Le socialisme s’habille en Prada
Personne n’en doutait… ! Laurette Onkelinx n’est pas une tête pensante du PS, mais tout doute est tombé en même temps avec les vêtements dont l’ancienne ministre socialiste s’est joyeusement, sinon avec grâce, dépouillée pour le magazine Elle.
Certes, la libération de la femme est un combat auquel la gauche se dit attachée et cette libération implique le droit de se déshabiller quand elle veut. Y compris dans les pages d’une publication féminine qui nous illustre ici les vraies priorités d’une certaine gauche : les tendances de la mode et du dernier rouge à lèvres en vogue pour l’hiver 2014-2015.
Laurette marche dans les pas de plein d’autres hommes et femmes politiques, bien plus célèbres qu’elle (hélas), qui ont franchi la frontière tellement fragile entre vie publique et vie privée. Les mêmes qui font semblant de s’indigner quand les tabloïds nous livrent leurs photos secrètes, que par ailleurs cette pseudo-élite politique n’hésite pas à en faire son fond de commerce, sans aucune retenue. Bien sur, Laurette ne restera pas dans l’histoire de la Belgique pour ses faits ministériels, mais au moins se rappellera-t-on d’elle avec compassion comme « la fille de la page 3″… !
Ce que la leader socialiste a du mal à comprendre, c’est le timing désastreux de sa sortie dans Elle. Une semaine à peine avant son shooting glamour, Laurette frisait en effet l’hystérie pathétique au Parlement, pour nous parler des drames sociaux qui menacent le pays, les bataillons de capitalistes qui nous guettent, maintenant que le PS est sorti du gouvernement fédéral, après un quart de siècle de pouvoir non-partagé.
L’épouvantail du « bain de sang social » (sic !), que le PS n’hésite pas à agiter, n’était pas encore rangé sous l’arbre de Noël, quand Mrs Onkelinx soudainement change de discours (encore que ce serait une nouveauté !), pour nous raconter à quel point la vie est belle et réjouissante pour elle. Au point d’être à l’aise nue devant les caméras.Le pays souffre mais Laurette est épanouie : voilà le nouveau message.. ! une telle attitude démontre ainsi à quel point l’ancienne ministre est loin des préoccupations du peuple que pourtant son parti invoque régulièrement d’une voix presque mystique.
Les politiques veulent montrer qu’ils sont « comme nous » (comme si c’était ce que les citoyens leur demandaient en priorité !), ils se mettent donc en scène pour nous le prouver. Les voitures brûlent sur le parvis bruxellois, les grévistes prennent le pays en otage, mais la vie est belle pour Laurette et son parti qui alimente le scandale. Les préoccupations quotidiennes sont d’une autre nature. Certes, se montrer sous son meilleur angle lors du shooting n’est pas du même registre que survivre au quotidien avec le chômage ou le saut d’index.
La décision de Laurette de poser quasi nue c’est un choix personnel mais qui prouve sans difficulté l’immense écart entre le discours du Parti Socialiste sur la situation du pays et le train de vie des leaders de ce parti, ainsi que l’opportunisme de leurs interventions devant les caméras. Hystérique à la Chambre contre le gouvernement (opposition oblige), épanouie et heureuse dans les pages d’Elle. Tant pis si quelques dizaines de milliers de personnes déstabilisent le pays et font involontairement le jeu des séparatistes flamands comme la NVA qui affirment que la Belgique est ingérable.
Le PS, tout comme le PTB, agitent par calcul politique la rue, via la FGTB notamment, mais en même temps ses chefs décrédibilisent leur discours, comme Laurette. Ou plus précisement, montrent que l’insurrection contre le gouvernement est simple opportunisme politique, d’un parti qui a du mal à respecter le résultat des élections et donc l’opinion publique. Bon, on comprend pour le PTB, dans les pays qui leur servent de modèle politique, les élections sont rarement organisées et l’on connaît d’avance les résultats. Les pauvres, ils ont du mal à comprendre ce que l’expression volonté du peuple veut dire, même si c’est justement sur ce syntagme qu’ils comptent faire carrière.
Le PS et le PTB nous apprennent qu’au-delà du discours idéologique, dépourvu de tout réalisme, mais qui se veut populaire, forcement populaire, la Révolution est en route. L’on parlera à une autre occasion des costumes à milliers d’euros d’Elio di Rupo ou les voyages en première classe du porte-parole du parti qui se prétend pourtant près des ouvriers, vous l’avez deviné, c’est de Raoul Hedebouw qu’on parle.
La désacralisation politique peut s’avérer un phénomène positif, s’il est accompagné d’une proximité constructive avec le citoyen lambda. Par contre, se montrer nue comme une starlette, juste pour attirer encore l’attention sur elle – à défaut de convaincre par son action politique – illustre l’incapacité chronique de produire autre chose que de la banale téléréalité. Une question existentielle se pose : Laurette est-elle la Nabilla du Parti socialiste belge ? Laurette n’est pas au premier coup d’essai de peoplesiation. Rappellons qu’elle nous déjà citait le 1er Mai 2013 (Fête du Travail pour certains, tiens) le fameux « Allô quoi ». Fini les citations de Jaurès dans les discours socialistes, désormais place à la diva du shampooing. Esperons pour Laurette que les tentatives d’imiter Nabila vont s’arrêter là, vu que cette dernière croupit actuellement en prison, inculpée pour tentative de meutre. Or, à ce jour, à part le bon sens politique, Laurette n’a rien assassiné.
Admettons, l’on n’aura pas la cruauté de faire remarquer au PS l’ironie de la situation : les anticapitalistes farouches qu’ils se déclarent font du pur marketing politique.
Cette hypocrisie idéologique est presque aussi hilaire que celle du PTB, anticapitaliste qui fait de la publicité sur les réseaux sociaux avec l’argent de la dotation parlementaire. Encore une peu, l’on nous dira demain que le même Raoul Hedebouw est devenu trader à Wall Street, ce serait du même registre. C’est bien de rêver de la révolution sociale, le plus difficile c’est de se réveiller et la mettre en application, autrement que par des discours sculptés en langue de bois qui ne font pas illusion.
Dans l’incapacité de s’affirmer comme femme politique, Laurette essaie désespérément de s’affirmer comme femme tout court, qui assume plus facilement son corps que son discours politique. Laurette n’a pas su utiliser l’occasion présentée par le magazin Elle, pour transmettre un message politique intelligent féminisé. Au contraire, l’on peut lire avec stupeur que le souvenir qu’elle met en avant, de sa période ministérielle, c’est la fête surprise pour ses 40 ans. Désormais, le socialisme s’habille en Prada.
Malheureusement pour elle, en dehors de cette insoutenable légèreté, le shooting renvoie également une image stéréotypée de la femme. Celle de devoir se déshabiller pour attirer encore l’attention sur elle. Elle ne décrédibilise pas seulement le discours social du Parti Socialiste belge, mais aussi le discours féministe de la gauche radicale comme le PTB. En totale contradiction avec ce discours, la gauche reproduit les mêmes scénarios sexistes. Elle n’est certes pas la seule. Déjà en campagne électorale, le PTB, parti éminemment masculin, qui peine à attirer des femmes, mettait en avant l’image d’une starlette blonde, épanouie elle aussi, comme Laurette, mais par la lessive.
Comme le FN français, le PTB stalinien préfère les blondes sans toutefois leur attribuer le même rôle (le FN serait-il plus féministe que le PTB ?) pour sa campagne de pub pour la taxe des millionnaires. L’on ne s’étonnera plus que le taux de représentativité féminine est particulièrement bas à l’extrême gauche, tout comme à l’extrême droite. Les deux extrêmes réduisent la femme à l’image de la ménagère fée du logis ou la pinup qui se déshabille. Seulement que le rôle de la pinup dénudée est joué dans le cas présent par une ancienne ministre, en charge, entre autres, de l’Intégration sociale, de la Santé publique et de l’Environnement, voir vice-Première ministre et ministre fédérale de l’Emploi et de… l’Égalité des chances. Si cela n’est pas de l’humour involontaire….
N’accablons pas la nouvelle starlette, de grâce. Vu que sa carrière politique approche la fin tant attendue, présentons-lui tous nos voeux de succès dans sa nouvelle carrière en fredonnant cette vieille chanson de Michel Delpech, « C’était bien chez Laurette ».. !
La nostalgie, camarades : c’est tout ce qui vous reste !
7 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON