Le manque d’humour a probablement tué le Communisme
Le Parti Communiste est moribond en France. A qui la faute ? Certains diront qu’il n’est plus en adéquation avec le monde d’aujourd’hui, que la lutte des classes et la dictature du prolétariat n’intéressent plus les travailleurs qui sont devenus matérialistes. On peut en douter en un pays prompt à se mettre en grève, souvent râleur et ne supportant pas les injustices et les passe-droits. Mais à y regarder de près, on peut affirmer que les communistes tant en France que partout ailleurs dans le monde n’ont jamais été très drôles. Ils se sont présentés partout en dogmatistes sectaires peu enclins à la plaisanterie et cela depuis les origines. Marx et Engels n’étaient pas des boute-en-train et ce ne fut jamais la franche rigolade Place du Colonel Fabien !
Cependant, cet article ne concerne en rien l’idéologie communiste qui selon les opinions peut être détestable ou altruiste pour ne pas dire utopiste. Le communisme a apporté son lot d’espoir et aussi d’intolérables dérives, ce n’est pas le propos d’aujourd’hui.
En dehors du caricatural Georges Marchais, et à un degré moindre de Jacques Duclos, il fallait vraiment les pincer pour voir sourire les communistes. Mais le célèbre « Taisez-vous, Elkabbach » était-il volontairement humoristique ? Seuls les trotskistes ont été et sont encore plus sinistres. Marcel Cachin et Maurice Thorez n’étaient pas des comiques et ceux qui ont écouté, pour ne pas dire subi, les discours de Waldeck-Rochet, de Paul Laurent et de Marie-George Buffet ne se souviennent pas de calembours et de facéties particulièrement croustillantes. Patrick Braouzec, pourtant excellent maire n’a jamais déridé les foules. Seul le très fin Krasucki qui jouait à l’idiot de village en se trompant avec les nouveaux francs, devait rire sous cape à ses propres facéties.
En Union Soviétique, en dehors de Staline, un plaisantin facétieux réputé pour ses galéjades et ses bons mots, on ne peut pas dire que l’on se fendait la poire en écoutant Kossyguine, Brejnev et Andropov. Nikita Kroutchev fit sourire avec l’épisode de la chaussure, mais ce fut à peu près tout. En Espagne, Dolorès Ibarruri devait être une pince sans rire. Quant aux asiatiques de Mao Tsé Toung, à Pol Pot en passant par Ho-Chi-Min et la dynastie de Kim-Il- Sung, ils ne furent jamais réputés pour leur humour délirant. Seul Chou-en-Lai était parait-il un marrant qui levait le coude. Castro et son frère ne sont guère plus divertissants. L’humour du « Petit père du peuple » est cependant un humour noir. Et en dehors du « Pape, combien de divisions ? » et de ses tentatives de saouler Roosevelt et Churchill à Yalta, on ne peut le retenir comme grand comique.
D’ailleurs, le journal satirique « Krokodil » fit longtemps les frais du manque d’humour soviétique. Les Russes par contre, avaient de le sens de la répartie et ne se gênaient pas malgré les risques encourus de faire des blagues sur les « maitres du Kremlin ».
En mai 68, le seul point d’accord entre les Jeunesses Communistes et les mouvements trotskistes était la condamnation des Gauchistes traités d’aventuristes, de déviationnistes et d’opportunistes selon la dialectique appropriée. Mais ce que les communistes reprochaient le plus aux Anars, aux Gauchistes et aux Spontanéistes était leur goût de la rigolade, leur obscénité, leur total manque de respect et leur inclination pour la sexualité. Dire alors que le Drapeau Rouge était de la même couleur que le sang, celui des hémorroïdes, n’était que moyennement apprécié des militants !
L’Union Soviétique et les Démocraties Populaires satellites ne supportaient pas la gaudriole. Il fallait être sérieux, copuler était une tare de petit-bourgeois. Les prostituées étaient bannies comme parasites sociales, même si elles étaient utilisées dans les hôtels internationaux pour espionner touristes et hommes d’affaires occidentaux. Il y avait bien quelques Mata-Hari de l’Allemagne de l’Est, mais ce n’était pas le lupanar.
Le Parti était celui des Fusillés, il ne fallait pas rigoler avec cela. Guy Môquet a-t-il tiré un coup avant de passer devant le peloton d’exécution ? On peut en douter. Aragon qui aimait le sexe, certains diront les sexes, est un génie, mais on ne retrouve pas d’humour délirant dans son œuvre comme chez les surréalistes, sauf peut-être au tout début. Et Jean Ferrat, proche du PC, malgré la beauté de ses vers n’a jamais donné dans le corps de garde, sauf une fois dans sa chanson sur Santiago de Cuba où il parle des petits seins des métisses et danse comme une saucisse. Enfin, il faut vraiment avoir le sens du décalage pour apprécier les chansons de Colette Magny sur « la soupe de poisson du lac Balaton » et « ses lettres de noblesse dans la bouillabaisse » même si « Un seul espoir, c’est Cuba ! »
Le manque d’humour chez les communistes vient probablement de la dialectique et du vocabulaire formaté qu’ils ont utilisé. La cause « sacrée » du prolétariat ne permettant pas la dérision. Quoi de plus sinistre que la prose marxiste en dehors d’Emmanuel Kant et des épitres de Paul ! Le moralisme communiste a d’ailleurs condamné autant le mot de travers qui n’était pas dans la ligne du Parti que les distractions profanes considérées comme bourgeoises. Cette forme de pruderie est probablement à l’origine du politiquement correct, bien avant la reprise du slogan par la société américaine.
Car le communisme est une forme de religion, une religion de l’extrême qui n’a plus besoin de Dieu, mais d’un clergé dogmatique pour remettre dans le droit chemin les ouailles. On entrait en communisme comme on entre au séminaire, pas question de se marrer. Et d’ailleurs les relapses, les transfuges et les apostats sont déchirés et très mal quand ils quittent le Parti, la mort dans l’âme qu’ils sont supposés ne pas avoir. Ils sont mal à l’aise comme des prêtres défroqués. Remarquons qu’ils sont souvent passés par la case des Réformateurs avant de claquer la porte, comme s’ils avaient eu besoin d’un purgatoire avant de réintégrer l’enfer du monde capitaliste.
Les communistes ont inventé un scoutisme athée avec les Pionniers, une sorte de patronage laïc particulièrement austère. Les films tels « Good bye Lenin » « Papa est en voyage d’affaires » ou « Vodka citron » donnent une image assez précise de cette période sans fantaisie et du retour à la fête après la chute du régime.
Le côté religieux et moral des communistes les rapprocherait donc à la fois des intégristes islamistes et chrétiens ainsi que des néoconservateurs américains.
C’est donc probablement plus le manque d’humour, d’autodérision et de distanciation qui a tué le communisme, plus que le matérialisme consumériste, la CIA et la guerre des étoiles.
Une chance pour la planète est que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Nous avons donc une possibilité de voir à terme disparaitre dans les mêmes conditions le fondamentalisme religieux et le conservatisme nord-américain. Car si le rire est le propre de l’homme, il ne l’a jamais été des ultrareligieux et des communistes.
Mais un autre dogmatisme sinistre commence à poindre celui des écolos purs et durs. Cohn-Bendit qui vient du gauchisme a encore de l’humour, mais pour combien de temps. Mais que dire de Lipietz, de Duflot ou d’Eva Joly ? Pas plus de dérision que Vincent Placé qui semble avoir été piqué par les guêpes. Quant à Yann « Plastic » Bertrand il n’est pas véritablement un hilarant de la Baltique.
Sans parler plus à droite de Corine Lepage, Waechter ou Lalonde. Pour ces gens on ne peut pas rire de tout, même avec n’importe qui. Allez leur sortir une blague sur les oiseaux mazoutés, la bombe à neutrons ou le réchauffement climatique et vous allez voir l’effet ! Alors, le dogmatisme vert va-t-il remplacer les indigestes communistes sur l’échiquier politique ? C’est fort possible si ce n’est souhaitable.
Ce qui a entrainé l’agonie du communisme, c’est que ses adeptes n’ont pas réussi à comprendre que rien n’est respectable et qu’il faut se foutre de la gueule tant de ses ennemis que de ses amis, que rien n’est sacré et que l’on peut se moquer de tout. Enfin que la cause la plus noble mérite la dérision, l’ironie et le quolibet.
Dernier mot d’ordre pour la route : « Prolétaires de tous les pays, déridez-vous ! »
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