ont pas à être représentatif, ne serais-ce parce qu’ils représentent TOUT les français, et pas leur electeur, et même les morts et les futurs générations.. On vote pour eux justement parce qu’ils sont supérieurs (on l’espére en tous cas !).

            Certes, je peux admettre que le nombre trop important de fonctionnaires, donc de gens n’ayant jamais travaillé, peut poser probléme (pas de souci de rentabilité, de temps, de budget, de résultat, contrairement au privé). Donc, il faut étudier cela de plus prés.

            Mais vous n’avez visiblement pas compris que la démocratie, c’est élire le CHEF, qui lui représente la NATION (pas le peuple). Il ne doit pas PAS être representatif du « peuple », qui lui est inculte et con, et ne pense qu’au Pain et au Jeux (à la Solidarité et à la culture, comme on dit de nos jour pour dissimuler l’horrible vérité..).

            Au reste, je vous signal que les electeur vote au nom de la Nation, donc pas du tout pour eux, leurs interet ou être représenté eux : dés lors votre propos n’a aucun sens..


            • Redj Redj 19 décembre 2007 16:29

              NPM est de retour, alléluia !!!! smiley


            • Vilain petit canard Vilain petit canard 19 décembre 2007 17:24

              Ok Tristan, on attend la suite. Mais déjà une question pour la deuxième partie : si un député représente la Nation (et pas sa circonscription, comme on le croit souvent), est-ce que l’Assemblée doit représenter statistiquement la population des électeurs ?

              La sélection des députés n’est pas un sondage « représentatif » des électeurs.

              Le mot « représenter » est donc employé dans deux acceptions différentes. Ce qui ouvre les débats habituels sur la « sur-représentation » des fonctionnaires etc. En fait, devient député qui peut devenir député, rien d’étonnant à y retrouver plus de hauts fonctionnaires, protégés par leur statut et leur carnet d’adresses, contre les aléas de la vie professionnelle de tout un chacun, et aucun ouvrier.


              • Martin sur AgoraVox Martin sur AgoraVox 19 décembre 2007 20:25

                Je me permets de rappeler des articles connexes avec ce sujet de la représentativité selon des critères variés que les uns ou les autres peuvent souhaiter mettre en avant :

                « Les réformes institutionnelles : le cas de l’Assemblée nationale et du Sénat », lien :

                http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=30377

                « « Minorités visibles » et leur représentativité politique », lien :

                http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=26275

                Par ailleurs les constatations ci-dessous soulèvent des questions à propos de la représentativité dans le sens suivant : « les députés représentent-ils fidèlement la voix majoritaire des citoyens ? ». Car la démocratie c’est avant tout les respect de la volonté de la majorité des citoyens.

                Les cas sont nombreux quand les politiques, qui ont reçu le mandat du peuple, décident ce qui bon leur semble et ne respectent pas la volonté de la majorité de la population. Exemple qui le démontre de façon flagrante : le vote sur la Constitution de l’Union européenne, dans la version proposée aux citoyens européens en octobre 2004. En France, cette constitution avait été approuvée par le Président de la République française, puis avait été approuvée par 92 % des parlementaires de l’Assemblée nationale française, avant d’être rejetée par 55 % des électeurs français lors du référendum de mai 2005. C’est une parmi les preuves que les politiques, qui ont reçu le mandat du peuple, ne reflètent pas la volonté de la majorité des citoyens.

                Il ne faut pas que le gouvernement, le Parlement et le Sénat prennent des décisions d’après ce que leur dictent les lobbies. Quelle que soi la « représentativité » des parlementaires, ils ne sont pas la garantie de l’application des règles fondamentales de la démocratie.

                Il faut bien insister sur le fait qu’en France les décisions politiques ne respectent pas les règles fondamentales de la démocratie.

                Pour ceux qui sont aux plus hauts niveaux du pouvoir politique, l’important c’est d’être élus, ensuite ils font à peu près ce qui bon leur semble, en ne respectant pas obligatoirement et scrupuleusement la volonté de la majorité des citoyens. Autrement dit : parmi leurs décisions, ils prennent aussi des décisions qui ne sont pas démocratiques, qui ne respectent pas la volonté de la majorité des citoyens.

                Répétons encore une fois que les cas sont vraiment nombreux quand les politiques, qui ont reçu le mandat du peuple, prennent des décisions qui ne respectent pas la volonté de la majorité de la population. Voici un autre exemple : lorsqu’il était candidat à la présidence de la République française, M Sarkozy a déclaré qu’il est opposé à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Il apparaît à présent, après son élection, que c’était semble-t-il une déclaration neutre, qui ne l’engageait en rien. Une déclaration peut-être aussi neutre que celle qu’un général français avait jadis prononcée depuis un balcon devant une foule nombreuse : « Je vous ai compris ! ».

                M Sarkozy a-t-il promis de façon claire et certaine qu’il fera tout pour arrêter le processus d’adhésion de la Turque ? Peut-être pas. M Sarkozy peut continuer à faire des déclarations médiatiques « contre l’entrée de la Turquie » mais nous constatons que le processus d’adhésion de la Turque, conduit par les institutions de l’Union européenne, continuera. À l’heure actuelle, il semble que M Sarkozy a simplement fait des déclarations qui étaient censées lui apporter des voix des électeurs qui n’ont aucun autre moyen de voter pour arrêter le processus d’adhésion de la Turque. Il n’a rien entrepris pour arrêter l’adhésion de la Turquie alors qu’il en a la possibilité selon ses prérogatives dans le contexte des procédures de l’Union européenne. C’est encore un exemple qui montre que dans les faits les politiques au pouvoir ignorent la volonté de la majorité des citoyens tout en parsemant leurs discours du mot démocratie.

                Les deux conditions de la démocratie véritable sont :

                - tout citoyen a le droit d’exprimer et de propager des opinions ou des idées quelles qu’elles soient, sans censure, sans interdit ;

                - toute décision politique doit être prise conformément avec l’opinion de la majorité des citoyens. Cela signifie que lorsqu’il y a un doute toute décision politique doit pouvoir être soumise à la validation par la majorité des voix des citoyens qui désirent s’exprimer, donc le référendum d’initiative populaire doit être garanti sans restriction.

                Si les décisions doivent être réservées à une élite, alors la démocratie n’existe pas. Rappel : en démocratie toutes les décisions doivent être conformes aux désirs de la majorité des citoyens, de tous les citoyens qui souhaitent exprimer leur volonté. Si la règle est que les décisions politiques doivent être seulement conformes aux désirs d’une certaine « élite » alors on ne se situe pas dans un système démocratique.

                La démocratie véritable, la démocratie directe, cela ne signifie pas une société qui est gérée par uniquement par référendums. Le droit aux référendums d’initiative populaire est le droit donné aux citoyens d’intervenir lorsqu’ils estiment que la règle fondamentale de la démocratie n’est pas respectée, la règle qui est la suivante : « pour toutes les questions qui touchent la communauté c’est la volonté de la majorité des citoyens qui décide ». Lorsqu’il y a un doute toute décision politique doit POUVOIR être soumise à la validation. Mais cela NE signifie PAS que toutes les lois sont OBLIGATOIREMENT rédigées d’après les référendums. Il suffit d’observer le système politique suisse pour comprendre les mécanismes de prise de décision : les politiques professionnels et leurs décisions (exécutif/législatif, gouvernement/ parlement) y ont leur place et les référendums d’initiative populaire n’interviennent que lorsque les citoyens veulent vérifier concernant certaines décisions politiques quelle est la volonté démocratique de la majorité des citoyens.

                La démocratie directe n’élimine pas les éléments de « démocratie représentative » ni les éléments de « démocratie participative ». La démocratie directe laisse aux uns et aux autres la possibilité de faire des propositions et laisse aux politiques la responsabilité de gérer les affaires de la communauté au quotidien. Mais elle exerce sur les politiques et sur les lobbies le contrôle du respect de la règle démocratique : « pour toutes les questions qui touchent la communauté c’est la volonté de la majorité des citoyens qui décide ».

                Cela signifie qu’en démocratie véritable toutes les loi, les traité, les orientation du gouvernement ne sont pas systématiquement soumis au référendum.

                Cela signifie que si quelqu’un doute sur n’importe quelle loi, sur n’importe quel traité, sur n’importe quelle orientation du gouvernement, ce citoyen quelconque doit avoir la possibilité de déclencher un référendum. À ce moment-la il doit réunir certaines conditions, notamment il doit par exemple recueillir un certain nombre de signatures qui supportent son initiative. S’il parvient à réunir ces conditions alors la question est soumise au référendum.

                J’insiste sur le fait qu’en démocratie ce qui compte, la règle d’après laquelle devrait être prise chaque décision qui engage la société à tout niveau - municipalité, région, pays, union de pays - c’est l’opinion de la majorité des citoyens.

                En démocratie, le devoir des individus qui représentent le pouvoir - politique, éducation publique, médias officiels - est de respecter la liberté d’opinion et d’appliquer systématiquement et scrupuleusement les décisions qui viennent de la volonté de la majorité des citoyens. Aucune décision politique, aucune loi, aucun traité international ne doivent être contraires à ce que veut la majorité des citoyens.

                Pour certaines questions décidées actuellement par les politiques seuls les référendums devraient être obligatoires. Il conviendrait donc de disposer de référendums de deux types, d’une part obligatoires (pour les questions fondamentales : constitution, adhésions des États à l’Union européenne, politique d’immigration depuis d’autres continents, etc.) et d’autre part sur l’initiative des citoyens.

                Puisque la France fait partie de l’Union européenne, ce système devrait être mis en place au niveau paneuropéen concernant les question de l’Union européenne, ainsi qu’au niveau de chaque État membre de l’Union européenne !

                Le référendum d’initiative populaire n’est pas un fantasme, ce n’est pas une utopie, ce serait au contraire le fondement même de la démocratie qui actuellement manque à l’Union européenne et dans tous les États Membres de l’Union européenne.

                Ce système existe dans plusieurs pays. Le système politique qui fait appel aux référendums de façon généralisée peut être mis en place quelle que soit la taille ou le poids économique ou démographique du pays.

                Les États Unis d’Amérique sont un exemple de grand pays qui pour certains types de décisions met en œuvre les référendums.

                Là où la véritable démocratie est déjà en place, avec les référendums garantis aux citoyens, comme c’est le cas depuis longtemps en Suisse, existent la stabilité politique et la paix civile. En Suisse existent historiquement deux religions chrétiennes et quatre langues officielles. Les cantons suisses appliquent certaines lois ou règlements locaux, mais la plupart des lois et les orientations de politique générale sont décidées et appliquées au niveau fédéral. Le dispositif politique suisse doit sa stabilité et sa légitimité, et le peuple suisse doit sa bonne entente, à la garantie offerte aux citoyens de disposer de référendums d’initiative populaire au niveau des cantons comme au niveau fédéral. Quel autre État avec plusieurs religions et plusieurs langues se permettrait-il de demander à tous les citoyens conscrits et réservistes de conserver chacun chez soi son arme de guerre avec munitions de combat ? La Suisse se le permet, elle ne craint pas les émeutes, parce que son système politique a depuis longtemps éliminé les tensions sociales par la voie de la démocratie directe, par les référendums.

                Enfin je me permet de conclure par des interrogations sur l’utilité, sur la portée des articles que les citoyens peuvent écrire ou commenter hors des circuits des médias qui imposent les opinions. Quelqu’un saura éventuellement suggérer des réponses aux questions suivantes :

                Concernant les sujets qui relèvent des décisions politiques, les articles que l’on peut écrire, sur AgoraVox ou ailleurs, peuvent-ils amener les politiques qui sont au pouvoir à respecter les règles fondamentales de la démocratie véritable ? Quelles actions faut-il entreprendre pour obliger enfin les politiques au pouvoir à mettre en application la démocratie véritable, la démocratie dans laquelle chaque décision politique répond aux souhaits de la majorité des citoyens qui se sentent concernés par la décision ?


                • Tristan Valmour 19 décembre 2007 21:05

                  Salut à tous

                  C’est Tristan. Au moment où je vous écris, il doit être 18h en France, et je ne sais quand l’ami qui poste mes commentaires en aura le temps. Pour des raisons de sécurité, je ne peux pas utiliser n’importe quel ordinateur. Désolé pour ceux qui auront posté après 18h.

                  @ candidat 007

                  Je suis entièrement d’accord avec vos points a et b.

                  @ Black Ader

                  Les fonctionnaires sont des actifs. Ils rendent un service, souvent précieux, en échange d’une rémunération, pas d’une bourse. Sans eux, aucun pays ne fonctionnerait. Je suis en mesure de comparer la fonction publique française avec celle d’autres pays, et je peux vous dire qu’il n’y a pas photo. Aux US, quand vous ne rendez pas les papiers à temps, on peut fermer votre entreprise. On ne cherchera pas à connaître vos raisons. Et je ne vous parle pas de ce qui se passe dans les pays asiatiques ou africains. En France, on peut discuter, et personnellement, j’ai toujours eu affaire à des gens charmants et compétents. Il est vrai que je ne les prends jamais de haut.

                  Qui est le « meilleur » ? C’est un concept que je ne connais pas. Qu’est-ce qui sépare le second du premier ? Pas grand chose à mon avis. Ce que je sais, c’est que toute entreprise qui demande la participation de ses salariés aux décisions qui les concernent voit sa productivité augmenter. Tout le monde a besoin de tout le monde.

                  @ Vilain petit canard

                  Le mot « représenter » est effectivement polysémique. Les paragraphes consacrés aux appartenances sont là pour démontrer que notre mode de pensée est tributaire - entre autre - de notre profession. Cela se trahit concrètement dans les décisions adoptées par les députés. La gauche favorise les fonctionnaire, la droite les avocats et les médecins. Chacun se partage une clientèle pour rester au pouvoir, en dépit de considérations d’intérêt général. Le droit opposable, par exemple, permettra aux avocats d’augmenter nettement leur rémunération. Quand la droite est au pouvoir, avocats et médecins n’ont nullement besoin de faire le forcing pour obtenir des avantages, et idem avec les fonctionnaires quand la gauche est au pouvoir.

                  La politique est la conduite de la polis, et en la matière il n’y a point d’expert. Tout citoyen, quelle que soit sa qualité est concerné mais tous n’accèdent pas à la représentativité. Il y a des ouvriers et des employés qui votent à droite ou à gauche, et qui seraient capables de devenir député. Mais ils sont barrés dans les partis.

                  Je note que des efforts de représentativité sont en cours lorsqu’il s’agit de positionner aux élections locales des membres de ce que l’on appelle par euphémisme « la diversité ». On s’achemine vers une parité sexuelle, maintenant ethnique, alors pourquoi pas une parité sociale. A mon avis, cette dernière est plus déterminante que toute autre. En tout cas, les parités sexuelles et ethniques signifient bien que les deux sens de la représentativité ont une signification politique.


                  • Black Ader 19 décembre 2007 23:37

                    « Les fonctionnaires sont des actifs. Ils rendent un service, souvent précieux, en échange d’une rémunération, pas d’une bourse. »

                    Soyons un peu sérieux, voulez vous..

                    « Je suis en mesure de comparer la fonction publique française avec celle d’autres pays, et je peux vous dire qu’il n’y a pas photo. »

                    Tant mieux, car c’est votre retraite qui sert à les payer.

                    Sinon, j’ai un scoop pour vous : les autres pays ont des fonctionnaires et ne sont pas ruiné.

                    « Qui est le « meilleur » ? C’est un concept que je ne connais pas. Qu’est-ce qui sépare le second du premier ? Pas grand chose à mon avis. »

                    Comme pour la litérature, la peinture et les opéra, je suppose..

                    « Ce que je sais, c’est que toute entreprise qui demande la participation de ses salariés aux décisions qui les concernent voit sa productivité augmenter. Tout le monde a besoin de tout le monde. »

                    Peut être dans certaine entreprise trés spécialisé, car pour les autres, la productivité, ce sont les machines, donc le capital qui le fait.

                    « Quand la droite est au pouvoir, avocats et médecins n’ont nullement besoin de faire le forcing pour obtenir des avantages, et idem avec les fonctionnaires quand la gauche est au pouvoir. »

                    Faux : les médecins ont morflé sous Chirac (sans doute pas vraiment de droite, mais bon..) Par ailleur, les avocats n’ont pas l’air joysse en ce moment des réforme de Sarkozy. En réalité, la gauche ce sont les fonctionnaires, la droite le reste de la population et une (petite) partie des fonctionnaires. Donc la droite tape forcément sur une parti de son electorat dés qu’elle bouge. Aucune importance.

                    « La politique est la conduite de la polis, et en la matière il n’y a point d’expert. »

                    Trés drôle ! Ah AH AH AH !! La gestion, ca demande des experts, et la politique, c’est un truc de Pro. Comme pour les multinational, ou on s’arrache ces expert à coup de millions d’Euros.. Alors pour l’Etat, même si c’est plus petit qu’une grosse boite, il en faut aussi..

                    « Il y a des ouvriers et des employés qui votent à droite ou à gauche, et qui seraient capables de devenir député. Mais ils sont barrés dans les partis. »

                    Comme cela, en plus d’être nul en éco, les députés seront nul en droit.. Ca promet de longue heures de gloire aux énarques..

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Auteur de l'article

Tristan Valmour


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