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Gardes à vue contraires aux libertés fondamentales : le ciel ne peut pas attendre

La décision rendue le 30 juillet par le Conseil constitutionnel à propos de la garde à vue est assurément importante.

Par sa motivation d’abord, qui sonne comme un démenti cinglant adressé à la politique pénale que le Syndicat de la magistrature dénonce depuis de nombreuses années. En effet, le Conseil affirme clairement (c. 15 à 18) que le dévoiement du recours à la garde à vue et le recul du judiciaire au profit du policier sont le résultat de choix politiques qui ont déséquilibré notre procédure pénale : contournement des juges d’instruction, généralisation du traitement en temps réel, culture de l’aveu, banalisation de l’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire.

Le Conseil fait même référence – pour la première fois en ce qui concerne la garde à vue – au principe constitutionnel de la sauvegarde de la dignité de la personne. Il rappelle à cet égard « qu’il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de veiller à ce que la garde à vue soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans le respect de la dignité de la personne » et qu’ils doivent en tirer les conséquences dans le cas contraire (c. 20). De fait, comme l’a encore récemment souligné le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, les locaux de garde à vue sont ceux où « est la plus malmenée l’intimité des personnes qui y passent »...

Enfin, le Conseil stigmatise, outre l’absence de critère lié à la gravité des infractions en cause et le défaut de notification au gardé à vue de son droit de garder le silence (notification supprimée par la loi dite « Perben 1 » du 4 mars 2002), l’impossibilité générale de bénéficier de « l’assistance effective d’un avocat » (c. 27 à 29). Autrement dit, et contrairement à ce que la Chancellerie n’a cessé d’affirmer ces derniers mois, s’entretenir avec un avocat pendant une demi-heure sans qu’il puisse avoir accès au dossier ni assister aux auditions, ce n’est pas être réellement « assisté ».

Cette décision est ensuite importante par sa portée juridique : l’anéantissement des textes concernés. Michèle Alliot-Marie ne peut donc plus s’abriter derrière la pseudo-unité de son inacceptable avant-projet de réforme de la procédure pénale pour ne rien faire : l’urgence, c’est la transformation radicale de la garde à vue. Que le gouvernement et ses soutiens policiers le veuillent ou non.

Pour autant, cette décision pose trois problèmes majeurs, qui sont manifestement le fruit d’un compromis politique.

D’abord, en différant la prise d’effet de sa décision, le Conseil place les justiciables dans une position aberrante. Selon son considérant 30, il ne sera pas possible de contester la constitutionnalité des gardes à vue prises avant le 1er juillet 2011, ce qui signifie que les personnes qui ont indirectement saisi le Conseil ne bénéficieront pas de sa décision et que la Constitution peut continuer à être impunément violée pendant onze mois au détriment de centaines de milliers d’autres ! C’est d’ailleurs ce que la Chancellerie a indiqué sans complexe à tous les chefs de juridictions dans une dépêche datée du 30 juillet...

Ensuite, en refusant de réexaminer la constitutionnalité des gardes à vue dérogatoires (criminalité organisée, terrorisme), le Conseil laisse paradoxalement subsister des textes dont l’usage s’est également banalisé, qui sont encore plus attentatoires aux libertés constitutionnellement garanties et qui seront immanquablement sanctionnés par la Cour de Strasbourg.

Enfin, le Conseil a choisi – malgré le récent arrêt européen Medvedyev – de réaffirmer l’appartenance des magistrats du parquet à l’autorité judiciaire et leur compétence pour contrôler les gardes à vue (c. 26), confortant ainsi opportunément le pouvoir exécutif dans son refus d’assurer l’indépendance du ministère public.

Ces trois fleurs offertes au gouvernement rappellent avec force la nécessité de garantir une composition véritablement non partisane de cette instance et les limites, en l’état, de la question prioritaire de constitutionnalité.

Le Syndicat de la magistrature considère que la sauvegarde des libertés ne saurait souffrir de tels atermoiements tactiques. C’est pourquoi il invite l’ensemble des magistrats à continuer d’appliquer la Convention européenne des droits de l’Homme pour censurer sans attendre les gardes à vue qui violent les libertés fondamentales.


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7 réactions à cet article    


  • voxagora voxagora 5 août 2010 11:12

    Bonjour et merci pour cet article.

    Une question :
    Existe-t-il des gardes à vue « bidon ? »
    c’est à dire des gardes à vue pour faire peur, 
    pour fragiliser, pour l’exemple ?


    • Alpo47 Alpo47 5 août 2010 11:22

      « ... en tirer les conséquences dans le cas contraire... ».
      Voilà bien encore une expression qui va donner un large éventail d’interprétations, comprises entre ... offrir un café et ... remettre en liberté.


      • VOXPOPULI 5 août 2010 11:52

        placer un individu en garde à vue permet de faire des recherches sur son identité.
        Avec le nombre de sans-papiers circulant en France et vivant des trafics, cette mesure est juste et nécessaire.
        il faut un certain délai pour rassembler les éléments le concernant.


        • jullien 5 août 2010 18:51

          Parce que selon vous la garde à vue est réservée aux personnes sans papiers ?
          Par ailleurs, ce n’est pas le principe de la garde à vue qui est remis en cause mais la disparition de certains droits civiques (mention du droit au silence, assistance d’un avocat...).


        • celuiquichaussedu48 celuiquichaussedu48 5 août 2010 18:57

          Woaw, les français pas en GAV, mais les pas français en GAV, drôle de conception de la justice...


        • Kicéça 5 août 2010 23:38

          Importante ?
          Les mêmes pratiques continueront sous un nouvel emballage réglementaire plus abondant et plus trompeur.
          Et c’est une version optimiste, la tendance actuelle est très lourde.
          La terreur d’état est une des mamelles du nouvel ordre mondial.


          • Le péripate Le péripate 5 août 2010 23:54

            Face au Pouvoir l’individu est désarmé. Emblématique est ce non rappel du droit de se taire, et c’est particulièrement indigne.

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