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On n’entre pas à reculons dans l’avenir

Dans une tribune publiée au lendemain des élections de l’assemblée constituante tunisienne du 23 octobre 2011, voici ce que j’avais écrit :

« Personnellement, je fais confiance aux élus du peuple pour qu’ils travaillent ensemble, débattent, gèrent les tensions et, in fine, nous concoctent une constitution moderne, ambitieuse, juste et démocratique, bref une constitution digne des tunisiens et qui donne un sens aux valeurs de liberté, de justice sociale, de générosité, d’ouverture et de tolérance. Je suis très optimiste car j’ai découvert ces dernières semaines une autre manière de faire de la politique, une manière festive, joyeuse, humaine et solidaire. Je n’en reviens pas….. ». Et un peu plus loin, je poursuivais :

« Gageons que nos représentants à l’assemblée constituante sauront être à la hauteur de la mission historique que nous leur avons confiée. Le 23 octobre est un jour mémorable à marquer d’une pierre blanche dans les annales politiques de notre grand/petit pays. Le jour où le peuple a recouvré sa souveraineté et devenu maître de son destin. Nous pouvons désormais clamer qu’il fait bon être tunisien… ».

Aujourd’hui, mon optimisme s’est comme par enchantement évaporé et je crains fort pour mon pays. Le bateau Tunisie part à vau-l’eau, il navigue dans le brouillard sans cap ni boussole. Aller dans le mur en klaxonnant semble être la marque de l’époque. Et de voir certains leaders politiques se débattre comme des mouches dans une tasse de lait serait un spectacle des plus réjouissants si on ne savait que ce seront, hélas, les petits et les plus faibles d’entre nous qui feront les frais de l’effondrement.

Désormais les masques sont tombés et le peuple tunisien ou du moins son écrasante majorité sait à quoi s’en tenir. Ces quinze mois de règne du mouvement Ennahdha nous ont au moins ouvert les yeux et permis de recadrer notre position sur la place de l’Islam politique dans notre pays.

L’Islam est un héritage culturel cher à la société tunisienne, c’est notre religion et nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux. Et depuis des siècles le peule tunisien vit pleinement sa religion sans que celle-ci ne pose problème. Nos compatriotes juifs et chrétiens vivent aussi librement la leur. Pourquoi faut-il aujourd’hui que la religion devienne l’alpha et l’oméga de notre identité ? Vouloir ré-islamiser la société tunisienne est un non sens qui cache mal une volonté d’instrumentaliser la religion à des fins politiques. Et ce sont ceux qui crient au loup en prétendant défendre l’Islam qui l’introduisent dans la bergerie. Résultat : jamais l’image de notre religion n’a été aussi terne. Elle est pour des millions de gens à travers le monde synonyme d’intolérance, de fanatisme, d’ignorance et de cruauté.

Que les honnêtes gens (et ils sont nombreux) du mouvement Ennahdha sachent que notre religion qui est une composante essentielle de notre identité tunisienne ne peut se maintenir vivante que par une perpétuelle renaissance spirituelle et non par un retour en arrière. Le cours de l'histoire ne se remonte pas et nous sommes tenus de suivre la flèche du temps et de regarder vers l'avenir. Les dès sont jetés et l'eau du fleuve ne retourne pas à sa source. L'esprit traditionnel ne reste un esprit que s'il est créateur et novateur. S'il ne l'est pas, la tradition ne serait qu'un cortège funèbre. Si nous voulons nous développer, évoluer, nous engager dans un processus de transformation moderne, il nous faut absolument une prise en charge responsable et critique de notre tradition et donc de notre religion. Faute de quoi nous sortirions de l'Histoire avec un grand "H". La vraie question qui se pose à nous aujourd'hui est la suivante : Peut-on concilier les exigences du monde moderne et celles de la tradition ? Cette question nécessite une réponse afin qu’on puisse sortir de l’impasse.

Le retour à l’Islam inscrit dans les programmes politiques des intégristes de Tunisie ou d’ailleurs est « un miroir aux alouettes », car « le Coran, pas plus que la Bible ou les Evangiles, n’offre de « recettes » de gouvernement ou de développement économique. Il ne contient pas tout ce que les musulmans doivent savoir, pour la bonne raison que le livre lui-même les invite à s'instruire et à acquérir la science* ».

En effet, aucune religion ne propose de règles de business-administration ou de programmes d’e-learning. La gestion d'une économie moderne est une science nouvelle qui s'apprend à l'université. 

Mais malgré le désenchantement et la tristesse qui m’envahit, je garde espoir car je demeure convaincu que toutes ces régressions que nous avons observées en ces 15 mois de gouvernement intégriste ne seront in fine qu'une parenthèse dans l’histoire de la Tunisie, un mauvais souvenir qui ne résistera pas à l'œuvre du temps.

Chers amis islamistes, si vous voulez avec nous construire l’avenir de la Tunisie, ce n’est pas à reculons qu’il faudra y entrer. Et régler aujourd’hui les problèmes de demain ne se fera certainement pas avec les solutions d’hier. Elémentaire dirait l’autre.

Dr Salem Sahli

Hammamet


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