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Né à droite, mort à droite

Existe-t-il un déterminisme en politique qui fait que les premières convictions ressurgissent irrésistiblement, même lorsqu’un péril électoral est sérieusement à craindre ? Le parcours de certains politiques donne à le croire.

On passe rapidement sur le cas, anecdotique, du Président Chirac qui, en juin 2011 a surpris la droite en couvrant d’éloges le socialiste François Hollande et en annonçant qu’il votera pour lui. On oublie que l’ancien Président, de droite, a acquis une incroyable popularité dans les milieux de gauche qui lui ont donné, sans état d’âme, la victoire stalinienne (82%) en 2002 face au surprenant leader du Front National. Mais il faut rappeler que le sage corrézien fut un militant communiste assez engagé pour vendre l’Humanité et signer l’Appel de Stockholm[1]. Avant de se convertir aux postures de droite, sans doute pour améliorer ses chances dans l’obsession d’une consécration élyséenne. Pour finir électeur de gauche en 2012, retrouvant ainsi dans les urnes ses camarades communistes des années cinquante.

Mais le cas du déterminisme dont il s’agit dans cet article est celui de l’actuel locataire de l’Elysée. Né à Paris et bercé à Neuilly, dans ce qu’il y a de plus à droite des territoires français, il s’illustre en mai 68 lorsque la jeunesse française se lance dans la contestation d’un système « de droite » vécu comme une chape de plomb à faire sauter. Le jeune Nicolas, lui, voit les choses autrement. Il n’a que treize ans mais sait ce qu’il est. Sa mère Andrée doit faire des pieds et des mains pour s’assurer que le proviseur le retienne fermement à l’école. Le gamin ne doit absolument pas rejoindre la dangereuse manifestation de soutien à… de Gaulle ! Un choix précoce surprenant dans le contexte de mai 68. Le Général, vilipendé par la jeunesse, n’aurait sûrement pas cru ses yeux s’il avait pu l’apercevoir de ce côté-là des manifestations. Car l’illustre Président n’était même plus sûr de lui, comme en témoigne la « disparition » pour Baden-Baden[2], une escapade qui rappela vaguement la nuit de Varennes[3]. Mai 68 fut le succès qu’on connaît et les libertés acquises, depuis, continuent de transformer la société française. Mais l’ancien délégué départemental des jeunes UDR des Hauts-de-Seine n’a jamais digéré ce triomphe des libertés.

En effet, ses discours de campagne de 2007 ont donné à croire que notre Président n’a pas vu passer le temps. En promettant d’en finir avec l’héritage de mai 68, il a donné l’impression de ces personnages des bandes dessinées qui continuent à pédaler alors qu’ils ont dépassé le plancher et se trouvent au-dessus du vide. La France est restée à la fois incrédule devant ce combat d’arrière-garde et dubitative sur la faisabilité d’un tel retour en arrière. C’est peut-être la seule promesse du candidat élu en 2007 qui n’a convaincu personne. Le bilan calamiteux du quinquennat est tel qu’on aurait dû être dubitatif sur l’ensemble de ses promesses.

Car le candidat de la France qui se lève tôt a commencé son mandat au Fouquet’s et sur un yacht et a mis du temps pour se rendre compte que la France de smicards ne supportait pas ses fréquentations avec les « importants » pour reprendre l’expression de son adversaire Jean-Luc Mélenchon. L’accusation de « Président des riches » raisonne dans toutes les têtes et rien de tout ce qu’il entreprend n’est assez fort pour l’en défaire, au grand désarroi de ses plus fervents partisans. Le fiasco de Gandrange et le bouclier fiscal qui consiste, pour un Etat en faillite, à renvoyer des millions de chèques à des millionnaires, tirés sur le Trésor public, laisseront des traces pour longtemps.

Sur le plan du vivre ensemble, un modèle de société qu’exècre une certaine droite, la réponse fut le débat sur l’identité nationale, un ministère de l’identité nationale, le discours de Grenoble, la chasse aux Roms, qui nous a valu le ridicule de toute l’Europe, et même au-delà. Les médias américains ont été sans concession. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale, la référence à la droite des années trente devenait de plus en plus pertinente.

La politique d’ouverture n’a durée que le temps de la curiosité. Il n’en reste plus rien. Les ministres d’ouverture ont été soit éjectés (Kouchner, Bockel), soit dévoyés (Besson, de la gauche à l’identité nationale). Même l’ouverture sur la France de la diversité n’a duré que le temps, pour ces alibis, de s’imaginer qu’ils étaient vraiment devenus ministres ! L’illusion s’est volatilisée avant même qu’ils n’aient fini de défaire leurs parachutes dans ces beaux palais de la République où, hélas, on n’a pas l’habitude de voir des gens comme ça. Rama Yade, revenue sur terre, retrouve progressivement « les siens ». Ces Noirs qu’elle avait surpris en s’alignant sur l’insoutenable Discours de Dakar qui niait à un milliard d’hommes et de femmes la moindre trace dans l’histoire. On n’est pas rancunier. Nos déçus et nos déchus, même les plus décevants, retrouvent toujours des épaules généreuses sur lesquelles essuyer leurs larmes, alors qu’ailleurs, semble-t-il, les désillusions mènent droit au suicide.

Fadela Amara n’a pas connu meilleur sort. Fini le temps où la « Républicaine » se faisait filmer en train d’engueuler, courageusement, ces mecs des banlieues, machos, mal élevés, communautaristes et dangereux islamistes. Elle est retombée dans l’anonymat, lot commun des Mamadou, des Mohammed et des Aïcha, diplômés et travailleurs, mais résolument exclus de la moindre place au soleil. Elle aussi doit avoir retrouvé des épaules généreuses sur lesquelles déverser ses litres de larmes. Evidemment, puisque les Musulmans sont loin d’être l’affreuse caricature véhiculée par les tenants de la hiérarchie des civilisations. Ici, comme ailleurs, les gens sont bien élevés et respectent les valeurs fondamentales, dont celle de la générosité. Ce qui devrait rassurer la rescapée Rachida Dati dont les jours au soleil sont désormais comptés. Elle a été littéralement délogée d’une circonscription qui lui était pourtant acquise. Le poids-lourd de droite qui s’y est installé, d’autorité, n’en avait même pas besoin pour décrocher son billet pour le Palais Bourbon. Mais il fallait que les choses se fassent de cette façon-là. Il y a, en effet, des désagréments auxquels il faut s’attendre lorsqu’on est celui ou celle qu’on est. 

Pendant ce temps, les durs de l’ultra droite resserrent les rangs et fourbissent, avec le Président, les postures et les idées fondamentalement de droite, peu importe le risque du crash électoral que ce positionnement encourt.

En effet, avec un tel déficit de crédibilité auprès des électeurs, angoissés et désabusés par la promesse du pouvoir d’achat, il fallait être de la droite la plus conservatrice pour proposer la tva sociale. Une mesure qui consiste à faire subir aux masses populaires un avantage patronal accordé sans réelle contrepartie. L’amère expérience de la tva dans la restauration et le dégât électoral aux législatives de 2007, dû à l’annonce maladroite de la mesure par Jean-Louis Borloo, auraient pu dissuader le Président de s’engager sur ce choix. Mais non. Il est de droite et il faut que cela soit bien compris.

Lors de son intervention télévisée du dimanche 29 janvier, il a mené, pour une énième fois, la charge contre les 35 heures, éternel bouc émissaire de la droite. Tous les malheurs de la France seraient attribuables aux 35 heures. Balayant d’un revers de la main le bien fondé du dialogue social, il somme les partenaires sociaux de conclure en deux mois une convention qui conduirait à briser la garantie légale du temps de travail et à consacrer la primauté des accords d’entreprise. Puisqu’on a fixé ce que doit être le résultat de la négociation, à quoi bon négocier ? On connait pourtant les conséquences d’une telle mesure qui réduirait des salariés précarisés et non syndiqués au rang de simples « proies » du « patron » rendu tout puissant.

Et pour confirmer que le Président est décidé à mourir (électoralement) avec ses idées, il annonce, dans le Figaro Magazine, une batterie de mesures qui ne laissent aucune illusion aux électeurs de gauche. Un référendum pour obliger les chômeurs à accepter le premier emploi qui leur est proposé. La mobilisation de toute la France pour accabler des malheureux qui refuseraient de trouver du travail dans une France qui aurait retrouvé le plein emploi, comme promis par le Président du pouvoir d’achat. L’opposition au mariage homosexuel malgré l’opinion majoritaire des Français qui ont pris acte de cette évolution de la société et de son caractère irréversible, confirmé par les législateurs dans un nombre croissant des grandes démocraties.

Et les immigrés ? Ils ne peuvent pas manquer au menu d’un homme résolument de droite. Un référendum pour faciliter leur expulsion en les faisant passer devant un « juge unique », dont on sait qu’il devient rapidement « juge inique ». Quant à ceux qui ont des papiers, ils ne pourront toujours pas voter pour un « simple  » Conseiller municipal.

Est-il déjà arrivé aux hommes de droite de proposer, une seule fois, quelque chose de « paisible » aux populations immigrées en période électorale ?

Ces millions d’anonymes, silencieux boucs émissaires, sur lesquels on se défoule à souhait, sont pourtant des gens comme tout le monde, ne demandant qu’à vivre. Des collègues de travail sans histoire, des bénévoles dans les associations, d’agréables voisins de palier, des camarades de fac, des copines du lycée, des contribuables inaptes à l’exil fiscal (ils sont déjà en exil), d’adorables mamans, des pères irréprochables, des maris fidèles, des épouses dévouées,…

Seuls les hommes de droite sont incapables de s’en rendre compte.

Même les volages qui fréquentent des maîtresses… immigrées. 

 

  Boniface MUSAVULI



[1] Un texte communiste contre l’armement nucléaire

[2] Le 29 mai 1968, au plus fort des manifestations de « mai 68 », le Général de Gaulle « disparaît ». Il est signalé près de la ville allemande de Baden-Baden où le Général Massu, commandant en chef des forces françaises en Allemagne, l’accueille dans sa résidence de fonction.

[3] Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, le roi de France Louis XVI, sa femme Marie-Antoinette, et leur famille immédiate, menacés par les Révolutionnaires, tentent de rejoindre le bastion royaliste de Montmédy, à partir duquel le roi espérait lancer une contre-révolution. Ils sont arrêtés à Varennes et accablés, depuis, par l’accusation de « trahison ».


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14 réactions à cet article    


  • pissefroid pissefroid 11 février 2012 11:30

    Il me semble, que le résident à l’élysée, ne croyant plus à sa réélection, promet n’importe quoi pour apprivoiser les voix des électeurs d’extrême droite, sachant qu’il ne sera plus là pour appliquer ses promesses.


    • anarcococo 11 février 2012 12:21

      Etant bien lucide qu’il est sans doute cuit au 2e tour, sa seule stratégie est d’empêcher MLP et Bayrou d’arriver au final, comme cela on est sur que le gagnant (Sarkozy ou Hollande) sera un candidat du système !


      • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 12 février 2012 03:28

        Il cherche surtout à sortir vivant du premier tour.

        En réalité il se fout royalement de Bayrou, de Hollande, de Mélenchon ou de MLP. Ce qui lui importe, c’est de ne pas être humilié d’entrée dès le 22 avril.

        Triste fin.


      • Yvance77 11 février 2012 15:13

        Salut,

        Le titre de votre post n’est malheureusement pas bon.

        Né con, président à la con, virer comme un con !

        Là on est plus proche du truc smiley


        • Peachy Carnehan Peachy Carnehan 12 février 2012 03:34

          Et, peut-être, bientôt en prison.

          A son âge, pour éviter le cachot, il ne pourra pas implorer la clémence des juges en invoquant l’anosognosie.

          Avec Woerth.


        • hacheii 11 février 2012 16:13

          Du sulfureux sur la drote ?
          .
           c’est ici :
          .
          Bon les liens internet ne passent plus, donc tapez :

          Les hommes de l’ombre (version internet)... ceci n’est pas une fiction.


          • amipb amipb 11 février 2012 16:28

            Les liens HTTP passent parfaitement : http://jeune-nation.com/achat/produit_details.php?id=940

            Attention, il s’agit d’un site d’extrême-droite. On appréciera d’autant plus l’hommage.


          • Claude Courty Claudec 11 février 2012 17:02

            N’oublions pas l’adage selon lequel :

            « Il est aussi peu normal pour un jeune de n’être pas de gauche, que pour un vieux de le demeurer ».

            • Tall 11 février 2012 18:53

              Oui m’enfin, un politicien de droite qui applique une politique de droite, c’est quand même surprenant , non ?

              Je comprend la déception du peuple.

              • arobase 11 février 2012 20:16

                c’est un peu comme ceux qui, trouvant que la gauche n’est plus assez à gauche ou est trop à droite, recherchent plus de gauche en votant le pen.


                surprenant non ?
                mais vu leur niveau ils ne sont jamais déçus car ils n’en ont pas les capacités (de comprendre qu’ils le sont ) smiley

              • Richard Schneider Richard Schneider 11 février 2012 19:22

                Excellent article - clair et bien argumenté.

                De droite (depuis le début de la V°) sauf 1x, jusqu’à présent le Président de la République, sorte de monarque élu au suffrage universel, a toujours gouverné d’une façon républicaine - même de Gaule qui a pris, mais cela était dû aux circonstances, quelques mesures « limites ».
                Depuis 2007, la magistrature suprême est incarnée par un personnage pour qui ce poste n’est pas fait. Sarkozy est un bateleur, insolent, arrogant, inconstant - sauf en ce qui concerne la destruction des services publics. 
                Puisque la France est une « monarchie républicaine », il faut que son Président soit au-dessus de la mêlée, qu’il incarne le peuple - tout le peuple. Sarkozy ne représente qu’un tiers de ce peuple : la partie la plus riche, la plus égoïste et la plus conservatrice.
                Aussi serait-il déplorable qu’il soit réélu en mai prochain. L’image de la France, mais pas seulement l’image mais aussi l’essence même de notre pays, serait définitivement altérée. Le clivage gauche-droite, traditionnel, avec un homme pareil, est dépassé. Par ex., vouloir arrimer la France à l’Allemagne - dans ce que cette dernière représente de plus rétrograde socialement - est une faute politique et psychologique impardonnable.
                Les Français choisiront en mai ...

                • Thorgal 11 février 2012 19:40

                  Bon allez, casse-toi pov’ con ...


                  • Justice larévolté Justice larévolté 16 février 2012 12:23

                    Merci pour votre article. Et bravo pour le dernier paragraphe. Ca fait du bien de lire et de rappeler que les immigrés sont des personnes comme vous et moi, qu’ils sont pour beaucoup des boucs émissaires, qu’ils occupent des postes de travail pénibles et que la grande majorité sont des gens biens... 

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