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Accueil du site > Actualités > Politique > La troisième voie comme boîte à idée pour la rénovation du PS

La troisième voie comme boîte à idée pour la rénovation du PS

Il est une expérience des plus amusantes. Prenez une adhésion au Parti socialiste. Lors d’un congrès, fondez une motion « sociale libérale ». Vous obtiendrez alors 0,7 % des voix et finirez dans un gouvernement de droite comme secrétaire d’Etat aux Anciens combattants.

Cette anecdote révèle le dédain qui entoure au sein de la gauche française ce qu’il est d’usage d’appeler la « troisième voie ». Pourtant à l’heure où le PS entend se rénover, il n’est peut-être pas inutile de se replonger dans cette philosophie politique non dénuée d’intérêt. Il ne s’agit donc pas ici de regarder béatement l’œuvre de Tony Blair, mais bien de se plonger dans le cadre conceptuel d’Anthony Giddens principal inspirateur de cette théorie afin d’y trouver d’éventuelles bonnes idées à travers deux thèmes qui expliquent en partie la défaite de la gauche à la dernière présidentielle. D’une part, la réforme de l’Etat ; la gauche a dû faire face à un Nicolas Sarkozy qui claironnait sur tous les plateaux de télévision qu’il entendait ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux, sans préciser lesquels ni sur quelle stratégie reposait ce curieux slogan ? D’autre part, la question de « l’insécurité » et de la délinquance argument-massue d’un futur président aux accents démagogiques qui n’entendait pas se placer « du côté des fraudeurs ».

La réforme de l’Etat

En opposition au néo-libéralisme, la troisième voie réaffirme le postulat selon lequel dans de nombreux secteurs (appelons-les services publics bien que Giddens ne s’y hasarde pas) l’Etat est plus efficace que le marché.

Ce qui ne l’empêche pas de suggérer une réforme « radicale » de l’Etat (à ne surtout pas entendre comme la politique bête et méchante de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux ou sur trois du gouvernement actuel).

Cette réforme s’appuie sur ce que Giddens appelle « la démocratisation de la démocratie » ce qui signifie :

- « Une décentralisation du pouvoir de l’Etat » : plusieurs décentralisations ont été effectuées, mais n’ont-elles pas été bâclées ? La décentralisation de 2004 s’apparente davantage à une attribution de compétences sans la moindre logique qu’à une décentralisation réfléchie, surtout les moyens semblent manquer cruellement à des exécutifs territoriaux peu enclins à augmenter les impôts locaux .

- « Une réforme constitutionnelle introduisant plus de transparence et d’ouverture ». Pourquoi pas ? Cette affirmation s’apparente à un idéal, mais, en insistant sur l’exigence de moralité des décideurs publics, Giddens est dans le vrai. La loi Sapin de 1993 ou la loi de 1990 sur le financement des partis politiques sont de bons éléments permettant une meilleure transparence de la vie politique française, mais là-dessus également beaucoup reste à faire. Les ministres impliqués dans les affaires par exemple devraient être légalement tenus de démissionner (c’est à l’heure actuelle une coutume et rien ne les oblige à quitter leur poste).

- « Le relèvement du niveau d’efficacité de l’administration » par « le contrôle des résultats », « la mise en place de structures de décisions plus souples » et « une participation accrue des employés ». On peut ici craindre que « le contrôle des résultats » n’entraîne une culture du chiffre pouvant s’avérer néfaste comme le sont en France les chiffres d’expulsions dont le ministre de l’Immigration français se gargarise allègrement. Mais ces idées ne sont pas à écarter pour autant, un Etat efficace permettrait de faire taire les critiques et la perte de confiance des citoyens envers l’Etat. Cela aurait également le mérite de rendre obsolète les saillies simplificatrices, mais répétés d’émissions telles que Combien ça coûte ? Ou Sans aucun doute et cela n’est pas à négliger !

- « Le recours à des formes de démocratie autres que le processus orthodoxe du vote », comment ne pas penser ici à la démocratie participative prôné par Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle ? Ces processus sont globalement positifs en permettant aux citoyens de se rapprocher de la chose publique, mais il ne faut pas négliger le fait que les gens participant à ce type de démarches participatives sont le plus souvent des personnes âgées et aisées (contre lesquelles je n’ai absolument rien), il conviendrait donc avant de les mettre en place de donner les moyens aux citoyens des classes populaires d’y participer.

Crime et communauté

Giddens relève la multiplication des délits mineurs dans certains quartiers (le terme communauté est à comprendre ici comme un groupe de personnes vivant au même endroit) : « Grafitis, prostitution, trafic de drogue ». Cela occasionne une stigmatisation de ces quartiers comme lieux de délinquance, de non-droit et aggrave du même coût leur situation économique et sociale. Face à cela, la troisième voie n’entend pas que l’on augmente les pouvoirs de la police pour qu’elle débarrasse la rue d’individus indésirables, mais un travail rapproché de la police avec les citoyens pour améliorer les conditions de vie et les comportements de la communauté locale. Il s’agit donc de rapprocher la Police des communautés locales afin que les interventions policières ne s’apparentent pas à des persécutions. Giddens ne nie bien évidemment pas les liens entre le chômage, la pauvreté et les crimes. C’est donc vers un alliage entre la lutte contre ces problèmes sociaux et une approche communautaire du crime qu’il faut tendre. La police communautaire ou « de proximité » est de nouveau expérimentée par le gouvernement. On ne peut ici que déplorer l’attitude politicienne de l’ancien ministre de l’Intérieur qui a supprimé cette police car elle ne correspondait pas à la politique de répression éculée qu’il entendait mener.

La troisième voie est très critiquée par la gauche française car elle est souvent pensée à juste titre d’ailleurs comme la politique menée par le New Labour de Tony Blair. Ces critiques sont très souvent fondées. La politique menée outre-Manche n’a non seulement pas permis de réduire les inégalités économiques, mais elle les a accentuées. La précarité y est également très présente et démontre toutes les limites de cette politique. Pour autant et notamment sur les deux points explicités ici, il semble que la troisième voie fournisse des éléments forts intéressants qui gagneraient à être débattus par les socialistes français dans le cadre de leur reconstruction idéologique, pour qu’enfin une victoire locale soit synonyme d’une victoire future de la gauche sur le plan national.


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9 réactions à cet article    


  • Forest Ent Forest Ent 26 mars 2008 23:44

    Tout ça se discute, mais ce sont surtout des thèmes électoraux de droite. Il me semblerait gênant que la gauche n’ait aucune vision propre de l’économie, surtout au moment précis où nous constatons la faillite de l’iédologie libertarienne largement promue par le PS, mais également les "gauches" de Blair et Schröder.


    • jia 27 mars 2008 22:39

      "Tout ça se discute, mais ce sont surtout des thèmes électoraux de droite."

      Nous parlons de reconstruction et non d’élections. De plus réfléchir à ces sujets permettra au PS( et au reste de la gauche) de disposer d’une vision claire sur ces sujets, ce qui n’empêche pas non plus un travail conséquent pour un programme économique et social solide. Et là aussi les idées ne manquent pas croyez moi (je ne parle pas de la troisième voie qui a quelque peu vieillie sur ces points), encore faudrait-il que les leaders soient moins interessés par le gain d’un canton à Trifouilly les Oies et un peu plus par les débats d’idées...


    • La Zélie 26 mars 2008 23:58

      Excellent !!!!!!

       

      La troisième voie comme boîte à idéeSSSSS pour la rénovation de la gouvernance d’un pays avec des gens sensés( = plein de bon sens) et ayant le sens du devoir public. Je suis pour. Dommage que vous traitiez que 2 idées quoique la réforme de l’état c’est une vaste entreprise

       

      Pour la rénovation du PS : s’il avait du se réformer, il y a longtemps qu’il aurait commencer.

      En tout cas ce parti là avec les petites gentes qui l’animent, il n’aura jamais plus ma voix


      • jia 27 mars 2008 22:30

        "La troisième voie en France est donc incarnée par des partis plus libéraux, AL, Modem, qui dans l’état actuel des institutions, n’ont que peu de chance de se faire entendre."

        Si AL veut dire Alliance Libérale pour moi ce parti me semble bien plus libéral que le Modem dans tous les sens du terme et n’incarne en rien la troisième voie, parce dans social-libéral il y a social.


      • jia 27 mars 2008 22:43

        "On se dit que la rénovation du PS n’est décidement pas à l’ordre du jour et que votre article parait bien désuet"

         

        Malheureusement oui. Mais la médiocrité des dirigeants politiques de ce pays n’empêche en rien de réfléchir. J’y crois malgré tout ...


      • yannick yannick 27 mars 2008 12:23

        le mieux serait d’oublier la gauche et la droite et que le gouvernement retrouve son rôle de base.  

        Le principe de liberté
        Nature fondamentale des droits
        Je crois que seuls les individus possèdent des droits et non un groupe d’individus ; Que ces droits sont fondamentaux et ne sont pas accordés par l’état. Car si l’état a le pouvoir de les accorder, il a également le pouvoir de les enlever et c’est incompatible avec la liberté individuelle.
        Je crois qu’un gouvernement doit son pouvoir uniquement aux individus gouvernés. L’état ne doit donc rien faire au-delà de ce qu’un individu a le droit de faire. Sinon l’état devient un pouvoir à part entière et devient le maître au lieu du serviteur de la société.
         
        Suprématie de l’individu
        Je crois que l’une des plus grandes menaces pour la liberté est d’autoriser à un groupe d’individu, quelle que soit sa taille, à renier les droits d’une minorité ; et que l’une des fonctions primaires d’un gouvernement juste est de protéger chaque individu de l’avarice et de la passion de la majorité.
         
        Liberté de choix
        Je crois que les objectifs sociaux et économiques désirés sont plus efficacement accomplis par une action volontaire que par l’obligation d’une loi.
        Je crois que la tranquillité sociale et la fraternité sont obtenues par la tolérance, la persuasion et le bon exemple et non par l’obligation d’une loi.
        Je crois que les gens dans le besoin sont mieux servis par la charité, qui est le don d’argent par chacun que par l’assistance publique qui est le don d’argent d’autres personnes par l’obligation de la loi.
         
        Egalité devant la loi
        Je crois que tous les citoyens devraient être égaux devant la loi, quels que soient leurs origine, race religion, genre, éducation, statut économique, style de vie ou opinion politique. Aucun groupe ne devrait bénéficier d’un traitement de faveur quel que soit son mérite ou la popularité de sa cause.
        Favoriser un groupe plutôt qu’un autre n’est pas l’égalité devant la loi.
         
        Rôle réel du gouvernement
        Je crois que le rôle réel du gouvernement est négative, et non positif ; défensif, et non agressif. Il est de protéger et non de fournir ; car si l’état est autorisé à fournir pour certains, il doit aussi pouvoir retirer à d’autres, et une fois que ce pouvoir est accordé, il y aura ceux qui le convoiteront pour leur profit. Il mène toujours au pillage légalisé et à la perte de liberté. Si le gouvernement est assez puissant pour nous donner tout ce que nous voulons, il est également assez puissant pour nous prendre tout ce que nous avons. Ainsi, la véritable fonction du gouvernement est de protéger les vies, libertés et biens de ses citoyens ; rien d’autre. Le meilleur gouvernement est celui qui gouverne le moins possible.
         
        Traduit de manière approximative par mes soins d’après le texte « Creed of freedom » ( http://www.freedom-force.org/freedom.cfm?fuseaction=creed )
         

         


        • antiholiste 27 mars 2008 12:28

          La troisième voie, par définition, dépasse le clivage gauche/droite traditionnel.

          Le PS lui fleurte depuis sa naissance avec l’extrême gauche. Le calcul est simple, augmenter ses parts de marché électoral en surfant sur la bêtise populaire ("j’aime pas les riches"). Pour devenir social-libéral, il lui faudrait rompre avec sa base, ce qu’aucun politique ne fera de peur de ruiner sa carrière.

          Le scénario blairiste de mutation idéologique est impossible en France. Le Royaume-Uni n’a pas subit l’influence marxiste comme nous la subissons aujourd’hui encore dans le discours ambiant sur la lutte contre les inégalités économiques. Le boulet culturel a encore de longues années devant lui.

          La troisième voie en France est donc incarnée par des partis plus libéraux, AL, Modem, qui dans l’état actuel des institutions, n’ont que peu de chance de se faire entendre.

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