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Les dix professions de foi de la présidentielle 2012 (2/2)

Dans la boîte aux lettres des presque quarante-cinq millions d’électeurs inscrits sur le territoire français, une grosse enveloppe beige va être ou vient d’être déposée par les intérimaires des préfectures. Seconde partie.

Exercice de communication politique minimale et quasi-rituelle, les professions de foi donnent un aperçu politique et personnel des candidats à l’élection présidentielle. Suite et fin du premier épisode.


6. Nathalie Arthaud (42 ans).

C’est la double page la moins agréable à lire car la plus sobre, comme à l'époque d'Arlette Laguiller. La photo de la candidate en première page est plutôt belle. L’intérieur est en revanche illisible. Je ne vois pas du premier coup d’œil ses priorités et le texte dense n’est pas facile à la lecture d’autant plus qu’un tiers est surligné en jaune (beaucoup trop pour attirer l’œil).

Le slogan "Candidate de Lutte ouvrière, une candidate communiste" insiste étrangement sur la personne et pas sur le programme et cherche à récupérer les voix des communistes (seule candidate sur les dix à se revendiquer ouvertement du communisme).

Dans son texte très aride, il y a deux pépites de sincérité qui rendent son discours authentique. Sur son vote : « Je ne dis pas qu’il suffit de voter pour ma candidature pour que ces objectifs se réalisent. J’affirme au contraire qu’il n’y a pas de "sauveur suprême" pour les classes laborieuses, et surtout pas parmi les principaux candidats représentant, tous, des politiques fondées sur les intérêts de la classe privilégiée. ».

Et aussi sur son ambition et sa lucidité : « Je n’ai évidemment pas la prétention d’être élue. Les commentateurs me reprochent bien souvent d’être une candidate de témoignage. J’assume cette étiquette en faisant remarquer tout de même qu’en dehors des deux rivaux du deuxième tour, dont un seul sera élu, tous les autres sont des candidats de témoignage. ».

Pas de biographie de la candidate (pourtant, les électeurs votent pour une personne).


7. Jacques Cheminade (70 ans).

Globalement, le document est clair et bien présenté. Alors qu’en 1995, il était taxé d’extrême droite, il y a visiblement la volonté de se revendiquer à gauche (le candidat a déjà déclaré qu’il hésiterait au second tour entre François Hollande et le vote blanc) avec la moitié de la première page en rouge et ce slogan qui reprend le titre de son dernier livre : "Un monde sans la City ni Wall Street").

Dans la dernière page, le candidat cite d’ailleurs à la fois Jaurès et De Gaulle en souhaitant des « lumineux réveils » et « la cause de l’humanité ».

La photo de la première page, sur fond d’usine grisonnante, n’est pas trop mal même si le lecteur pourrait souhaiter avoir un petit regard vers lui. La photo de la dernière page, avec un gros manteau, montre un candidat en train de discuter avec une femme, visiblement dans un marché, on distingue un stand de vêtements au fond.

Les titres du programme sont à l’infinitif, comme une sorte de vade-mecum de la résolution de la crise.

Le fond des propos hésite entre un discours démagogique propre à l’extrême gauche (« Faire sauter le verrou financier comme à la Libération », « Combattre le féodalisme financier ») et un discours loufoque fait de fusion nucléaire et d’aventure martienne (« Se donner les moyens de peupler le monde avec la physique nucléaire » ou encore : « Relever les défis du développement de l’Afrique et de l’exploration spatiale »). Peut-être compte-t-il séduire des abstentionnistes astronomes en herbe, qui doit être une niche électorale très restreinte.

Pas de biographie du candidat (pourtant, les électeurs votent pour une personne et il s’agit ici du candidat le plus huluberlu). Pas même d’échantillon manuscrit, donc, il est impossible d’en savoir plus sur l’homme.


8. François Bayrou (60 ans).

Dans l’ensemble, les quatre pages sont clairement présentées mais l’orange convient mal, surtout en dernière page, et l’association du bleu très clair et de l’orange foncé me paraît assez brutal au regard. L’orange est la seule référence au MoDem ou à l’ancienne UDF dans cette profession de foi.

La photo de la première page du candidat reprend celle des affiches depuis longtemps, avec un air plutôt confiant et sympathique mais regardant au lointain, donnant l’impression qu’il préfère présenter sa vision du monde à convaincre les électeurs. Par ailleurs, son sourire aurait mérité d’être la bouche fermée, les dents exprimant un aspect carnassier qui colle mal à la réputation consensuelle du candidat.

Il y a aussi un mix de deux slogans, un premier ("Un pays uni, rien ne lui résiste") basé sur une anacoluthe et écrit de sa main, et un nouveau ("La France solidaire") qui semble à la mode (deux autres candidats ont aussi pris un slogan du même mode avec "La France" et un adjectif) et qui est aussi le titre de son dernier livre.

Dès la première page (au contraire de trois autres grands candidats), le candidat indique clairement ses quatre priorités dont la première est la moins sexy (« Sortir notre pays du surendettement »).

Du coup, l’échantillon d’écriture manuscrite et de signature est placé dès le début (habituellement, c’est à la fin) et montre un esprit intelligent, dynamique à l’esprit rapide.

Les deux pages centrales exposent clairement le programme du candidat avec des titres de paragraphe écrits à la première personne du singulier et des photos en haut montrant le candidat en campagne.

La forme typographique n’est pas parfaite (ce qui est peu acceptable dans un document avec un tel enjeu), avec un o dans l’e qui manque à « je mettrai en oeuvre » alors que ce caractère a été mis en majuscule ailleurs : « JE METTRAI LA DIMENSION ÉCOLOGIQUE AU CŒUR DE TOUTES LES DÉCISIONS ». Cela peut paraître un détail mais un document de cette nature (comme un CV pour une candidature d’embauche) doit être parfait, d’autant plus que les traitements de texte actuels corrigent même automatiquement la plupart des erreurs typographiques.

La dernière page mise sur le référendum sur la moralisation de la vie politique qu’il propose dès le 10 juin et sur l’agenda de sa première année de mandat.

Au contraire de 2007, comme les autres "grands candidats", il n’y a pas de biographie du candidat (pourtant, les électeurs votent pour une personne).


9. Nicolas Dupont-Aignan (51 ans).

La profession de foi du candidat est elle aussi claire et lisible, peut-être la plus agréable à lire de toutes. Pourtant, il y a un petit parfum d’élu local, je dirais plutôt qu’il s’agit d’une profession de foi pour une élection législative. La couleur violette donne presque un air d’enterrement qui convient mal au dynamisme incarné par le candidat.

La photo de la première page est classique et correcte, avec peut-être un manque de sourire puisque le candidat a décidé de regarder dans les yeux les lecteurs. Le slogan "La France libre" sonne comme un plagiat fait sur d’autres candidats (même si c’est peut-être lui qui a trouvé le premier son slogan, je ne sais pas).

Les deux pages centrales déroulent quatre grands chapitres du programme du candidat avec un mode opérationnel assez efficace en trois parties : un impératif à la première personne du pluriel (« Libérons-nous ! ») puis le bilan de ses concurrents (« Leur échec ») et enfin sa solution (« Je veux »). Donc, le discours partage le monde en trois groupes : "nous" ("vous et moi"), "eux" (les gouvernements précédents, même ceux qu’il aurait pu soutenir comme parlementaire depuis 1997), et enfin, "moi" (qui apporte les solutions).

Chaque fois agrémenté d’une photo, ce qui est utile sauf la seule où le candidat apparaît et qui semble cerné par des policiers, comme si on venait l’arrêter !

Par manque de place et faisant un peu désordre et mal rangé, le candidat a rajouté là où il y a encore un peu de place plein d’autres mesures sous le titre « Et aussi » pas très lisibles, celles-ci.

Sur le fond, le candidat use et abuse de démagogie à trois sous, par des mesures forcément populaires comme : « Supprimer les péages sur les autoroutes déjà amorties » sans dire qu’une autoroute, cela doit s’entretenir aussi et si la part d’amortissement devrait effectivement être déduite des péages, la part d’entretien reste essentielle pour maintenir un réseau routier en bon état, même l’hiver (il suffit de se rendre dans certains pays pauvres pour comprendre qu’une route doit s’entretenir, pas seulement être construite une fois pour toute) ou par l’utilisation d’expressions excessives comme : « Taxer les marchandises importées qui sont fabriquées à partir de l’esclavage humain. ».

C’est le seul candidat qui consacre une demi page à sa biographie, qui ressemble beaucoup à un bilan de mandat d’un élu local avec une imperfection typographique qui ne devrait pas exister dans un tel document (a priori, le candidat doit signer un bon à tirer) puisqu’il est dit qu’il est « maire de WYerres ». Il faut espérer qu’il serait moins négligeant si jamais il était aux commandes de l’État.

En parlant de ses enfants, de son père et de son grand-père, comme pour se donner des lettres de noblesses patriotiques (« fils d’un prisonnier de guerre » etc.), il s’est placé clairement dans le sillage d’un Jean-Marie Le Pen qui rappelait sans cesse qu’il était pupille de la nation (alors que le candidat est pourtant très clair sur son rejet de toute xénophobie).

Par ailleurs, le candidat se glorifie du non au référendum de 2005 alors que sa voix était peu médiatisée à l’époque (et donc son influence comme « artisan de la victoire du non » très négligeable).

Il indique aussi qu’il est « un candidat 100% indépendant » en oubliant de rappeler qu’il a été élu trois fois député avec l’investiture de l’UMP (ce qui réduit quand même l’indépendance). En revanche, il s’est bien ensuite présenté aux européennes de 2009 et régionales de 2010 sous ses propres couleurs (en compétition avec l’UMP, donc).

Une autre moitié de la quatrième page présente une petite lettre aux électeurs agrémentée de quelques mots manuscrits et de la signature du candidat qui font apparaître, à ma grande surprise, lui à l’apparence si lisse, un aspect compliqué et parfois ambigu (hampes de lettre pas forcément parallèles, par exemple) qui peut finalement, à bien y réfléchir, se retrouver dans le discours complètement incohérent et débridé du candidat depuis trois mois (histoire de renforcer sa notoriété).

Il aurait mérité sans doute mieux intellectuellement que le contenu de sa campagne faite de bric et de broc pour appâter le chaland.


10. François Hollande (57 ans).

Là aussi, c’est assez visible que la profession de foi a été préparée par des professionnels de la communication politique, même si tout n’est pas parfait dans la forme.

La photo de la première page, qui a réussi à la fois à mettre la distance qu’impose la fonction présidentielle et la proximité par le regard direct vers l’électeur, n’est pas la meilleure, la photo de la page centrale est nettement mieux, sans doute parce que le candidat ne sourit pas, ce qui lui donne un air légèrement taciturne. Cela dit, globalement, l’ensemble est plutôt bon avec en arrière-fond un bleu ciel et une campagne vallonnée que je suppose être la Corrèze (?).

Rien de nouveau sur le slogan ("Le changement, c’est maintenant") ni sur le logo du nom du candidat, le seul à avoir un logo avec son nom ("François Hollande 2012").

Les trois autres pages sont claires même si elles sont un peu trop chargées, avec des titres en bleu et des premières phrases en rouge avec sans arrêt la première personne du singulier.

Pas d’échantillon d’écriture (c’est étrange pour un favori) mais une signature singulièrement enfantine, dessinant presque une soucoupe volante ! La référence aux partis socialiste, radical de gauche et MRC est très discrète néanmoins présente au contraire de l’UMP, du FN ou du MoDem chez d’autres candidats. La discrétion socialiste se ressent aussi par l’absence de couleur rose ou rouge (à part les titres des chapitres). La couleur dominante reste le bleu.

Sur le fond, il y a, à mon sens, des formules malheureuses, comme « un "volet handicap" sera introduit dans chaque loi » alors qu’il s’agit de personnes comme l’a bien évoqué la profession de foi de François Bayrou par exemple : « Les personnes handicapées se verront reconnues dans tous leurs droits. », là, je comprends que le candidat parle de personnes réelles, pas d’un sujet abstrait et barbant (on en parle une fois pour toutes et on oublie ensuite).

Il y a aussi une phrase qu’il faut croire sur parole mais qui me paraît pertinente : « Je ne veux rien promettre que je ne sois capable de tenir. Je connais nos atouts et j’ai confiance dans notre avenir. ».

Pas de biographie du candidat (pourtant, les électeurs votent pour une personne), probablement à cause de son absence d’expérience ministérielle (mais il n’est pas le seul).


Dernière station avant les urnes ?

Je le répète, cette analyse n’est que la retranscription d’impressions personnelles purement subjectives mais que peut-être certaines personnes auront pu faire leurs. Mon objectivité s’est bornée à faire la part des choses et à parfois apprécier le document de candidats dont je combats vivement les thèses ou, a contrario, de critiquer le document de candidats dont je me sentirais le plus proche.

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Je ne connais pas le pouvoir d’influence que peuvent avoir ces professions de foi. Je connais certaines personnes très hésitantes, même préoccupées car elles ne veulent pas s’abstenir et veulent sérieusement accomplir leur devoir de citoyens mais ne savent pas vraiment à quel saint se vouer et sont prêtes à passer un peu de temps à lire attentivement toutes ces professions de foi pour se faire une dernière idée avant le scrutin. Que le meilleur gagne !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 avril 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les dix candidats de 2012.
Les professions de foi de 2007.
Programme présidentiel de François Hollande (à télécharger).
Programme présidentiel de Nicolas Sarkozy (à télécharger).
Programme présidentiel de François Bayrou (à télécharger).
Programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon (à télécharger).
Programme présidentiel de Marine Le Pen (à télécharger).
Profession de foi de François Bayrou (2012).

(Illustration tirée de "Superdupont" par Gotlib).


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1 réactions à cet article    


  • docdory docdory 17 avril 2012 13:06

    @ Sylvain Rakotoarison

    Après avoir suivi attentivement cette campagne et lu intégralement la totalité de ces programmes, j’ai l’impression d’une sorte d’illustration de la célèbre fable des six aveugles et de l’éléphant 
    Il suffit de remplacer les six aveugles par les dix candidats à la présidentielles et la France par l’éléphant...
    Le choix de l’électeur reviendrait finalement à choisir, parmi toutes ces analyses tronquées ( dont chacune contient une part de réalité ) et qui composent chaque programme électoral, celle qui correspond le plus à son propre aveuglement !

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