L’existence économique précède l’essence, et le gaz de schiste
Même si les recherches de gaz et pétrole de schiste en France ne sont pas encore lancées, plusieurs indices laissent supposer qu’elles ne sauraient tarder. Ils questionnent la cohérence entre politique nationale et comportement des entreprises françaises.
Total et GDF déjà dans le gaz
L’IFRI a publié un document en janvier détaillant les explorations de gaz de schiste entreprises en Pologne, au Danemark et en Grande Bretagne. Dans cette étude, il est mentionné que « Total est la seule compagnie explorant le gaz de schiste au Danemark. Le groupe pétrolier a acquis deux concessions d’exploration en 2010 pour une période de six ans. […] Total est opérateur et détient 80% des parts. Les 20% restants sont détenus par la compagnie pétrolière nationale Nordsøfonden. »
Total intervient également en Grande-Bretagne où GDF Suez est déjà présent par le biais d’une participation dans la compagnie australienne Dart Energy. Le groupe a annoncé en janvier qu’il allait devenir la première grande compagnie pétrolière à rechercher du gaz de schiste en Grande-Bretagne.
De son coté, GDF a reçu en février l’autorisation du département américain pour le projet d'usine de gaz naturel liquéfié (GNL) de Cameron Parish (Louisiane), dont elle détient 16,6 %. « Pour le groupe français, c'est un retournement : il y a encore quatre ans, il était le premier importateur de GNL aux Etats-Unis, notamment grâce à son terminal flottant de Boston. Avant que la production accélérée des gaz de schiste ne rende les Etats-Unis autosuffisants, et aujourd'hui exportateurs. » Mais GDF ne se limite pas qu’aux USA, le groupe envisage une prospection d’hydrocarbures de schiste dans six pays – Allemagne, Royaume-Uni, Pologne, Brésil, Algérie et Chine.
L’appel du pied de l’IFP Energies Nouvelles
Cette semaine, les Echos ont posté une interview très intéressante du directeur de l’Institut du Pétrole Français Energies Nouvelles, Olivier Appert. Auparavant simplement IFP, l’organisme a été rebaptisé pour mettre en avant la transition énergétique. On y apprend qu’aucune prospection n’est en cours, mais que l’institut se tient à la disposition des autorités, en l’occurrence le ministère de l’écologie dont il dépend, afin d’enclencher les évaluations des réserves françaises. M. Appert décrit clairement les moyens à mettre en œuvre pour déterminer le potentiel national en gaz de schiste.
Certes, le directeur de l’IFP Energies Nouvelles est soumis aux directives du ministère, mais lui ferait-il publiquement un appel du pied s’il n’estimait pas que ce dernier puisse aboutir ?
De l’éthique entrepreneuriale
Le gouvernement, même s’il est en train de virer de bord suite aux assauts répétés de Montebourg soutenu dernièrement par Fabius pour des questions d’indépendance énergétique, n’a toujours pas autorisé l’exploration de gaz de schiste, encore moins l’exploitation sur le sol français. Les conditions économiques globales laissent penser que le changement de cap s’opérera tôt ou tard.
Cependant, avant même qu’une quelconque évolution politique se soit produite, on constate que deux géants du CAC40 procèdent comme si de rien n’était à l’exploration et l’exportation de gaz de schiste, en particulier aux Etats-Unis où les contraintes environnementales sont quasi-nulles.
Si ces comportements économiques ne choquent pas – peut-être qu’il y a suffisamment de chats à fouetter – ils soulignent l’indépendance et l’ascendance de l’économie sur le politique. Les entreprises agissent hors du cadre national et l’influencent de manière à le faire évoluer dans leur sens. Il se trouve qu’il s’agit de la même direction que celle du messie moderne : la croissance.
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