La Grogne des Officiers de Police
" … la noblesse des origines de l'institution et ses grandes missions séculaires …", " un heaume, évocateur de la chevalerie et de son code d'honneur, une forte épée portée haute, symbolisant la force de frapper sous l'autorité du souverain d'hier, de l'Etat d'aujourd'hui ; et la grenade des unités d'élite des anciens grenadiers gendarmes chargés de protéger la représentation nationale …","… « Etre militaire : c'est ne plus s'appartenir, ne plus appartenir à sa famille ; c'est appartenir à la nation ».
Fermez le ban !
Eloge suranné qui n’est pas du tout du goût du secrétaire général du syndicat National des Officiers de Police( SNOP), Dominique Achispon qui y voit « l’apologie de la Gendarmerie Nationale » au détriment de la Police Nationale, dont les membres n’auraient pas la « militarité »(sic) des gendarmes.
L‘enquête commandée aux deux parlementaires portait sur « l’évaluation des modalités concrètes du rattachement organique et budgétaire de la Gendarmerie au Ministère de l’Intérieur ». Beau sujet, de conflit sans doute, pour un groupe de 3° année de l’ENA et des élèves officiers de Saint-Cyr/ Coëtquidam. Rapport sans portée réelle vraisemblablement, comme très souvent, mais qui, néanmoins semble avoir vexé nos policiers et particulièrement les officiers.
Des griefs qui montrent une fois de plus la maladresse des réformes.
Dans la gendarmerie, les carrières sont comparables à celles de la police nationale surtout au bas de l’échelle.
On se doit désormais de rappeler que, dans ces deux services publics et peut-être de façon plus marquée dans la police, le recrutement n’est plus celui de l’après-guerre et même plus celui des « Trente Glorieuses ». Nombreuses sont les recrues de base largement sur-diplômées ( bac + n) au regard des qualifications requises pour participer aux concours.
C’est plus vrai encore pour ce qui concerne les officiers de police qui n’ont pas tous la vocation impérieuse. Souvent nombre d’entre eux ( bac + 5 et mieux encore) présentent de nombreux concours de l’Administration, comme celui de conservateur de musée ou de bibliothèque, de la Magistrature, des Douanes, de l’Education Nationale et bien sûr de la Police où, par exemple, les « recalés » de l’oral du concours de commissaire sont admis à l’école d’officier. On imagine alors les disparités de dispositions intellectuelles et politiques.
Du côté de l’armée, les écoles militaires offrent aussi des opportunités dans plusieurs disciplines mais le plus souvent, dès la fin des études secondaires, ce qui implique un choix plus déterminé. « Militarité » alors ?
A-t-on oublié qu’au sein de la « Grande Muette », les gendarmes ont rompu la tradition en manifestant en tenue et armés en 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin.
Quelques données utiles : 100 000 policiers pour 80 000 gendarmes mais les militaires ne traitent que 30% de la délinquance avec seulement 20% des gardes à vue mais sans doute plus de « garde-à-vous », militarité obligeant ! C’est à dire, au-delà de la blague, que les missions militaires seraient cause de cette disparité.
Bien sûr, on comprend alors, de l’autre côté, cette grogne des policiers qui accompagne une série de revendications appuyées sur l’exposé des avantages de la gendarmerie sur leur corps et aussi sur la dénonciation de certaines incohérences.
Les militaires veulent conserver leur statut tout en bénéficiant de celui des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Là encore la « fusion » mal préparée et sans doute bâclée, pose d’innombrables problèmes et les policiers acceptent mal cette double appartenance dans les conditions actuelles que le rapport parlementaire entend conserver.
Ils justifient cette réticence par le peu de missions militaires qui incombent à la gendarmerie, soit 1,5% des missions en 2010 en prenant en compte la garde des palais de la nation.
Lettre au Premier Ministre.
Pour ces deux catégories d’agents de l’Etat, la fonction est strictement identique, mais le SNOP fait remarquer dans une lettre au 1°ministre, en date du 17 août dernier qu’un gendarme coûte globalement 30% de plus qu’un policier ; qu’un officier de gendarmerie, sur une carrière de 25 ans, bénéficie d’une rémunération de 152 000 euros supérieure à celle d’un officier de police et on ne tient pas compte de l’avantage logement et des dispositions très favorables pour la retraite. Remarquons en passant qu’on s’adresse directement au premier ministre. Mais quel autre ministre choisir ? Celui de l’Intérieur ou celui de la Défense ? Allez, copie aux deux et peut-être au président aussi.
Avec force, le secrétaire général s’indigne de cette absence d’équité. On avait parlé de parité et aujourd’hui même d’économies !.
Il en profite pour évoquer certains aspects « doublons », coûteux pour le contribuable, de la fusion incomplète des deux corps, à double chaine hiérarchique ( préfet et autorité militaire).
Ainsi, on a maintenu dans certains services identiques, deux logiciels de rédaction de procédures différents ou encore, on a oublié de mettre en place un même outil statistique. Et on parlait toujours de parité et d’économies ! Et d’autres approximations hâtives de la même eau !
Dominique Achispon conclut sa missive par une menace à peine voilée : « Il serait regrettable que le rapport des deux parlementaires fragilise le dialogue social récemment rétabli et conduise les policiers en général et les officiers en particulier, à exprimer sous d’autres formes leur mécontentement ». Chiche !*
Dire que le ministre de l’Intérieur Sarkozy les a tant aimés et choyés, jadis !
Le président Sarkozy saura-t-il prévenir cette fronde possible et guérir nos flics de ce désamour qui ne fait que s’ajouter aux autres ? Il a peu de temps et encore moins d’argent .
Mais sait-on jamais ? Si comme pour les parcs à thème, quelque Raffarin frondeur intervenait vigoureusement pour soulager le déficit ? Et qui pour les enseignants en colère ? Qui encore pour tous ceux qui se sentent « surtaxés » ? Beaucoup d’anciens premiers ministres devraient trouver là des sujets de faire-valoir, le président étant si attentif à présent.
Antoine Spohr.
(article paru sur Médiapart)
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