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La réémergence de l’archaïsme politique en Europe : vers un test français

Nous Européens avons été au XXe siècle, d’est en ouest de notre continent, les acteurs de terribles tragédies historiques commises au nom de la modernité alors qu’elles n’étaient en fait que l’expression contemporaine de l’archaïsme le plus ancestral. Cet archaïsme ressurgit partout actuellement en Europe, et la France est loin de faire exception.

Répression, brutalité, mensonge, manipulation, extermination, conflit, division, terreur, arbitraire... se sont habillés des plus beaux atours, d’abord camouflées sous des termes en apparence anodins ou positifs comme sécurité, modernisation, sincérité, vérité, protection, progrès, libération, identité, efficacité ... jusqu’à ce que leur vraie nature se révèle : cet étrange mélange de folies individuelles et collectives.

Hitler, Staline, Franco, Pétain, Mussolini, et quelques autres en ont été les figures de proue, tandis que les peuples s’embarquaient divisés, avec ferveur ou au contraire avec effroi, dans l’aventure que la folie de ces chefs avait programmée.

Cet archaïsme ressurgit partout actuellement en Europe, et la France est loin de faire exception. Comme l’avait écrit en 1998 Europe 2020 dans son fameux scénario, republié sur Agoravox fin 2005, intitulé « UE 2009 : quand les petits-fils d’Hitler, Franco, Pétain, Mussolini et Staline prendront le pouvoir », plus nous nous éloignons de 1945, plus les archaïsmes qui avaient dominé la période précédente reprennent du « poil de la bête ». Et ne nous y trompons pas : quand l’époque est mûre, l’apparence de l’archaïsme le plus dangereux est toujours celle de la modernité la plus contemporaine. Ne cherchez donc pas les hommes en uniforme friands de défilés militaires (ils viendront plus tard), mais surveillez bien les discours gestionnaires ronflant d’efficacité, les « valeurs » portées en bandoulière, le recours à la « science » pour légitimer les convictions morales, les rengaines d’histoires à faire peur à l’« honnête citoyen », et les prétentions à protéger tout le monde de tous les dangers.

Ces « archaïques » en costume moderne ne sont certes pas toujours faciles à débusquer car ils sont toujours le fruit d’une époque où ces thèmes font florès. Mais si l’on ouvre bien les yeux, on les identifie rapidement car ils sont toujours à la manoeuvre dans la même direction : diviser, contraindre, empêcher, effrayer... Faisons ainsi un petit tour des formes que peut prendre cet archaïsme européen en pleine résurrection.

L’archaïsme, c’est notamment quand la figure du chef, sa volonté, sa folie éclipsent l’esprit, l’aptitude à réfléchir, le sens du discernement du citoyen qui éteint ses inquiétudes et se persuade que le « chef » ne mettra en oeuvre de son programme annoncé que ce qui est « bien » et qu’il laissera tomber ce qui est « mal », que « ces éléments négatifs ne sont ajoutés au discours que pour permettre au chef la conquête du pouvoir, pour qu’il séduise les autres, ces incultes et ces idiots dont il a besoin pour obtenir sa majorité ». C’est ce que pense le citoyen « raisonnable » qu’emporte l’émotionnel et la quête du chef, convaincu qu’il est que l’inculte, le myope, l’idiot, le manipulé, c’est forcément l’Autre...

L’archaïsme, pour un leader, c’est aussi confondre le passé et l’avenir, croire que les rêves d’hier sont les vérités d’aujourd’hui ou de demain, recourir à des concepts et des valeurs qui sont déjà en train de sombrer dans l’Histoire, se soumettre à des pouvoirs déjà éteints, transformer la poursuite de ses rêves d’adolescents en une vaste quête collective, et penser que sa propre imagination limitée est en mesure à elle seule de refléter les aspirations d’une société complexe.

L’archaïsme, pour un citoyen, c’est aussi l’absence d’analyse du discours, c’est laisser son cerveau reptilien l’emporter sur son cortex, c’est refuser de voir les incohérences, c’est accepter que blanc soit noir, c’est abandonner la recherche des causes et des conséquences, c’est croire au miracle sans se poser la question de la foi, et c’est croire que puisque le chef a besoin de toujours plus de pouvoir pour réussir, il faut bien abdiquer de sa propre capacité à demander des comptes.

L’archaïsme, pour un corps social, c’est quand ses élites intellectuelles et politiques abdiquent leur responsabilité d’ « éclaireur » de la collectivité et la transforment en une quête de préservation de leurs propres privilèges, quitte à faire oublier tous les signaux qui devraient leur faire prendre un autre chemin pour leur peuple. C’est quand la figure du « petit chef », du « caporal » s’impose peu à peu pour remplacer celle du pédagogue, « petit chef » qui perçoit tout sous la forme de rapports de forces et qui vit dans un monde à deux dimensions, le « haut et le bas », nul horizon, nulle transversalité dans sa conception de la vie ou de la société : il commande à ses « inférieurs » et il prend ses ordres de ses « supérieurs » ; il n’a pas vraiment d’égaux ; il n’a que des compétiteurs ; en fait il est tout le temps « sous pression » et projette son angoisse dans la fermeté de son encadrement ou la brutalité de la mise en oeuvre de son action.

L’archaïsme, pour des élites gestionnaires, c’est se persuader que gérer un pays c’est comme gérer une entreprise. C’est ignorer l’aspect multidimensionnel d’une société contemporaine préférant la résumer à la logique unidimensionnelle de la croissance du profit. Et avec cette simplification abusive, ces élites gestionnaires imaginent le « pire » en pensant à la faillite d’une grande entreprise, alors que c’est le type d’évènement que l’Histoire ne retient même pas. C’est la faillite simultanée de mille sociétés de grande taille qui peut s’approcher de ce que « pire » signifie en politique : la division d’un pays, son éclatement politique et social, voilà de quoi se nourrit l’Histoire, voilà ce qui fait des morts par milliers ou par millions et qui demande des décennies pour être réparé (quand cela est seulement possible). Le « manager » a autant de compréhension de l’Histoire qu’un lieutenant sur un champ de bataille ; et c’est cette incapacité à comprendre la complexité d’un pays et de sa gestion qui rend possible la fascination des élites gestionnaires modernes pour l’archaïsme politique qui lui aussi vit dans un monde unidimensionnel (sauf que dans son cas, c’est un signe pathologique grave).

L’archaïsme, pour des journalistes, c’est penser le contraire de ce qu’ils écrivent ou disent. C’est en privé de voir, de savoir, et en public de ne rien dire. C’est de se croire encore Beaumarchais, et d’être déjà devenu pigiste à la Pravda.

In fine, l’archaïsme, pour un pouvoir, c’est prétendre créer un monde neuf, fait d’hommes nouveaux, « lustrés » du passé à bannir car non conforme aux vues du pouvoir actuel. C’est penser l’avenir en rupture avec le passé alors que l’Histoire, c’est le passé plus le présent plus l’avenir : l’Histoire est une addition, pas une soustraction.

Pour conclure cette réflexion sur l’archaïsme politique aujourd’hui en Europe et en France, voici deux remarques en guise d’avertissement pour tous les Européens qui vont avoir à voter dans les années à venir :

  • selon la conviction profonde des « archaïques » politiques, les principes sont uniquement faits pour les imbéciles ; par conséquent, plus les principes sont affichés dans le discours plus ils seront ignorés dans la pratique ;
  • comme Humpty-Dumpty dans Alice au pays des Merveilles, l’archaïque politique fait dire aux mots ce qu’ils veulent : la victime c’est le chef ; le danger c’est le faible ; la simplification c’est la complexité ; l’homogénéité c’est la diversité ; la vérité c’est le mensonge ; l’avenir c’est le passé . Mais, hélas, il n’est pas de l’autre côté du miroir. Il est bien en Europe ... hier, aujourd’hui et demain.

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19 réactions à cet article    


  • jako jako 3 mai 2007 13:07

    Un seul mot pour cet Article : remarquable !


    • Redj Redj 3 mai 2007 13:11

      Je confirme, article remarquable, et qui fait peur. En effet, il décrit tout ce qui se passe chez nous actuellement...Brrrrrrr.


      • Dalziel 3 mai 2007 15:05

        Ce que vous appelez l’archaïsme, c’est le retour de l’homme éternel, c’est le retour, au galop, de ce naturel que des infusoires en délire, et des agités du bocal, croyaient pouvoir chasser avec de la Raison raisonnante.

        En une formule, c’est le monde qui retombe sur ses pieds.

        Vive l’archaïsme, donc... Les conneries, c’est comme tout, ça va un moment, puis ça fatigue...


        • jako jako 3 mai 2007 15:36

          C’est parfait, la preuve par l’exemple


        • Deltarho Deltarho 3 mai 2007 15:56

          @ l’Auteur

          Voilà un article consistant ! mais vous passez sous silence un « archaïsme » qui est loin d’être insignifiant : c’est la sacro sainte Finance et sa servante dédiée, la Croissance !!! le nerf de la guerre prétendent les archaïques.

          Je disais récemment que si cet « archaïsme » perdure je remonterais au maquis comme tous les papis qui l’ont déjà combattu, nos déambulateurs sont en révisions (pose de chenilles, renforcement du blindage, graissage des articulations ) et l’impression des consignes du « combattant sans armes » en train de se faire. Même le repérage des élucubrateurs de la 5ème colonne (voir commentaire ci dessus) n’a pas été oublié !

          Encore bravo Franck, Deltarho, vieux mais pas « archaïque ».


          • Max 3 mai 2007 16:15

            L’alliance le Ségolène Royal avec l’extrême gauche, dont les idéologies ne sévissent plus qu’en Corée du Nord, à Cuba, et autres pays où il fait bon vivre, est un parfais exemple d’archaïsme.

            Elle appelle au rassemblement des républicains de progrès, or, elle s’allie avec des partis qui véhiculent des idéologies aboutissant à des dictatures.

            Les idéologies d’extrême gauche, c’est tout de même plusieurs dizaines de millions de mort ce dernier siècle...


            • Deltarho Deltarho 3 mai 2007 17:08

              L’appartenance de Sarkozy à l’extrême droite, dont les idéologies ne sévissent plus qu’en Arabie, USA, Iran, et autres pays où il fait bon vivre (et surtout se taire), est un parfait exemple d’archaïsme.

              Il appelle au rassemblement des républicains de conserve, or, il s’allie avec des partis qui véhiculent des idéologies aboutissant à des dictatures.

              Les idéologies d’extrême droite, c’est tout de même 80 millions de mort ce dernier siècle...


            • jako jako 3 mai 2007 17:58

              @Deltarho bravo pour votre parcours et merci de votre éclairage. @max merci de cette parfaite illustration par l’exemple


            • Yaka 5 mai 2007 21:21

              Max, pourquoi attaquez-vous la gauche ? Auriez-vous reconnu une description de la droite actuelle dans le texte ?


            • Céline Ertalif Céline Ertalif 3 mai 2007 22:39

              Cet article décrit le mal, il est assez manichéen. Il y a des choses intéressantes dans cette description. La démagogie ou l’esprit grégaire occupe effectivement une place consternante dans le brouhaha public. Le problème essentiel reste cependant de dire ce qu’est le bien public.


              • Stoïque 4 mai 2007 00:12

                Très bel article, à contresens de la folie ambiante !

                Un président pour les 5 années à venir devrait annoncer à s’évertuer à faire le bonheur de ces concitoyens et à faire progresser la « civilisation »... Ce n’est pas avec des méthodes dures, de la démagogie, du populisme et un esprit narcissique que l’on ira dans ce sens.... La plus grande possibilité d’accès à la connaissance ne semble pas hélas être utilisée par la majorité des hommes pour éviter de réitérer les erreurs passées.


                • Stoïque 4 mai 2007 00:25

                  Une coquille s’est glissée dans mon précédent commentaire. Mille excuses. Je le rectifie ci-dessous

                  Très bel article, à contresens de la folie ambiante !

                  Un président pour les 5 années à venir devrait s’évertuer à faire le bonheur de ces concitoyens et à faire progresser la « civilisation »... Ce n’est pas avec des méthodes dures, de la démagogie, du populisme et un esprit narcissique que l’on ira dans ce sens.... La plus grande possibilité d’accès à la connaissance ne semble pas hélas être utilisée par la majorité des hommes pour éviter de réitérer les erreurs passées.


                  • Blablabla 4 mai 2007 07:28

                    @ l’auteur,

                    La volonté, c’est la paresse.

                    La liberté, c’est l’esclavage.

                    La guerre, c’est la paix.

                    Etc...

                    1984 - Georges Orwell.

                    Comment concilier cet univers déshumanisé et l’humanisme universel ?

                    La foi en un monde meilleur est pire que la révolte des insoumis.

                    Une chaîne de mots est plus qu’une chaîne de caractères. Comme la mer est plus que de l’eau. Ils transportent vers autre chose. Quelquefois, on y est noyé, d’autre fois, on y fait des rencontres.

                    Par trop d’intelligence, on devient fou. Les benêts et les sots gagneront en puissance.

                    L’Europe du peuple sera sa souffrance. Terre d’accueil, elle est devenue terre d’exil.

                    Le rassemblement des idées, c’est la désunion des coeurs.


                    • arturh 4 mai 2007 10:18

                      Pourquoi ne pas faire plus simple et souligner que nous européens, comme on l’a encore vu récemment avec cette « constitution européenne », ne vivons toujours pas en Démocratie (séparation stricte des pouvoirs exécutifs, législatifs et judicaires, élection directe de ces trois pouvoirs au suffrage universel).


                      • Martin sur AgoraVox Martin sur AgoraVox 4 mai 2007 14:12

                        Vous avez raison de rappeler quelques conditions qui nous rapprocheraient de la démocratie (séparation stricte des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires, élection directe de ces trois pouvoirs au suffrage universel). Mais cela ne suffirait pas.

                        Pour que les décisions soient démocratiques, il ne suffit pas que les individus au pouvoir, qui prennent ces décisions, appartiennent aux partis politiques qui ont gagné aux élections, il faut encore que les individus au pouvoir fassent ce que veulent les citoyens dans leur majorité.

                        Un exemple où cet écart entre ce que veulent les politiques et ce que veulent les citoyens a été mis en évidence de façon flagrante est le vote sur la Constitution de l’Union européenne, dans la version proposée aux citoyens européens en octobre 2004. En France, cette constitution avait été approuvée par le Président de la République française, puis avait été approuvée par 92 % des parlementaires de l’Assemblée nationale française, avant d’être rejetée par 55 % des électeurs français lors du référendum de mai 2005.

                        Une société fonctionne selon les principes de la démocratie quand les deux conditions suivantes sont remplies :

                        - La liberté d’opinion est entièrement garantie,
                        - Toutes ( ! ) les décisions sont conformes aux désirs de la majorité des citoyens.

                        Dans l’article « Démocratie participative et poids des lobbies » vous pouvez lire quelle est la différence entre les soi-disant « démocraties » que nous imposent les politiques au pouvoir depuis des décennies et la démocratie véritable. Lien :

                        http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=21702

                        Des exemples sont nombreux qui prouvent que les politiques ne respectent pas la volonté majoritaire des citoyens. Les politiques estiment que à partir du moment où ils sont arrivés au pouvoir en étant élus, pendant la durée de leur mandat ils peuvent faire ce qui leur plaît et qu’ils peuvent prendre des décisions qui sont contraires à ce que veut la majorité des citoyens. Les politiques au pouvoir, aussi bien les Parlementaires que les chefs d’État et de gouvernement, ne respectent donc pas la démocratie.


                      • Bois-Guisbert 4 mai 2007 17:22

                        Une société fonctionne selon les principes de la démocratie quand les deux conditions suivantes sont remplies :

                        La liberté d’opinion est entièrement garantie, Toutes ( ! ) les décisions sont conformes aux désirs de la majorité des citoyens.

                        On ne peut appliquer les principes de la démocratie que dans une société culturellement très homogène, où cette homogénéité fait que tous les citoyens regardent ensemble dans la même direction.

                        Dans un pays multiethnique comme la France, avec Caucasiens, des Arabes, des Nègres, des Chinois, des Indiens et des métis de tout ça, où chaque groupe voit midi à sa porte et tire à sa propre corde, c’est une pure illusion.


                      • karg se 4 mai 2007 19:31

                        J’aurai été fiers d’écrire ça, si j’en étais capable (je suis trop jeune encore).

                        Que d’éloge, cette clarté de vision est magnifique, bravo à l’auteur.


                        • partisan blanc 5 mai 2007 21:00

                          Oui, mais à l’époque les Européens avaient des couilles, ils étaient fiers de leurs patries, et ne se laissaient pas envahir par des dizaines de millions d’allogènes, bientôt dhimmis, étrangers sur leur propre sol, comme les Serbes du Kosovo. Vous nous reservez le discours dominant : les « fâchistes » sont les méchants (aucune analyse, amalgame anti historique entre Hitler, Franco, Pétain qui avaient fort peu en commun), le communisme-pas un mot là dessus, on dirait que l’écroulement du Mur de Berlin (le « Mur de la Honte ») et la disparition du Rideau de Fer en 1989 est relégué aux oubliettes, au profit d’un reductio ad hitlerum obsessionnel. Permettez moi de vous dire que votre analyse est trés conformiste, et à propos de « bête immonde », je vous conseille la lecture du « Livre noir du communisme » de Stéphane Courtois (homme de gauche modérée). « Quand le peuple vote mal, il faut changer de peuple » [avec l’immigration ?] Bertold Brecht


                          • prgrokrouk 6 mai 2007 14:09

                            AgoraVox n’est pas un espace d’expression démocratique. C’est une maison de (pré)retraite où se bousculent des planqués et des fonctionnaires. Un tas d’incapables à la recherche de consécrations narcissiques se bousculent pour leurs CACAs éditoriaux. Des posts DRAMATIQUES à quoi il faut ajouter bien des notations SOURNOISES, ajoutent à ce RIDICULE.

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