La stratégie anti-FN actuelle : une erreur ?
Depuis 2002, et même depuis bien avant, on diabolise le Front national à un tel point que tout ce qui s’y rattache ou s’en approche est rejeté, isolé et mis en procès car n’étant pas « politiquement correct ». Ainsi le vote Le Pen est devenu un signe de racisme, les discours sur le patriostisme appartenant exclusivement au FN est devenu le monopole d’extrémistes, et chercher à ramener aux partis républicains les électeurs égarés au FN devient maintenant un comportement nauséabond, parfois même fasciste pour les plus virulents... Retour sur une stratégie électorale bien curieuse...
21 avril 2002, 20 heures. Sur une chaîne de France télévisions, David Pujadas donne les estimations du résultat du premier tour de l’élection présidentielle. Son commentaire, "une grosse surprise", ne sera sans doute pas suffisant pour exprimer le désarroi de plusieurs milliers de Français de droite, de gauche, du centre.....
Non seulement Lionel Jospin n’est pas au second tour, mais, pire, il se trouve que c’est la grande figure de l’extrême droite française qui le remplace face à Jacque Chirac. Les électeurs de gauches ont dispersé leurs voix dans le défilé de partis de gauche et d’extrême gauche présents au premier tour, et les mécontents ont reporté leur voix sur le leader frontiste.
Dès lors, la haine exprimée sans modération envers le parti de la droite de la droite de la droite empêchera certainement plus d’un électeur de Le Pen de dormir pendant plusieurs mois.
Nous sommes aujourd’hui en avril 2007, cinq ans après le séisme politique de 2002. "C’est certain, cette fois-ci, les Français ont compris la leçon !" clame-t-on dans les Guignols de l’info, dans les médias et au boulot. "Ce qui a fait le succès de Le Pen hier sera sévèrement réprimé !" se dit-on silencieusement.
"On" ? Tous les Français ? Pourtant les sondages n’ont jamais vraiment laissé retomber Le Pen en dessous des 10 % d’intentions de vote. En moyenne, il atteint même 15 % et ces derniers temps son record est de 16 %.
Quand on sait que Besancenot fait le plus gros score des "petits candidats" avec environ 4 %, on voit bien que un électeur sur sept environ, cela n’est pas négligeable. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir eu l’une des plus mauvaises images de la politique française, celle du grand "méchant", celui pour qui seuls les racistes votent. Mais c’est justement là-dessus que l’on est probablement en train de se tromper.
Effectivement, les réels racistes, nazis ou extrémistes de droite ne reprèsentent à eux seuls qu’environ un quart de l’électorat de Le Pen. Soit environ 4 % d’intention de vote dans les sondages ! Avec un pourcentage pareil, Le Pen rejoindrait bien vite les Besancenot, les Buffet ou les Voynet....
Mais on ne cherche pas réellement à comprendre les trois autres quarts des électeurs du frontiste. Le vote Le Pen est une honte, et non pas une preuve de désespoir. La logique voudrait pourtant que ce soit l’inverse qui subsiste.
Depuis Mitterrand, il s’avère que bon nombre de "philosophes" ne croient plus en la politique. Ou plutot devrait-on dire : un trop grand nombre d’électeurs ne croient plus en la sincérité réelle des candidats. Le candidat à la présidentielle est devenu, selon la "bonne morale", un menteur, égocentrique et avide de pouvoir. Les promesses ne seront obligatoirement pas tenues. Brefs, en résumé, et même si ce n’est pas l’intention de ces grands intellectuels (au second degré) : "les démocrates sont tous des salauds". Car il n’y pas réellement eu d’antirépublicains ou d’antidémocrates lors des dernières élections, et cela risque de durer. Mais en banalisant leurs intentions de manière aussi péjorative, on oublie que l’on tend une main à ceux qui ne sont pas "démocrates"... Et quand certains sujets préoccupent réellement les Français, comme l’insécurité ou l’immigration (car même Rocard le disait, il y a un problème d’immigration et la France ne peut pas supporter toute la misère du monde sur son dos), les politiciens, les journalistes ou les opposants les plus farouches feront passer le "politiquement correct" avant l’interêt des électeurs.
C’est comme cela que l’on a laissé le monopole de sujets importants à Le Pen et qu’on l’a rendu plus crédible que Jospin, qui estimait lui-même que l’"Etat ne pouvait pas tout". Et aujourd’hui encore on s’étonne que Le Pen soit au dessus de 10 % des intentions de vote, alors que l’on ne cherche pas à rassurer les électeurs qui avaient perdu confiance en la droite et la gauche républicaine, simplement car ce n’est pas "convenable".
Alors que la stratégie à adopter paraît simple et évidente, on continue de stigmatiser l’électeur lepeniste et des candidats sont accusés de pactiser avec le FN quand ils cherchent à ramener ces électeurs à la raison, en pensant que l’image médiatique de Le Pen sera suffisante pour le faire plonger. Le problème, l’irritant problème même de cette stratégie, est que les électeurs du candidat d’extrême droite comprennent surtout que l’on se moque de leurs ennuis et que l’on s’offre le luxe d’éviter les sujets qui fâchent pour "faire plaisir à l’opinion publique".
Les candidats et les électeurs ne peuvent plus examiner le problème de l’immigration sans devenir des racistes.
Dans les guignols de l’info, la seule et unique "grosse blague" censée faire rire les spectateurs quand Le Pen apparaît, c’est le racisme, mot qui doit être cité en moyenne une dizaine de fois sous des formes différentes. Or, il y a pourtant tant de choses à dire, tant de débats à faire. Le programme de Le Pen ne se résume pas à l’immigration zéro.
En conclusion, on peut dire que si les candidats non-extrémistes ne donnent pas des réponses concrètes et sans tabou aux plus inquiets des électeurs, ces derniers ne verront que par Le Pen qui restera à 15 % dans les sondages. 15% qui font sans doute saliver plus d’un candidat. Hélas, on reste sur cette politique bornée d’opposition ferme, et le manque de débat et de discussion, le refus de discuter des sujets qui fâchent, restent un facteur favorable à Jean-Marie Le Pen. Pourquoi ? Parce qu’on a peur. Peur de fâcher, peur de faire peur même... On peut se rassurer en sachant qu’en 2002, Chirac et Jospin étaient plus facilement atteignables par Le pen du fait de leur score qui ne dépassait pas 20 %, alors qu’aujourd’hui, la "fraîcheur" des candidats attire les électeurs et transporte les plus "gros" au delà de cette "barre" des 20 % dans les sondages, parfois même à 30 %.
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