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L’éternel procès de la Ve République

Laurent Fabius a qualifié la Ve République de « monarchie présidentielle » pour discréditer ses institutions. Laurent Joffrin a parlé de « monarchie élective ». Montebourg, ardent défenseur d’une VIe république, d’une « dérive monarchique ». Un sénateur communiste va même plus loin, fustigeant la « démocrature ». Lequel a raison ? Lequel pense aller le plus loin ? Tous, et aucun à la fois.

Il faut savoir que ce procès est vieux comme la Libération. En 1946 déjà, de Gaulle fait face aux grands partis qui veulent promouvoir un régime d’assemblée. Ce sera la IVe République. Isolé, de Gaulle attend son heure. Il est convaincu que ce régime des partis et des notables est voué à l’échec. L’histoire ne met que quelques temps à lui donner raison. Dès les premiers mois, une instabilité gouvernementale chronique frappe la France. Le pays connaîtra vingt gouvernements différents entre 1946 et 1958. Le douloureux processus de décolonisation (Algérie, Indochine) viendra achever cette république tuée dans l’œuf.
C’est l’heure du Général, « le plus illustre des Français ». Comme Bonaparte et Clémenceau en leur temps, il est l’homme providentiel, l’homme de la nation. Dès 1958 pourtant, celui qui veut instaurer une « monarchie populaire » pour régler « un problème vieux de cent soixante-neuf ans » est vu comme un dictateur ou un fasciste (les communistes, Mitterrand...). Ainsi donc, les Montebourg, Joffrin et Fabius n’ont rien inventé.
L’histoire semble se répéter, à juste titre. Avec la fin des Trente glorieuses et les alternances à répétition à partir de 1981, le pouvoir présidentiel se délite. Celui-ci est tantôt ombragé par un Premier ministre fort d’une majorité parlementaire qui ne coïncide plus avec la majorité présidentielle (trois cohabitations entre 1986 et 2002) et tantôt dilué par la globalisation financière (FMI, banque mondiale...) et par l’Acte unique européen (libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux). Chaque candidat à la présidentielle fait alors des promesses dont il sait qu’il ne pourra les tenir toutes.
Durant plusieurs années, la Ve république connaît une inflexion parlementaire. Une inflexion corrigée par le tandem Chirac-Jospin en 2000. Le quinquennat annihile presque toute possibilité de cohabitation et, par des effets mécaniques, octroie au président nouvellement élu une majorité nette pour cinq ans. La primauté du président de la république était de fait restaurée.
Ni Pompidou ni Giscard d’Estaing ne viendront rompre la tradition gaulliste : ils donneront des rôles subalternes au Premier ministre (Chaban-Delmas, Chirac...). Mitterrand, l’auteur du coup d’État permanent, a-t-il changé la nature des institutions une fois au pouvoir ? Celui qui fustigeait le pouvoir personnel du Général finira par déclarer sitôt élu : « Les institutions n’étaient pas faites à mon intention. Mais elles sont bien faites pour moi ». Mitterrand, absorbé au final par l’ivresse présidentielle, ne sera pas moins gaulliste que de Gaulle dans sa façon de gouverner. Il déclarera lui-même : « Le Premier ministre et les ministres doivent exécuter la politique définie par le président de la République ».
Chirac, « l’homme qui ne s’aimait pas », sera incapable de suivre ses prédécesseurs dans cette dérive monarchique. D’abord parce qu’il ne pèsera jamais plus de 20% au premier tour d’une présidentielle. Ensuite parce qu’il n’en a pas le caractère. Vainqueur logique en 1995 d’une gauche en reconstruction, il sera élu par défaut en 2002. Ses faibles scores au premier tour, combinés à une abstention souvent élevée, ne lui offrent pas la légitimité et la marge de manœuvre de candidats rassemblant auparavant plus d’un tiers des suffrages dès le premier tour.
La rupture sarkozienne ne sera finalement qu’un retour en arrière. Et si Bayrou et les socialistes se déclarent vent debout contre « l’hyperprésident » Sarkozy, ils se trompent d’adversaire, voire d’époque. Le pouvoir politique classique du pays est effectivement rogné par Sarkozy, mais ce pouvoir est lui-même envahi par d’autres sphères de pouvoir (économique, européenne). En résumé, Sarkozy prend de plus en de place dans une bulle de plus en plus en plus petite. C’est un hypoprésident car dans un contexte de crise mondiale, d’endettement massif et de délégation de prérogatives françaises à l’Union européenne, il est probablement le président le plus faible de la Ve République.

 

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7 réactions à cet article    


  • Voris 9 décembre 2009 10:53

    Joli coup de rétroviseur mais regardons aussi l’avenir et n’oublions pas que le MoDem et le PS ont intégré une réforme importante des institutions dans leurs programmes respectifs. Car nous sommes bien dans un régime de monarchie présidentielle qui s’est aggravé avec la personnalisation du pouvoir par Nicolas Sarkozy qui ne se pose pas en chef de la nation mais en chef de parti et d’une classe sociale donnée.


    • Voris 9 décembre 2009 11:22

      « L’éternel projet de la VIème république » !


    • Massaliote 9 décembre 2009 16:35

      « tant qu’il restera des Français enracinés dans ce terroir. » Justement, ce sont ces Français qui gênent « l’élite » bien-pensante qui nous gouverne. Il y a en beaucoup trop. Donc, promotion effrénée du métissage obligatoire et de la diversité triomphante.


    • Massaliote 9 décembre 2009 16:45

      Nicolas Sarkozy a déclaré, le 17 décembre 2008, à Polytechnique, temple du mérite républicain : « L’objectif, c’est relever le défi du métissage. (…) Ce n’est pas un choix, C’EST UNE OBLIGATION. (…) On ne peut pas faire autrement. Au risque de nous trouver confrontés à des problèmes considérables. Nous devons changer (…) partout en même temps, dans l’entreprise, dans les administrations, à l’éducation, dans les partis politiques. Et on va se mettre des obligations de résultat. Si ce volontarisme républicain ne fonctionnait pas, il faudra [sic] alors que la République passe à des méthodes plus CONTREIGNANTES encore. »

      Les critères RACIAUX appliqués aux Français de souche, ce n’est pas comparable avec le nazisme ?


    • Traroth Traroth 9 décembre 2009 17:20

      « il est probablement le président le plus faible de la Ve République » : Le président est le garant de la souveraineté nationale. S’il estime qu’il ne peut pas faire sa politique, il a par contre tous les pouvoirs nécessaires pour y remédier. Il peut décider de quitter l’Union européenne, s’il le veut. S’il ne le fait pas, c’est donc qu’il ne le veut pas. Mais il est pleinement responsable de ce qui se passe. Cet article vise à dédouaner Sarkozy des lourdes conséquences de ses erreurs, j’ai l’impression...


      • Peretz Peretz 9 décembre 2009 18:16

        Il y a un problème de fond du fait de la double légitimité démocratique de nos institutions : suffrage universel direct pour la Présidence, et suffrage universel presque direct, des députés. Erreur fondamentale, dénoncée d’ailleurs par Roccard lui-même qui avoue s’être « trompé » pendant 40 ans sur le sujet ! Sans revenir à la 4ème, il serait pourtant simple et cohérent de laisser le soin de l’élection d’un Président de la République au Congrès. On aurait un système primo-ministériel comme cela se fait partout ailleurs. Sans ambiguité et mauvaise répartition des pouvoirs comme c’est le cas actuellement. Et si on allait plus loin dans la démocratie, qui théoriquement donne le pouvoir au peuple ? voir : www.citoyenreferent.fr


        • Brath-z Brath-z 9 décembre 2009 20:25

          Oui mais non. Ce n’est pas pour cela que la Vème République a été mise en place. Le président est censément la « tête » de l’état comme de la Nation. Plus qu’un « premier magistrat » de son pays, il doit être l’émanation des aspirations profondes du peuple, ainsi que leur incarnation et figure de proue. Évidemment, cette vision très bonapartiste s’est confrontée dès 1965 (mise en ballotage de de Gaulle et victoire au second tour d’une courte marge de 10% quand Mendès-France et d’autres s’attendaient à une victoire du type de celle de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848, avec 70% des suffrages dès le premier tour) à la réalité d’un peuple qui, loin d’être monolithique, reste profondément divisé entre tendances, personnes, idées, etc. Ce constat d’échec ne saurait cependant motiver un retour à l’élection indirecte du président de la République : le président n’est pas l’homme de la nation voulu par de Gaulle et autres, mais il reste - bien qu’issu d’une minorité relative - l’arbitre du régime, et son mode d’élection empêche le « régime des partis » (profondément impopulaire en France et qui ouvra la voie au « régime des experts » actuellement en place à l’échelle europe-unienne) de s’imposer.

          Quant à la répartition des pouvoirs, elle n’a rien à voir avec le mode d’élection des représentants, qu’il s’agisse des parlementaires, du président ou de toute autre personnalité d’état soumise au suffrage des citoyens.

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F_Vespier


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