L’ennemi en politique
Attention, texte fortement inspiré par une chronique de la haine ordinaire de Pierre Desproges sur l'ennemi en temps de guerre. Desproges qui s'inspirait lui-même souvent d'Alexandre Vialatte qui s'inspirait de la Bruyère et la Fontaine qui avait tout pompé sur Ésope qui lui-même avait volé les fables bien connues à son beau-frère, anecdote méconnue des critiques et exégètes littéraires. Maintenant vous voilà à égal avec le saint des saints de la culture française, amis lecteurs.
Je précise aussi qu'il y a un zeste de dérision dans ce texte mais mes lecteurs ne sont pas des idiots et l'avaient compris. En ces temps où le déplorable esprit de sérieux domine tout, la gravité étant le bonheur des imbéciles, elle est indispensable.
Donc, l'ennemi en politique est très différent de vous et moi, enfin surtout de moi et c'est le plus important il faut avouer, il a deux bras, deux jambes, une tête et – théoriquement - un cerveau dedans. Et l'ennemi politique ne pense pas comme moi. Pour lui, quel imbécile, l'ennemi en politique c'est aussi vous et moi, surtout moi, si vous et moi ne pensons pas rigoureusement comme lui, ou comme moi, bien entendu. Et réciproquement ajouterais-je afin de clarifier mon propos...
Il convient très vite de s'injurier lors d'échanges politiques, on ne discute pas avec quelqu'un ne pensant pas comme vous, c'est forcément un fasciste, un hypocrite, un malveillant, un nostalgique des ordres noirs, un stalinien, un gauchiasse, un méchant...
L'ennemi en politique pour se justifier (quel sournois !), voire parfois il en est fermement convaincu, prétend incarner le Bien pour l'Humanité qui de toute éternité n'en demande pas tant. L'Humanité parfois aimerait bien que tous ceux qui veulent son Bien s'occupent d'autre chose, comme par exemple du jardinage ou de la peinture sur soie, activité qui détend les nerfs. Il est précisément comme tous les anciens croisés et révolutionnaires, tout aussi partial, dogmatique, arbitraire et se privant donc de l'opinion d'une bonne partie de ses semblables.
Mais quand on ne pense pas strictement comme lui le voilà inquisiteur ou grand-prêtre de Baal ou de Quetzalcóatl. Je cite ce dieu car avec lui c'était simple, si on ne le révérait on finissait en haut d'une grande pyramide éventré le cœur encore battant offert en sacrifice afin d'apaiser son courroux. Il ne faut surtout pas stigmatiser cette pratique culturelle différente de la nôtre, qui serions-nous ?
Comme ce sont des ennemis, il ne va tout de même pas les écouter, pendus haut et court, fusillés à l'aube dans les stades et les cours des prisons, égorgés au réveil, il faut ce qu'il faut pour assurer le bonheur universel. Ici, curieusement, l'ennemi en politique ne voit pas que son désir de tuer celui d'en face est contradictoire avec son humanisme maintes fois affirmé pour se justifier. Lui aime tout le monde, lui ne veut que le meilleur pour les autres, pour lui il demande juste quelques compensations bien légitimes à ses yeux...
L'ennemi en politique d'un bord ou de l'autre ne semble pas avoir saisi que les maîtres de ce monde s'amusent beaucoup en lisant ses diatribes enflammées, en suivant les polémiques ravageuses qu'il lance sur internet. Parfois il croit démasquer les pouvoirs occultes, on dit alors qu'il met la main occulte, et délire un peu plus ce qui permet aux puissants de carrément se rouler par terre et continuer à jouer la comédie devant nous ainsi qu'à Guignol au jardin du Luxembourg (je « vous parle d'un temps que les moins de vingt etc... » ).
On comprendra que j'ai des légers doutes sur le militantisme politique, enfin celui qui a des œillères mais également sur l'adulation excessive envers des leaders qui assis sur le plus haut trône ne le serait que leur Q...
Sic Transit Gloria Mundi, Amen
Amaury – Grandgil
illustration empruntée ici
Dessin de Tomi Ungerer au musée de Strasbourg
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