Les présidentiables, l’emploi et la lutte contre le chômage
Plusieurs enquêtes d’opinion indiquent que les propositions concernant l’emploi et la lutte contre les précarités seront un déterminant majeur du choix des électeurs. A moins de quatre mois du premier tour de l’élection présidentielle, ces thèmes ont été abordés par tous les candidats, mais les différents programmes proposés n’apportent pas pour l’instant de réponse précise à nombre de questions essentielles. Cette première synthèse des premiers mois de campagne sera prochainement complétée par un second article.
L’objectif d’une réduction massive du chômage est affichée par les principaux candidats. L’objectif affiché de l’UMP est de ramener le taux de chômage à 5% en dix ans. Même objectif pour le PS qui, au pouvoir, compte diviser par deux le chômage d’ici à 2012. « Réussir le plein emploi dans un développement durable » est le premier titre du programme du PS. Pour les Verts, l’enjeu prioritaire est de mettre en place des dispositifs pour aller vers une société où chacun puisse articuler à son gré temps de travail et temps de vie pour soi, pour augmenter son autonomie tout en ayant une garantie de droits et de revenus. Pour le Front national, l’emploi disponible en France se doit d’être réservé, par priorité, aux citoyens français. De la même façon, un système de taxation du travail étranger doit être mis en place. Pour l’UDF, la question de la baisse des charges constitue un point essentiel.
Nicolas Sarkozy compte supprimer le contrat à durée déterminée (CDD) et le remplacer par un contrat unique à durée indéterminée (CDI) évolutif en fonction de la carrière du salarié. La modernisation du droit du travail serait réalisée afin que « celui-ci cesse de décourager les créations d’emplois ». Nicolas Sarkozy répète souvent son leitmotiv : « Travailler plus pour gagner plus », comme si c’étaient les salariés qui choisissaient leur temps de travail. Ségolène Royal affirme la primauté du CDI en proposant de moduler les cotisations sociales selon la durée des contrats de travail. Concernant les 35 heures, Nicolas Sarkozy propose de les maintenir avec la « possibilité pour les salariés et les chefs d’entreprise de s’en exonérer ». Au fil de la campagne, afin de donner un aspect social à son projet, Nicolas Sarkozy multiplie les propositions plus sociales : création d’un compte épargne formation doté d’un capital initial de vingt années, généralisation des "écoles de la deuxième chance " (une par département en cinq ans, et une par bassin de 100 000 habitants en dix ans), et création d’un "droit à la première expérience professionnelle" pour tous, assuré par l’Etat, les collectivités locales, les associations ou les entreprises bénéficiant de la commande publique. Nicolas Sarkozy propose aussi la mise en place d’une "Sécurité sociale professionnelle" sans que l’on sache précisément ce que le candidat met derrière cette formule.
Pour la candidate socialiste, la création d’une Sécurité sociale professionnelle doit permettre de garantir un droit à la formation tout au long de la vie, ainsi que des garanties de ressources : « L’heure n’est plus au rafistolage. Il faut repenser tout le système. Nous le ferons avec les partenaires sociaux dans une grande négociation sur
Enfin, pour les jeunes sans emploi, le projet socialiste propose le projet EVA (programme d’entrée dans la vie active) défendu par Martine Aubry au moment des discussions sur le projet. Cette allocation d’autonomie, associée à un suivi individualisé, devrait permettre d’assurer un minimum de ressources aux 18-25 ans privés d’emploi.
Les propositions concernant l’entreprise sont nombreuses. Ségolène Royal compte « réconcilier les entreprises avec le public en valorisant celles qui assument leur responsabilité sociale ». Conditionner les aides publiques à des engagements sur l’emploi et les salaires, moduler l’impôt sur les sociétés selon que les bénéfices sont réinvestis ou distribués, faciliter l’accès aux crédits pour les PME et, enfin, modifier les prélèvements sociaux afin qu’ils cessent de pénaliser l’emploi (prélèvements sur l’ensemble de la valeur ajoutée, et non sur le seul travail) ; telles sont les principales propositions de la candidate socialiste.
Nicolas Sarkozy propose d’exonérer de charges les heures supplémentaires. Il souhaite instaurer plus de concurrence dans la grande distribution afin de faire baisser les prix. Il promet
François Bayrou insiste sur le rôle des PME. Il propose un "small business act à la française" qui simplifierait les contraintes administratives et fiscales des petites entreprises. Il y aurait exemption fiscale des premiers bénéfices s’ils sont réinvestis dans l’entreprise. François Bayrou souhaite permettre à chaque entreprise de créer deux emplois sans charge, à l’exception des cotisations retraite.
Philippe de Villiers préconise une baisse de charges de 50% pour les PME-PMI et l’exonération de toutes les charges sociales pendant deux ans pour les entreprises nouvellement créées. De Villiers incitera aussi à la création de PME dans les zones rurales, et établira l’actionnariat populaire universel pour faire face aux OPA et aux délocalisations.
Tous ces partisans de l’exonération des charges devront nous dire comment ils financent les protections sociales collectives.
Quel doit être le montant des minima sociaux ? Faut-il exiger une activité des allocataires de minima sociaux en contrepartie de la perception du minima social ? Plusieurs candidats se sont exprimés sur ces deux questions.
Ségolène Royal propose de créer un "revenu de solidarité active" pour aider les travailleurs pauvres, bénéficiaires de minima sociaux, à mieux s’insérer dans le marché du travail. "Ça coûte cher, mais ça rapporte aussi", affirme Ségolène Royal à Strasbourg le 20 décembre 2006. "Les conservateurs n’ont pas compris l’essentiel : la justice sociale et la qualification sont les ressorts de la performance", affirme la candidate.
Pour Nicolas Sarkozy, « L’écart de revenu entre celui qui travaille et celui qui vit d’un minimum social n’est pas suffisant (...) Il faut demander à chaque bénéficiaire d’avoir une activité adaptée à sa situation. Il ne s’agit pas de sanctionner ceux qui sont obligés de vivre du RMI. L’immense majorité n’a qu’un désir : retrouver un emploi. Mais reconnaissons que la poursuite d’une activité, d’une formation, d’un travail d’utilité collective, d’une participation à un groupe de travail social collectif, est la meilleure manière de ramener progressivement vers l’emploi ceux qu’un accident de parcours personnel a mis de côté. C’est une question de justice et de responsabilité, responsabilité de la personne et responsabilité des pouvoirs publics. Le premier droit des exclus, c’est de bénéficier d’un accompagnement adapté pour sortir de l’exclusion. »
Pour Dominique Voynet, les minima sociaux, ainsi que l’ASS (allocation de solidarité spécifique), seraient augmentés pour atteindre, pour une personne seule, le seuil de pauvreté à la fin de la mandature (650 euros en 2004). Il s’agirait, pour le RMI et l’ASS, d’une augmentation d’environ 50 % sur cinq ans. Les allocations des minima sociaux représentent environ 14 milliards d’euros en 2004, soit moins 0,9 % du PIB (1648 milliards d’euros en 2004).
Marie-George Buffet relèverait tous les minima sociaux (et les salaires) afin que les loyers ne représentent pas plus de 30% des budgets des familles. Olivier Besancenot propose notamment d’augmenter les salaires, les minima sociaux et les pensions de retraite de 300 euros nets par mois.
Ces dernières semaines, la question de la pauvreté et des sans-abri a fait irruption dans la campagne. Nul doute que les premiers flocons de neige de l’hiver verront revenir... les reportages télévisés dans les journaux de 20 heures sur ces sans-abri qui n’arrivent pas à se loger ou ne le veulent pas. Parmi ces sans-abri, un tiers environ sont titulaires d’un contrat de travail ! Les structures d’assistanat semblent désormais installées de manière pérenne et... l’éradication de la pauvreté au sein de notre société riche n’est même pas au programme des principaux candidats, pas formulée telle quelle, en tout cas.
En cette fin d’année 2006, le collectif ACDC (les Autres chiffres du chômage) tente de mettre en débat la statistique même du chômage afin que les « chômeurs invisibles » ne soient pas oubliés au cours de la campagne. Rappelons ici que le nombre de demandeurs d’emplois, médiatisé chaque mois, est un chiffre épuré qui ne recense pas l’ensemble des chercheurs d’emplois. Les indicateurs d’activité (solde des créations/destructions d’emplois) et de pauvreté devraient être aussi importants que le nombre de chômeurs en catégorie 1 pour déterminer les politiques publiques de lutte contre le chômage. Tous ces indicateurs existent déjà, aucun n’est à créer. L’importance accordée à un seul indicateur conduit à des politiques publiques de très court terme, visant à ne pas dépasser des seuils présentés comme symboliques (la barre d’un million de chômeurs, celle des deux millions et celle des trois millions). Le débat sur la statistique n’est en rien accessoire mais pour l’instant, aucun candidat ne s’est exprimé sur cette question. Quel candidat aura le courage de dire qu’il accepte de démarrer son quinquennat avec un peu plus de quatre millions de chômeurs au compteur ?
Autres questions non abordées pour l’instant par les candidats... L’assurance chômage... Ce système assurantiel indemnise, souvent mal, seulement la moitié environ des chômeurs. C’est le régime de solidarité de l’Etat (minima sociaux) qui tente de pallier cette défaillance. Ne faudrait-il pas aller vers un système unique ? Ne serait-ce pas là un premier pas important pour construire un système cohérent d’indemnisation du chômage ?
Enfin, la campagne ne saurait éluder des questions d’actualité : quelles sont les propositions des candidats pour lutter contre les discriminations à l’embauche et pour favoriser les créations d’emplois dans les quartiers défavorisés ? La réponse à cette dernière question ne saurait être éludée par le seul débat sur l’immigration économique... Les prochaines semaines de campagne devraient apporter, espérons-le, des éléments de réponse à ces questions.
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