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Accueil du site > Actualités > Politique > Justice sociale : une coquille vide ?

Justice sociale : une coquille vide ?

« Justice sociale », une expression qui revient à tout bout de champ dans les discours politiques, surtout ceux de gauche. Une de ces expressions qui comme « libéralisme » ou « ultralibéralisme » a perdu son sens, elle est utilisée un peu partout sans qu’on prenne le temps de s’y attarder. Pourtant s’y attarder sera nécessaire, et encore plus pour un Parti socialiste en quête de renouveau.

« Justice sociale », une expression qui revient à tout bout de champ dans les discours politiques, surtout ceux de gauche. Une de ces expressions qui comme « libéralisme » ou « ultralibéralisme » a perdu son sens, elle est utilisée un peu partout sans qu’on prenne le temps de s’y attarder. Pourtant s’y attarder sera nécessaire, et encore plus pour un Parti socialiste en quête de renouveau.

Qu’est-ce-que la justice sociale ? Et par opposition l’injustice sociale ? Il s’agit de l’accès « juste » pour chacun aux différentes richesses : financière, certes, mais aussi l’éducation, la culture, la santé, voire même la sécurité.

La vraie question se situe plutôt au niveau du mot « juste ». Va-t-il de soi que la notion de « juste » ou de « justice » n’est pas universelle ? Qu’il y a lieu de sentiment personnel, de choix individuels ou de société, qu’il y a donc lieu de débat ? Peut-être pas, tant le débat semble complètement inexistant, qu’on affirme que telle mesure va dans le sens ou non de plus de justice sociale.

Et pourtant, normalemen, les clivages gauche-droite se situent bien dans cette question-là de justice sociale, non pas que certains seraient pour l’injustice sociale et d’autre pour la justice sociale, mais que cette notion est variable suivant les cas.

Essayons d’analyser les différents points de vue qui existent en la matière.

  1. La justice sociale est que chaque individu ait de quoi vivre et se loger dignement, simplement car il est humain.

  2. La justice sociale c’est l’égalité, tout le monde doit avoir le même salaire, le même accès aux soins.

  3. La justice sociale, c’est de récolter les fruits de son travail, seul le travail mérite salaire.

  4. La justice sociale c’est la méritocratie, c’est d’avoir un salaire en fonction de ses compétences.

  5. La justice sociale c’est d’avoir une part de richesse en fonction des richesses qu’on crée dans la société, que ce soit par le travail, une prise de risque, un investissement, une idée originale.

  6. La justice sociale c’est aussi de bénéficier du travail dur de ses parents, de ses ancêtres.

  7. La justice sociale c’est quand les plus pauvres peuvent vivre dignement, s’ils y mettent de la bonne volonté, quelles que soient les richesses des autres.

Toutes ces propositions ne sont pas forcément compatibles entre elles, et chacun voudra mettre une dose plus importante de chaque proposition. Cela donnera un objectif politique, à partir de cet objectif, on pourra déterminer les moyens pour y arriver.

Il doit être normal de pouvoir se poser la question de la justice sociale sans idée préconçue, et sans tabou. Prenons quelques cas particuliers.

L’impôt sur le revenu est déclaré « juste » parce que progressif. Il est juste parce qu’il réduit la rapport entre les plus pauvres et les plus riches. Cela sous-entend que les différences de revenus sont à la base injustes, et que l’impôt sur les revenu tend à plus de justice. Il serait intéressant de se poser la question suivante : Dans un monde « juste » quelle est la différence de salaire entre un cadre et un ouvrier, entre un chef d’entreprise et un ingénieur, entre un chanteur et un boulanger, entre un Zidane et un ministre ? Question bien complexe, on peut comme une extrême gauche penser que il ne doit pas y avoir de différence et que tout le monde doit avoir le même revenu. Auquel cas l’impôt sur le revenu ne sera juste que s’il est total.

On peut aussi imaginer qu’il y ait des différences normales, justes, reflétant des différences de mérite. Dans ce cas, il y a un seuil où la justice sociale n’est plus d’augmenter la portée de l’impôt sur le revenu. On peut aussi considérer que la répartition des richesses n’est pas plus juste avant ou après l’impôt, mais que la répartition est nécessaire à la cohésion sociale à l’unité du pays, il s’agit de fraternité et non de justice. On peut enfin considérer que l’impôt sur le revenu est fondamentalement injuste car 50 % de la population ne le paye pas, et qu’il confisque au-delà du raisonnable de l’argent mérité et gagné honnêtement.

Le RMI est un autre exemple du genre, ou différents points de vue peuvent s’opposer, certains estimant que c’est de la simple justice sociale, d’autres trouvant que c’est plus de la solidarité que de la justice, d’autres encore (et souvent parmi les plus modestes) y voyant une forme d’injustice que de voir certains obtenir de l’argent sans travailler.

C’est un exemple qui est là pour montrer que la notion de justice sociale est bien une question d’idéologie politique et qu’il s’agit bien là d’en débattre. Il faut être capable de définir sa propre notion de justice sociale. Et ensuite y trouver les politiques qui permettent effectivement de s’en approcher.

La gauche française a fini par confondre objectifs et moyens, a décrété que certaines politiques étaient intrinsèquement des politiques de justice sociale sans s’occuper du résultat. Un peu comme si après avoir découvert qu’une recette de gâteau manquait de sucre, on se contentait d’ajouter toujours plus de sucre sans plus jamais gouter le gâteau, et sans se rendre compte qu’il est devenu trop sucré.

Symptomatiquement, la carte scolaire est affirmée comme l’outil de mixité sociale dans les écoles. Que le résultat ne soit pas au rendez-vous ne semble perturber personne. Ce n’est que quand certains parlent de la supprimer qu’on commence à admettre en reculant qu’elle n’est pas parfaite et qu’il faut la retravailler.

L’augmentation du smic est aussi quelque chose de forcément positif, en oubliant qu’elle peut aussi créer du chômage ou des délocalisations.

La création de logement sociaux est vue comme un facteur de mixité sociale même quand le taux de logements sociaux est de plus de 70 %.

Les 35 heures sont un exemple flagrant aussi, partant du constat que passer à 40 puis 39 heures fut une avancée sociale, il est devenu une sorte d’idée simple que baisser la durée du temps de travail allait forcément dans le sens de plus de justice sociale et on entend d’ailleurs des voix réclamer les 32 heures.

Cette absence de réflexion de fond conduit le Parti socialiste à ne proposer que plus de ce qu’il a fait avant, donc plus de logements sociaux, smic plus élevé, plus d’aide sociale, généralisation des 35 heures, etc.

C’est en acceptant d’avoir un débat idéologique sur la notion même de justice sociale, en remettant les choses dans l’ordre, en arrêtant de croire que tous les électeurs de la droite ont, soit été escroqués, soit choisi un programme d’injustice sociale, que la gauche pourra revenir avec un vrai projet de société nouveau à proposer au peuple.


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5 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 13 juin 2007 11:41

    Ou est la justice sociale quand les socialistes étaient au pouvoir ?

    Ce mot à souvent été employé au PS pour justifier des politiques réactionnaires comme la mise en place des 35h avec l’annualisation du temps de travail et des contraintes horaires (surtout pour les salariés des entreprises en 7jour/7 et 24h/24)et le blogage des salaires que cela à entrainé

    Justice sociale est un concept à reconstruire


    • jakback jakback 13 juin 2007 12:27

      La justice sociale, sert a beaucoup de bouclier a leurs propres faiblesses.


      • La Taverne des Poètes 13 juin 2007 15:58

        Plutôt que de parler de justice sociale qui est l’idée du PS et qui consiste à rechercher toujours plus de justice et à financer de manière croissante des dispositifs lourds (ces dispositifs finissant par une débauche de moyens pour un maigre résultat car il y a un point où le rendement entre moyens investis et les résultats obtenus est quasi nul et donc l’individu au bout de la chaîne ne vot rien venir sinon une allocation comme un moyen commode pour l’Etat de se débarrasser de son problème), je préfère parler de citoyenneté respectée (dans ses trois composantes : politique, économique et sociale), d’équilibres, d’égalité des chances, d’ouverture aux autres aussi.

        Je ne crois pas que la justice sociale passe par le doublement systématique de l’allocation de rentrée scolaire, l’augmentation importante du SMIC ni par l’« ordre juste » consistant par exemple à faire accompagner chaque femme policière chez elle tous les jours par deux collègues (quelle débauche de moyens ! Quel délire !). Je crois à d’autres solutions...

        En tout cas la solution n’est pas non plus dans l’augmentation de 5 points d’une TVA déjà écrasante pour les plus pauvres, ni par un paquet cadeau fiscal aux riches, ni par l’arrêt systématique aux frontière des immigrés qui ne peuvent justifier de revenus supérieurs au SMIC.

        Bref je suis pour un juste centre. smiley


        • etarcomed 13 juin 2007 22:54

          Encore faut-il définir ce « juste » milieu ou « juste » centre, comme vous dites. Et si possible ne pas définir le milieu comme le milieu entre deux extrèmes, ce qui reviendrait à laisser aux extrèmes de définir le milieu.

          Il faut au contraire trouver le bon équilibre entre le possible, l’efficace, le souhaitable. Pour cela il faut savoir ce que l’on souhaite vraiment. Et il faut aussi accepter que l’équilibre puisse changer régulièrement (et pas forcément toujours dans le même sens).


        • poetiste poetiste 15 juin 2007 09:38

          Besoin d’un dieu, ou simple justice ?

          Que peut attendre celui qui croit en un dieu ? Que celui-ci lui rende au centuple ce qu’il a fait pour ce dieu hypothétique. Je dis bien : « hypothétique » car il y a autant de dieux que d’hommes et de femmes. Un dieu, c’est très personnel et chacun n’en fait pas le même usage. S’il y a un prétexte fallacieux à toutes nos actions, bonnes ou mauvaises, c’est bien de les imputer à un dieu de notre imagination. Mais foin des guerres de religions, cette idolâtrie d’un dieu subjectif proche de l’ego ne concerne pas uniquement les hommes de religion. On a vu l’athéisme élevé au rang d’une religion nationale dans l’ex URSS et la guerre de religion n’a rien à envier à l’horreur d’un procès de Moscou ou aux goulags, par exemple. On est toujours idolâtre de quelque chose car, comme les berniques, il nous faut bien nous attacher quelque part. L’arriviste qui ne croit qu’en lui-même se donne le rôle d’un dieu, il lui faut donc impérativement des adeptes, et il en trouve car il donne réponse à une telle frustration spirituelle que celui-ci peut jouer ce rôle ; un ersatz de dieu, en quelque sorte. Les adeptes ne savent pas que ce dieu dévore ses enfants, ou ils font semblant de l’oublier. Il y a donc une grande pluralité de dieux prêts à satisfaire en partie le tropisme humain de l’idolâtrie. En notre douce France catholique apostolique et romaine, nous disposons d’un dieu qui aurait dit : « Ce que vous faites à ces plus petits, c’est à moi que vous le faites ». Cette phrase ancrée dans le subconscient des Français doit être à l’origine de la promulgation des droits de l’homme par les Montagnards, qui montraient de suite la difficulté de l’appliquer strictement. On s’éloigne très vite de trop belles dispositions sociales car deux autres dieux jumeaux sont toujours à l’affût : le pouvoir et l’argent. Le dieu du pouvoir et de l’argent est élu, en notre belle France. Nous dira t’il : « Ce que vous faites à ces plus grands, c’est à moi que vous le faites » ? Il a joué sur la peur et sur les promesses pour arriver à ses fins contrairement au dieu de la Bible qui a misé sur le courage, la participation et l’amour. Bon ! Ne confondons pas la candeur de l’homme de foi et le politicien ; ils ne sont pas du même monde. Si tout va mal chez nous, c’est que nos dieux (ou nos idolâtries), ne sont pas à la mesure de nos espérances d’une France meilleure. Il existe un parti dit : « socialiste » censé faire aux plus petits ce que le dieu de notre culture voudrait pour lui mais ce parti le crucifie autant que celui de la droite. On se refile la croix qui brûle : du social, du partage avec les plus petits, vous n’y pensez pas ! Quand on s’est donné l’identité d’un personnage important, on reste dans cette illusion, on ne regarde plus en face la pauvreté, la réalité de l’autre ; elle finit par nous faire peur. Est-il besoin d’être initiés pour savoir que les faux dieux gagnent beaucoup de pouvoir et d’argent ? Les dieux du stade, les dieux du tennis, les dieux de l’industrie aux parachutes en or et toute une multitude d’autres dieux voulant se hisser au dessus de la mêlée, les acteurs, les miss, les producteurs de télé et j’en passe. Dans de telles conditions, le désir d’une France meilleure ne peut que se fourvoyer ; le sauveur n’existe pas. Si notre formule favorite est : Chacun pour soi et dieu pour tous », alors, que chacun se sauve lui-même, la charité bien ordonnée commence par là. Choisir la participation est un acte volontaire mais au nom de quel dieu ? Au nom de l’intérêt collectif, au nom de l’amour de nos enfants. Certains pensent qu’il existe un dieu « amour ». Si c’est vrai permettez-moi de lui accoler une majuscule. Je dirai donc le Dieu Amour. C’est une bonne étoile, une utopie, un rêve. Mais c’est l’utopie ou la mort comme disait René Dumont, cet homme de bonne volonté. Qu’une certaine victoire soit dans le for intérieur de chacun plus que dans un match de foot ou une élection présidentielle et la France sera sauvée : il n’y aura plus de chômeurs, plus d’exclus, plus de mendiants dans les rues. Comment peut-on en être arrivés à rêver d’une aussi simple justice ?

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