Les retards de transposition des directives européennes : L’impossible contrôle souverain
La politique législative française est décidément d'une grande originalité dans son reniement maladif des textes les plus utiles proposés par ses acteurs les plus avisés. Dans un contexte où les condamnations de la France par la Commission Européenne ou la Cour de Justice des Communautés Européennes tendent à s'imposer parfois sur la scène médiatique dans leurs conséquences budgétaires et financières, il conviendrait peut être de s'interroger sur le dispositif en vigueur et aux initiatives avortées, ou bridées, d'améliorer le système. En l'occurence la réforme est souhaitée depuis 12 ans, mais le système constitutionnel et parlementaire en bloque l'adoption.
Le 4 juillet 2012 a été transmise "une proposition de loi (émanant de parlementaires, contrairement aux projets de lois émanant du gouvernement) constitutionnelle tendant à permettre à la France de respecter les délais de transposition des directives communautaires, par l'inscription de ces textes à l'ordre du jour du Parlement en cas de carence gouvernementale" (ce qui est la règle en la matière). En s'intéressant à la procédure législative on remarquera que le texte a été voté au Sénat en 1ère lecture le 14 juin 2001 a été transmis 4 fois à l'Assemblée, mais n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour.
Ce texte dispose que : "
Rappelons que la procédure législative conduisant à l'adoption d'un texte de loi et a fortiori d'une loi constitutionnelle fait intervenir diverses étapes :
1° L'initiative de la loi appartenant au Premier Ministre, aux députés et aux sénateurs.
2° L'examen du texte par le Parlement en commission et en séance publique : cette étape se subdivise en un dépot au bureau d'une des assemblées, un examen dans une commission permanente ou une commission spécialement prévues à cet effet suivi d'un rapport. Enfin l'examen en séance publique et le vote en 1ère lecture.
=> Par suite, le texte est transmis à l'autre assemblée pour suivre la même procédure jusqu'à adoption d'un texte "en termes identiques dans les 2 assemblées"au terme d'une navette entre les 2 Assemblées en cas de désaccord, le dernier mot revient à l'Assemblée Nationale.
3° Promulgation après saisine éventuelle du Conseil Constitutionnel.
4° [Point applicable uniquement aux lois constitutionnelles...] Une loi constitutionnelle nécessite un référendum ou une adoption par le Parlement réuni en Congrès.
Subtilité de l'article 89 de la Constitution relatif aux révisions constitutionnelles : Le projet à l'initiative du gouvernement est le seul à même d'échapper au référendum.
Le cadre est posé maintenant retraçons tous les éléments conduisant à penser que ce texte, qu'on peut considérer comme essentiel au vu de la place misérable de la France en terme de délai de transposition des directives européennes (qui constitue au final plus de 80% de la réglementation applicable), ne sera jamais adopté en l'état.
[N.B : La France a fait des efforts pour réduire le délai de transposition via un suivi et un cadrage, ainsi qu'une concertation en amont, mais cela se révèle insuffisant car n'est pas contraignant pour la définition de l'ordre du jour effectif et sont donc très insuffisant]
1° Une proposition de loi constitutionnelle devra être adoptée par référendum (on voit très mal un référendum sur cette question, et une révision d'ensemble de la constitution de la même mesure que la révision de 2008 (qui fut votée au Congrès) ne semble pas encore au programme et rien n'indique que si elle avait lieu elle incluerait cette mesure.
2° Le texte n'a jamais été mis à l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale en jouant sur l'absence de démarche de composition d'une commission spéciale dans le délai de 2 jours francs prévus par l'article 31 du réglement de l'Assemblée Nationale.
(N.B : Cela exploite une faille de l'article 43 de la Constitution qui dispose que : "Les projets et propositions de loi sont, à la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, envoyés pour examen à des commissions spécialement désignées à cet effet.
Les projets et propositions pour lesquels une telle demande n'a pas été faite sont envoyés à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à six dans chaque assemblée" Le texte laissant ouvert une possibilité d'enterrement du texte lorsque la constitution d'une commission spéciale est décidée mais non menée à son terme"
On peut très bien comprendre les raisons politiques et pratiques qui justifient de freiner une révision constitutionnelle lorsque la lettre de la Constitution impose de convoquer un référendum sur une question aussi technique, même en la noyant sous d'autres dispositions qui risquent de cristaliser alors un débat politicien dangereux pour la menée à terme des réformes souhaitées.
Il reste 2 alternatives à la France pour instauter un tel mécanisme :
- Qu'un projet de révision constitutionnelle suffisamment consensuel ou soutenu par l'opinion voit le jour (vous pouvez rire les politistes...)
- Qu'une alternative soit trouvée pour contourner la procédure de révision constitutionnelle stricte prévue actuellement, ce qui supposerait une révision constitutionnelle préalable au risque d'être inconstitutionelle (vous pouvez rire les constitutionnalistes...)
Conclusion : Le sujet en lui même est aride, mais derrière celui ci c'est toute la réforme des institutions publiques qui se pose. Je pense que le sujet de la transposition des directives européennes est un sujet suffisamment important pour raviver le débat sur les modalités de révision de la Constitution, au risque de voir à nouveau des textes majeurs enterrés de manière insidieuse.
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