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La rigueur à l’épreuve du réalisme politique et de ses errements

Les exemples de vertu qui nous gouvernent – les affaires récentes ou en cours sont là pour l’illustrer - ne sont sans doute pas les mieux placés pour nous faire avaler la pilule de la rigueur qui s’annonce. Cela se confirme à la lecture d’un sondage récent selon lequel près de deux français sur trois jugent les dirigeants politiques corrompus.
 
Des élus autistes

Corrompus ? le mot est fort, mais il est exact en certains cas et confirmé régulièrement par les tribunaux, pour les affaires qui apparaissent sur la place publique. Ce n’est pas pour autant une généralité et il faut parler le plus souvent de mauvaises et détestables habitudes contractées par l’ivresse du pouvoir. Cela s’applique non seulement à des politiques nationaux mais également à certains élus locaux.

La décentralisation, dans ses premières années, aura à cet égard été marquée par des dérives de la part d’élus locaux qui ont vécu sur un grand pied, organisant des garden parties, construisant des hôtels départementaux et Régionaux parfois coûteux, s’entourant parfois de cabinets pléthoriques, se laissant aller sur l’utilisation des véhicules de fonction et régalant les « partenaires » autour d’une table bien garnie. Depuis quelques années ces pratiques ont toutefois tendance à diminuer.

Ces dérives du fait d’élus qui s’éloignent de plus en plus des citoyens sont d’autant plus inacceptables que ce sont les mêmes qui aujourd’hui nous demandent de faire des efforts et de nous serrer la ceinture.

Le rabot

Ce sont donc ces élus, nationaux ou locaux – mais ce sont parfois les mêmes, cumul des mandats oblige – qui vont prendre en mains ce fabuleux outil qu’est le rabot, mis à toutes les sauces depuis quelques temps.

On va donc raboter les dépenses de fonctionnement de l’Etat et les ministres seront désormais priés de payer eux-mêmes leurs cigares. On va aussi raboter les niches fiscales, sans doute avec une mansuétude particulière pour ceux qui votent bien. On va raboter le parc de véhicules de fonction des ministères, mais aussi celui des collectivités locales, mais remarquez bien que l’on va « tailler » dans les effectifs des fonctionnaires. La nuance est importante, l’action de raboter n’étant destinée seulement qu’à enlever une couche superficielle.

C’est bien là que le bât blesse, le rabotage ne remettant absolument pas en cause telle ou telle politique, ou telle ou telle subvention, on se contente d’en diminuer faiblement l’épaisseur en espérant que toutes les couches ainsi rabotées constitueront ainsi une épaisseur suffisante d’économies afin de passer le cap de la crise.

La connivence

Nos chers élus, de droite comme de gauche répugnent donc à supprimer des politiques, des niches fiscales ou des subventions pourtant devenues obsolètes, mais qui plaisent tant à ceux qui en bénéficient qui se transforment en autant d’obligés pour les élections. C’est peu de dire qu’il y a parfois des projets d’investissements (équipements publics, déviations, ronds points,...) ou des subventions dont l’utilité n’est pas forcement avérée mais qui assureront le prestige et la réélection de petits notables.

Tout notre système électif repose sur ce genre de connivence qui permet également aux partis politiques de s’implanter et de croitre en influence, oubliant souvent les attentes citoyennes.

Un autre aspect du système consiste à toujours satisfaire le « monde économique », autrement dit, le plus souvent, les lobbies qui se sont organisés pour détruire ou maîtriser la concurrence et « faire » ainsi les prix dans les marchés publics ou les délégations de service des collectivités locales en particulier. Les exigences des laboratoires lors de l’épisode calamiteux de gestion de la grippe A illustrent bien le poids des lobbies au niveau national également.

Inutile aujourd’hui de demander à une entreprise (de transport, par exemple) de justifier le prix demandé en le décomposant entre les différents postes de dépenses (salaire, amortissement, gazole, frais de structure,...). Cela ne se fait plus : il y a un prix à prendre ou à laisser, qui a été élaboré, non pas en fonction d’un coût de prestation auquel s’ajoute une marge, mais en fonction du profit (à 2 chiffres, bien entendu) attendu par les actionnaires.

A de rares exceptions, donc, la commande publique de l’Etat et des collectivités locales est prise au piège de cette « loi du marché » qui consiste à engranger de juteux bénéfices sur le dos du contribuable.

Devant le « danger » que représente la réforme des collectivités locales, dont la mesure la plus visible consiste à diminuer le nombre d’élus, les patrons des exécutifs locaux (souvent de gauche), nous assènent que 75% de l’investissement public en France est le fait des collectivités locales. Il y a là matière à réflexion : on pourrait certainement faire plus avec le même argent, si l’on se donnait la peine d’examiner la mécanique de formation des prix des entreprises.

Les bonnes et les mauvaises dépenses

Au travers de ce qui précède, inutile de redéfinir les « bonnes dépenses ». Cela coule de source : ce sont celle qui permettent la « croissance ». Les mauvaises dépenses quant à elles sont les dépenses d’administration pures au premier rang desquelles figurent celles de personnel. C’est pourquoi on ne rabote pas mais que l’on taille, en particulier dans les fonctions publiques d’Etat et hospitalière. Le résultat, on le connaît, consiste à basculer sur le secteur marchand des missions jusqu’à présent exercées par le secteur public. La crise fonctionne en ce domaine comme un véritable accélérateur pour les chantres du libéralisme qui voient se profiler à l’horizon de nouveaux profits dans des domaines tels que la médecine (et les assurances privées), l’éducation, les services de sécurité, etc, etc,...

Nous n’en sommes pas encore arrivés à tailler dans les effectifs des collectivités locales, mais on y vient tout doucement. Cela ne se fera pas sous la forme d’annonces brutales (le non remplacement d’un fonctionnaire sur 2 partant en retraite), mais sous couvert de « réorganisations de services », liées à des fusions d’intercommunalités par exemple.

Il faut dire que dans ce domaine, nos élus locaux, toutes tendances confondues, ont accompagné la création des intercommunalités, de créations d’administrations : il fallait bien assurer le prestige des présidences avec cet élément incontournable : un général sans troupes ne sert à rien.

Aujourd’hui donc, compte tenu de la dispersion des collectivités locales et des organismes de coopération intercommunale et des liens (financiers et politiques) tissés entre ces différents niveaux, les dossiers sont examinés à trois ou quatre reprises par des fonctionnaires territoriaux qui défendent chacun leur boutique. On attend des élus locaux qu’ils sortent de ce système par le haut, c’est à dire en ne faisant pas payer le prix de leurs erreurs à ces fonctionnaires, mais en réfléchissant à la reprise de la gestion de politiques en régie directe (transport, eau, restauration collective,...) afin de réaliser des économies budgétaires et limiter la croissance des impôts.

Ni bonnes, ni mauvaises...

...mais coûteuses quand même, sont les subventions aux associations, autre élément indispensable pour assurer la pérennité d’une majorité locale.

Elles vont donc passer également sous la lame du rabot, réglée plus ou moins profond selon l’activité exercée. Gageons, malgré les mauvais résultats de l’équipe de France que la coupe sera plus légère pour les clubs de foot que pour les autres sports, tant cette activité est de nature à relayer avec efficacité l’image des élus locaux.

Gageons également que le passage de la lame sera plus profond pour toutes les activités culturelles qui sont habituellement les premières à souffrir en cas de crise.

Dans le secteur associatif, il y aura donc certainement, à terme, des disparitions d’emplois par contrats non renouvelés, mais dont on entendra peu parler. Les choix politiques sont clairs : on cherche à éviter l’impact négatif de la fermeture des entreprises, mais on supprime silencieusement des emplois associatifs.

Encore faut-il s’entendre sur ce qu’on appelle association : certaines d’entre-elles sont de véritables entreprises, dans le secteur social par exemple, et constituent de véritables lobbies vis à vis des élus locaux. Là également le poids politique de ces associations déterminera l’épaisseur du copeau qui sortira du rabot, plus surement que l’examen attentif de l’utilisation des subventions publiques.

Au final, et on ne sera pas surpris, la culture du contrôle de gestion qui devrait conduire à la suppression pure et simple de politiques devenues inutiles n’est pas très présente dans les collectivités publiques. Elle a cédé le pas à ce qu’on appelle pudiquement « l’évaluation des politiques publiques » dont on sait que les conclusions aboutissent généralement à ne prendre aucune disposition susceptible de porter ombrage au monde économique et d’une manière générale à ceux qui peuvent peser sur les élections.


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8 réactions à cet article    


  • le naif le naif 7 juillet 2010 10:50

    @ l’auteur

    D’accord avec vous sur le constat

    Ce qui me surprend, c’est l’étonnement de l’opinion face à la politique menée par ce gouvernement....

    Il n’y a aucune surprise à ce que l’ex maire de la commune la plus riche, du département français le plus riche mène une politique en faveur des...... riches. Le contraire aurait été surprenant, ses électeurs ont-ils cru voter pour l’Abbé Pierre et qu’il allait redistribuer les richesses ou quoi ???

    Pour ma part, m’attendant au pire, je ne suis pas déçu, la réalité dépasse toutes mes « espérances »


    • Michel DROUET Michel DROUET 7 juillet 2010 11:51

      @ par le naif

      Il y a un grand mystère autour des motivations qui conduisent à voter pour quelqu’un. J’en ai cité dans mon article : la catégorie des obligés qui renvoient l’ascenseur.

      Pour le reste, si l’on considère les classes moyennes on peut se dire qu’elles ont cru qu’une politique de droite leur serait favorable.
      Pour les classes populaires, c’est peut être le côté « stra ac » le côté bateleur et la part du rêve (nous aussi on peut y arriver) qui a conduit à voter à droite.
      Finalement tout le monde a oublié (mais cela commence à se voir) que le vrai pouvoir n’était plus à l’Elysée, ni dans les ministères ou dans les collectivités locales, mais que c’est l’économie et la finance qui dirigent le monde. 


    • le naif le naif 7 juillet 2010 12:22

      Le mystère est d’autant plus grand, que deux ans au paravent une large majorité s’était exprimé contre le TCE ( certes pour des motifs souvent antagonistes) mais Sarkozy avait clairement annoncé ses intentions avant les élections et là personne ne peut venir exprimer la surprise...

      Le TCE annonçait clairement la couleur..... le plus marrant étant que du fait de la crise, il a été violé par les gouvernements qui réclamaient son instauration....

      Nous vivons une période surréaliste !!!

      Slts


    • bonsens 7 juillet 2010 16:14

      @ l’auteur : excellent article , mais sur votre commentaire j’écrirais « les classes moyennes ont cru qu’une politique de droite favorable à leurs intéréts serait menée » au lieu de la formulation que vous avez utilisée .
      En effet , la politique de droite de sarko n’est pas si évidente que cela :
      1) le coté autorité , répression ,etc... : Il est ou le Karcher sur les dealers ? bien peu visible , n’est ce pas ? par contre , pour enquiquiner les gens avec des radars qui vous flashent à 51 km/h ou parce que votre ado est un affreux pirate au sens d’hadopi , alors là , oui , il y a de la ténacité et la classe moyenne le sent passer ...
      2) la politique économique : le coté « de droite » de Sarko a surtout consisté à sanctuariser les revenus , droits , modes de vie de 1% de riches ( people , affairistes , héritiers , politicards , crétins à ballon rond , etc... ) , qui vivent désormais comme sur une autre planéte . Vu des classes moyennes , c’est plutot une politique de gauche qu’il a mené . Augmentation des prélévements pour financer de plus en plus de mesures destinées aux pauvres . Loin de tailler dans le social , jusqu’ à maintenant , sous la droite , des rubriques supplémentaires se créent : PPE , RSA , Pret à taux zéro , etc.... tout simplement parce que le chomage , les bas salaires et le cout de la vie sont devenus tels que les pauvres ne peuvent plus vivre de leurs revenus de travail ..... On ponctionne donc les classes moyennes.
      Sarkozy fait ce que la gauche n’a pas su , pas pu , pas voulu réaliser : il est en train d’égaliser les revenus de 98 pour cent de la population ( revenus nets aprés impots et aides diverses , c’est ce qui compte chez le boucher et le boulanger ) autour de la médiocrité milleuriste . Ceci par le poids de plus en plus important du systéme de redistribution social.... Sur ce plan , il méne une politique plut^^ot associée d’habitude à la gauche , une politique d’assistanat , pas de méritocratie ni de travail ( contrairement à sa rhétorique) . 
      Simultanément , Il met les « people » hors systéme et signifie aux français : puisque ,dit on , vous étes trés attachés à l’égalité , et bien partagez donc entre vous , cela fera bien une soupe pour chacun , mais ne touchez pas au caviar de mes potes du fouquet’s .
      Pour mémoire , dans les pays de l’est ,c’était pareil du temps communiste , sauf que la nomencature était plus discréte , évitait plus de choquer .....


    • leypanou 7 juillet 2010 11:08

      "Le résultat, on le connaît, consiste à basculer sur le secteur marchand des missions jusqu’à présent exercées par le secteur public" : mais pas seulement. Quand la gestion des autoroutes a été cédée au privé, quel est l’intérêt de l’état et des utilisateurs ? On s’étonne maintenant que les autoroutiers augmentent les tarifs. Beaucoup considèrent que la gestion des autoroutes est un véritable racket contre lequel les automobiles ne peuvent pas grand-chose. On oppose toujours l’efficacité du privé avec la gabegie du public comme si aucune entreprise privée n’a jamais fait faillite. On peut citer d’autres cas comme les hôpitaux ou l’armée : sur le papier, les dépenses peuvent paraitre baisser mais pour le pays dans l’ensemble, c’est le contraire. Il n’y a qu’à comparer le pourcentage du PIB consacré à la santé aux Etats-Unis et en France par exemple pour s’en convaincre.


      • Michel DROUET Michel DROUET 7 juillet 2010 11:42

        @leypanou

        Très juste.
        Pour les autoroutes, j’avais pensé à inclure ce scandale dans mon papier, mais le sujet mérite un article à lui tout seul.


      • Alpo47 Alpo47 7 juillet 2010 14:08

        Et GDF qui augmente ses tarifs sans discontinuer.
        On prend les paris sur les profits en fin d’année ?


      • Alpo47 Alpo47 7 juillet 2010 14:02

        Je crois qu’il conviendrait mieux de dire Vénaux et corruptibles ... et d’ajouter pour la plupart.
        En toute logique, ceux qui nous dirigent devraient être les meilleurs d’entre nous. Si cela a pu être le cas à une époque bien lointaine et dans certaines sociétés, l’envie du pouvoir et du par-aitre a très vite pris le dessus.
        Nombre de PDG ou de politiques nationaux sont de grands malades au sens psychiatrique. Sociopathes, ils n’ont aucune empathie pour autrui, narcissiques, ils ne s’intéressent qu’à leur propre bien-être, vénaux, ils sont faciles à entrainer sur la mauvaise pente.

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