Hollandie, l’autre pays du chômage
C’est entendu, François Hollande croit dur comme fer à « une inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année », et se félicite d’avoir constaté qu’aux dernières nouvelles, il y avait 20 000 chômeurs de moins…
Mais il faut regarder de plus près ces fameux chiffres.
Il ne s’agit pas de céder au découragement, mais seulement de constater que, si le travail n’est pas tout à fait mort, il est tout de même moribond, par la seule volonté de l’être humain, qui, depuis des calendes grecques, fait tout ce qui est en son pouvoir pour se faire remplacer par des machines, de plus en plus sophistiquées, et de plus en plus efficaces.
La production a fatalement augmenté, mais comme les travailleurs ont été remplacés par des machines, ces derniers ne peuvent plus consommer autant, provocant la mévente des produits fabriqués, de plus en plus de faillites, et de plus en plus de chômage.
Notre nouveau président s’est donné comme objectif « d’inverser la courbe du chômage », ce qui d’abord, s’il faut en croire Etienne Klein, ni linguistiquement, ni mathématiquement, ne veut rien dire, supposant que cette expression fraîchement utilisée n’est que le fruit sorti du cerveau fertile des communicants habiles de l’Elysée. lien
On devine tout de même le concept que veut nous faire comprendre le nouveau président : il ne s’agirait pas d’arrêter la progression du chômage, mais surtout de la freiner, ce qui n’est évidemment pas la même chose, sauf qu’il faut se mettre d’accord sur la méthode de calcul.
Prenons la situation allemande, citée par de nombreux observateurs comme exemplaire, puisque le chômage a été brusquement divisé quasi par 2.
Les allemands ont-ils pour autant résorbé la misère ?
Justement pas…cette brusque chute du chômage chez nos voisins d’outre-Rhin n’est due qu’à l’application des lois Hartz, lois imaginées par le très socialiste Gerhard Schroeder, et appliquées par la chancelière allemande. lien
Ces lois obligent les chômeurs à accepter n’importe quel emploi, même le plus précaire, même le moins bien payé : certains ne sont payés qu’un euro de l’heure, ce qui devrait changer bientôt, puisque la chancelière allemande a été obligée d’accepter de fixer un smic à 8,50 €. lien
Toujours est-il que quasi du jour au lendemain le nombre de chômeurs qui était en 2005 de l’ordre de 5 millions a fondu comme neige au soleil, mais la misère a continué sa progression. lien
En effet, le problème auquel se confrontent de nombreux européens n’est-il pas d’abord de faire reculer la misère, plutôt que « d’inverser la courbe du chômage » ?
Mais revenons en France : l’inversion improbable de cette fameuse courbe a fait l’objet de la réflexion de l’économiste Jacques Sapir.
Il rappelle que les chiffres publiés récemment correspondent aux « demandeurs d’emplois », mais pas à celui du « nombre de chômeurs », car un certain nombre d’entre eux peut très bien ne pas s’être inscrit, voire avoir été radié des statistiques.
En effet, le léger ralentissement du nombre de chômeurs est aussi du en partie du à l’augmentation des radiations qui dépassent depuis cet été les 50 000 par mois…ce qui relativise les « bonnes nouvelles ».
Il rappelle aussi qu’il y a 5 catégories de chômeurs allant du A au E, et que chacune de ces catégories ne répondent pas aux mêmes critères.
Alors que dans les 1ère, 2ème et 3ème catégories, les demandeurs d’emplois sont tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, dans la dernière et l’avant dernière des catégories, ce n’est pas le cas.
Or si la catégorie A a effectivement légèrement diminuée en octobre 2013, les 3 premières catégories ont bien continué d’augmenter.
C’est le problème des statistiques… on peut leur faire dire tout et son contraire.
L’économiste fait donc le constat « qu’il est faux de prétendre qu’il y ait eu une quelconque inversion de la courbe en ce qui concerne les chômeurs au sens habituel du terme ».
Il ajoute : « c’est bien à une véritable « marée noire » du chômage et du quasi chômage que l’on est confronté et il n’y a aucun signe d’un renversement de cette tendance. Le nombre des chômeurs a augmenté en réalité de 0,28% en octobre, et le nombre des quasi chômeurs de 3,5% ». lien
En fait le chiffre total des chômeurs atteint aujourd’hui les 5,5 millions de personnes comme on peut le constater sur ce graphique.
Voila qui n’est pas une bonne nouvelle pour notre nouveau président, et rien ne laisse espérer une réelle amélioration sur le fond, même si la stratégie « des emplois aidés » puisse faire illusion quelques temps.
De toute façon, ces emplois aidés qui devaient atteindre le chiffre de 540 000 d’ici la fin de l’année, s’il faut en croire Michel Sapin (lien), viennent à peine de passer la barre des 100 000, et le coût de cette mesure pèse lourd dans le budget de l’état, puisqu’il dépasse les 3 milliards d’euros. lien
Mais au-delà de la France, la question de la progression du chômage, et donc de celle de la misère touche toute l’Europe puisque près de 17% des européens vivent sous le seuil de pauvreté,
L’Allemagne, malgré les sacrifices consentis par les classes les plus pauvres, n’est pas épargnée, avec un taux de pauvreté de15,8%, dépassé par le Royaume Uni (16,2), la Pologne (17,7), le Portugal (18), l’Italie (19,6), la Grèce (21,4), la première place peu enviée revenant à l’Espagne avec un taux de 21,6%...
La France et la Belgique sont un tout petit peu mieux placées que l’Allemagne, et la Norvège est le pays qui s’en sort le mieux, avec tout de même plus de 10% de la population. lien
De plus il faut préciser que ces chiffres sont faussés car le seuil de pauvreté fixé en Grande Bretagne n’est pas le même que celui qui est estimé en Espagne…
Or, rien ne permet de penser que la situation puisse s’améliorer dans les années qui viennent, et si l’Europe prenait, pour commencer, des décisions pour limiter les écarts entre les salaires élevés et les plus bas, il est probable que cela réduirait le nombre des plus pauvres, en rétablissant une meilleure égalité dans les salaires d’autant que le chef de l’état français s’est engagé à appliquer un barème de 1 à 20, alors qu’aujourd’hui certains salaires sont de 357 fois le smic (lien), ce qui pose la question de l’application de la mesure : sera-t-elle l’occasion de relever les bas salaires tout en baissant les plus importants, ou seulement de faire baisser les plus gros salaires, pour le plus grand profit de l’entreprise, ce qui, dans ce cas, ne résoudrait pas le problème du chômage et de la misère.
Aujourd’hui l’une des rares mesures qui pourrait résoudre en grande partie cette situation dramatique serait d’appliquer le Revenu de Base, mesure pour laquelle une initiative européenne a été lancée, et ne rencontre pas pour autant un succès délirant. lien
Et pourtant l’économie européenne aurait tout à y gagner : en assurant à chaque citoyen un revenu décent, on en ferait autant de consommateurs, aptes à relancer la croissance, et à résoudre définitivement la question du chômage.
Utopique, impossible à financer, immoral…sont les qualificatifs entendus chaque fois que cette mesure est évoquée.
Et pourtant…
Immoral ? N’est-ce pas immoral de laisser 121 millions d’européens survivre avec un revenu inférieur au niveau de pauvreté, (le ¼ de la population) ou de donner à chacun la possibilité de sortir la tête de l’eau ? lien
Non finançable ? lien
Il s’agit bien sur d’une somme considérable : 470 milliards d’euros afin d’assurer 1000 euros à chaque citoyen français, qu’il travaille ou non, et sans contrepartie. lien
D’une part, il faut avoir à l’esprit que ce RdB vient en remplacement à toutes les aides sociales en vigueur aujourd’hui, du RSA aux allocations familiales en passant par les, allocations logement, etc…il faut aussi savoir que le modèle de protection sociale français coute 435 milliards d’euros pour les seuls régimes de base. lien
Aujourd’hui, un couple avec 2 enfants habitant en région parisienne, sans emploi, peut théoriquement recevoir 1717 € en cumulant toutes les aides possibles. lien
La récupération des 80 milliards d’euros constituant l’argent de la fraude fiscale pourrait participer au financement de cette mesure. lien
Ajoutons les 100 milliards d’euros qui représentent le surcoût annuel du capital tout à fait injustifié et qui pourrait financer en partie le RdB comme l’explique attac sur ce lien.
D’autre part le RdB permettrait une économie importante puisqu’il provoquerait la disparition de Pole Emploi, et d’un certain nombre de fonctionnaires (ils sont 7 millions dans notre pays), ce qui représente une masse salariale importante à la charge de l’Etat. lien
Ensuite, il est évident que les patrons seront mis à contribution, puisque les salaires versés seraient diminués du montant du RdB. lien
Ne pas décider choisir cette direction c’est se préparer à aller dans le mur, et comme dit mon vieil ami africain : « qui sème la misère récolte la colère », Godfrey Bloom député européen ajoutant : « les gens vont vous pendre et ils auront raison ».
L’image illustrant l’article provient de « les-etats-d-anne »
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
Articles anciens
1000 € pour tous…utopie ou nécessité ?
A voir le film « le revenu de base » de Daniel Häni et Enno Schmidt
66 réactions à cet article
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