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Accueil du site > Actualités > Politique > La tarification progressive de l’énergie, la bonne idée pour répondre (...)

La tarification progressive de l’énergie, la bonne idée pour répondre aux enjeux sociaux et écologiques ?

Adieu « heures creuses-heures pleines », bonjour « tarif progressif ». Promesse de François Hollande, la modification de la facturation de l’énergie, en particulier de l’électricité, est actuellement en débat à l’Assemblée nationale. Portée par le député François Brottes, conseiller énergie du nouveau président pendant la campagne, la proposition de loi a pour ambition une meilleure prise en compte de la situation des ménages et de faciliter la transition énergétique. Si l’intention est louable, est-elle pour autant applicable ?

Une bonne idée au départ : privilégier les aspects sociaux et environnementaux

L’intérêt de la loi en préparation est de s’intéresser aux comportements en privilégiant « une tarification progressive en fonction de la consommation et non pas des revenus » selon François Brottes. L’exposé des motifs publié le 5 septembre ne dit pas autre chose : « il s’agit de responsabiliser chaque ménage, dans une approche à la fois sociale et écologique ». Dans cette logique, l’objectif est de faire en sorte « de consommer moins et mieux pour diminuer sa facture. Dans le cas contraire, plus on consommera au-delà du raisonnable plus la facture s’alourdira  ».

Pour cela, le principe est d’offrir un tarif bas pour les premiers kWh nécessaires aux activités les plus basiques, puis un palier supérieur au prix actuel pour les activités « utiles » sans être vitales, et enfin une majoration importante pour les usages de « confort ». La proposition de loi prévoirait de plus l’interdiction des coupures de courant ou de gaz pendant l’hiver. La justice sociale se veut donc au centre du dispositif : les plus riches payant davantage pour utiliser des appareils (deuxième télévision, stores électriques…) dont ne disposent pas les plus humbles.

Une amélioration de la situation écologique est également recherchée : pénaliser financièrement les consommations superflues devrait amener mécaniquement les individus à moins consommer donc à réduire le besoin en énergie.

Une bonne idée certes, une usine à gaz dans les faits

Le diable se cache dans les détails. Les critères retenus (nombre et âge des occupants du logement, zone climatique et mode de chauffage) présentent deux défauts majeurs. Le premier, le respect de la vie privée est gravement atteint. Il sera particulièrement difficile d’encadrer efficacement la transmission de telles données, sans usage commercial, aux fournisseurs d’électricité qui procéderont à la facturation. La seconde est le nombre de cas particuliers à prendre en compte et le calibrage fin des différents paramètres. Comment définir « une zone climatique » alors que l’ensoleillement et l’exposition au vent varient à quelques mètres près, modifiant le recours au chauffage ?

Autre limite à la loi Brottes, elle néglige bon nombre de foyers : ne sont pris en compte que les « énergies en réseau » (électricité, gaz, chaleur). De fait, sont laissés de côté tous les particuliers ayant recours au fioul, au bois… Ce que dénoncent les associations de consommateurs dont la CLCV qui qualifie cette situation d’ « inégalité à réparer ».

Cette proposition de loi soulève tellement de problèmes législatifs, juridiques (respect de la vie privée, péréquation) et de gestion (coût pour l’Etat, bureaucratie) que le parti socialiste se retrouve pris en sandwich entre les élus du Front de gauche et l’UMP. Existe tout de même quelques amendements constructifs émanant de l’opposition. Par exemple celui proposant de généraliser les compteurs communicants afin de faciliter la gestion de la consommation par le particulier et ainsi de limiter les dépassements de paliers. Les députés écologistes, eux, souhaitent encore complexifier la loi, en créant des différences de traitement selon le type d’énergies employées. Face à cette confusion, Delphine Batho, pourtant ministre de l’énergie, ne semble pas faire preuve de beaucoup de volonté pour soutenir François Brottes face aux critiques.

Une bonne idée mais décevante dans la pratique

Chose étonnante et relevée en commission par plusieurs détracteurs à la loi Brottes : aucune étude d’impact n’a été prévue ! Finesse législative, si les projets de loi (présentés par le gouvernement) doivent obligatoirement être accompagnés d’une étude d’impact, ce n’est pas le cas pour les propositions de loi (émanant des parlementaires). Doit-on y voir une mesure finalement d’affichage : la promesse de présenter une loi a été tenue mais les parlementaires l’ont refusée ? On peut les comprendre, décider d’un sujet aussi technique sans connaissances des conséquences concrètes, cela peut refroidir. Pourtant les retours d’expérience étrangers existent et sont riches d’enseignement.

La Corée du Sud, au moment même où la France y songe, est entrain d’abandonner son système de tarification par paliers. Motif : ce système est devenu trop coûteux pour les usagers du fait de l’évolution de l’usage de l’énergie, en particulier l’essor des appareils électroniques et de régulation thermique (chauffage et climatisation). En Californie, le même système a conduit à des résultats contreproductifs au niveau économique et écologique : les consommateurs faute de signal prix ne sont plus incités à réduire leur consommation en période de pointe. Le pic de consommation est du coup amplifié, obligeant à démarrer des centrales thermiques supplémentaires, chères et polluantes.

L’Allemagne a, elle, procédé à des évaluations des différentes formes de tarification depuis 2008. Aucune n’a jusqu’à présent permis de conjuguer simultanément des critères sociaux, environnementaux et économiques viables.

En l’état, la montagne risque d’accoucher d’une souris… potentiellement mal formée. Si l’aspiration est juste, sa mise en œuvre s’avérera particulièrement ardue. De fait, la gestion administrative d’une telle démarche s’annonce particulièrement coûteuse sans que les effets pervers écologiques aient été correctement pris en compte.


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11 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 5 octobre 2012 10:18

    Il faut en réalité déterminer les besoins de chacun par rapport aux membres de la famille vivant sous le même toit. Ensuite il faut établir un prix planché assez bas pour que chacun puisse avoir accès à l’eau et l’énergie. Dans un deuxième temps il faut taxer de manière exponentielle tout dépassement, de façon que même pour ceux qui ont les moyens, le barème soit dissuasif, afin de mettre fin au gaspillage. Si la sanction n’est pas dissuasive par rapport aux revenus, cela revient à ajouter une inégalité à une autre.........

    voir : http://2ccr.unblog.fr/2011/01/11/egalite-des-biens-et-des-sanctions/


    • Laurent C. 5 octobre 2012 16:27

      Extrait du projet de loi
      "La tarification progressive s’appliquera à l’ensemble des énergies de réseau : gaz naturel, électricité et chaleur. Près de 80 % des logements sont aujourd’hui chauffés à l’aide de ces énergies. Le fioul et le GPL, qui sont utilisés de manière importante par les ménages, ne seront pas inclus à ce stade« 
      (soit 20% des logements)

      Rien qu’avec çà, cette loi ne respecte pas »l’égalité des contribuables devant l’impôt" et ne saurait être acceptée par le Conseil constitutionnel.


      • Magnon 5 octobre 2012 16:54

        @L’auteur
        Le projet de loi a pour but de pousser les gens à être vertueux !
        En effet, c’est bien d’habiter à l’Ile de Ré (besoin en chauffage 1300 degré.jour) et mal d’habiter en Haute-Corrèze (5000 degré.jour) !
        Les bobos écologues sont devenus une classe sociale arrogante et impitoyable qui impose son mode de vie à l’ensemble de la population !


        • zelectron zelectron 5 octobre 2012 18:50

          tarification progressive en fonction de la consommation et non pas des revenus : c’est une proposition malhonnête !


          • foufouille foufouille 5 octobre 2012 19:38

            ca depend c’est combien la conso de base et le prix du kw/h


          • Laurent C. 5 octobre 2012 20:41

            foufouille,
            C’est même pas un problème de prix ou de consommation !!

            Déjà 1 logement sur 5 ne sera pas concerné. Je ne parle pas des entreprises ou des bâtiments de l’état.
            Un des amendements pour une dérogation :

            Les personnes âgées sont « frileuses » et auront le droit de consommer plus. Les mêmes qui ne ressentent pas la chaleur en cas de canicule.

            Les résidences secondaires ne sont pas prises en compte. Il est vrai qu’on y habite qu’en été. Pas besoin de chauffage, juste la clim pendant l’été , pas concerné dans la consommation d’électricité. On peut aussi les isoler.


          • foufouille foufouille 5 octobre 2012 21:50

            foufouille,
            C’est même pas un problème de prix ou de consommation !!

            ben si
            si tu conso max est de 50/mois
            et si c’est moins cher


          • Croa Croa 5 octobre 2012 22:14

            Tout ça c’est des promesses. Le gouvernement va « échouer » mais ça ne se verra pas, les médias seront passé à autre chose.

            Si le gouvernement voulait vraiment agir en ce sens il ferait en sorte que tout le monde paye l’électricité au même prix pour commencer. Aujourd’hui les gros consommateurs ont droit à un kWh moins cher. C’est là une des conséquence du libre marché et je vois mal les socialos contrer ça. Comment pénaliser des clients payant au départ moins cher ? Ce serait vraiment du n’importe quoi smiley smiley smiley smiley  !


            • Magnon 6 octobre 2012 02:27

              @L’auteur
              Après avoir défini la norme, il y aura les gens en dessus ou en dessous, ce qui ont beaucoup plus de consommation que les autres seront pénalisés !
              C’est normal, consommer s’est mal, ils doivent être châtier !
              C’est mal d’habiter un premier étage obscur exposé plein nord, alors que il y a des gens qui habite un 6eme étage plein sud ensoleillé toute la journée.
              C’est mal d’habiter dans une région climatiquement défavorisée alors qu’il y a des gens qui habite à l’Ile de Ré ou sur le bassin d’Arcachon !
              C’est mal d’être pauvre et d’habiter une maison que l’on n’a pas les moyens de rénover !


              • courageux_anonyme 6 octobre 2012 03:49

                En dehors des considérations géographiques, quid des chômeurs et des handicapés ?
                Coincés chez eux, pauvres, et gros consommateurs d’internet et/ou de TV,
                sans parler du téléphone ?


                • NRJ38 4 décembre 2012 22:42

                  Pour ceux/celles qui s’intéressent à la tarification progressive de l’énergie, je vous recommande le blog suivant : http://tarification-progressive-de-lenergie.com/economie/la-correlation-entre-consommation-energetique-et-revenus/. Il y a beaucoup d’informations et il aborde les multiples aspects du système.

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