36 000 communes, autant que l’ensemble des autres pays européens réunis, des limites communales qui défient l’entendement, elles coupent parfois les rues dans le sens de la longueur.
Un consensus qui naît autour des réflexions sur l’environnement ou le retour à la croissance pour privilégier l’agglomération, la communauté de communes, comme unité rationnelle de gestion et de développement des territoires.
Des réticences qui restent fortes de la part des élus et des populations qui imaginent perdre les acquis de la relation clientéliste et la proximité à géométrie variable qui uniraient avec la même force le maire de Paris et celui de Kergrist Moêlou (Côtes-d’Armor) à leurs administrés.
La permanence d’une règle des sciences politiques qui indique que toutes les modifications institutionnelles sont envisageables sous réserve de ne jamais diminuer le nombre d’élus.
La nécessité et la revendication croissante d’une participation et d’une concertation accrue qui permette d’éclairer la décision publique sans méconnaître les intérêts privés.
Démocratie : locale ou nationale, le contraste
La situation nationale marquée par le choc des partis politiques et de leurs ténors et par le pluralisme de la presse laisse malgré tout une part à la controverse, aux débats, à la confrontation et à l’émotion politique liée au rôle prépondérant des médias audiovisuels.
Sur le plan local, la situation est tout autre avec une absence quasi totale de pluralisme des médias liée à leur concentration progressive.
Les médias sont également très liés aux collectivités en lien avec leur rôle d’annonceurs (les publications dites légales) et de pourvoyeurs de subventions. Les télévisions locales ont notamment été pour de grands groupes de la presse quotidienne régionale des pompes à subventions dont les montants cumulés mériteraient d’être connus.
La vie politique locale est neutralisée par la superposition des hiérarchies issues des élections locales et de la hiérarchie interne de chacun des principaux partis politiques au niveau local. Les petits partis, à l’exception des extrêmes, restent eux-mêmes contraints par leurs nécessaires stratégies d’alliance.
Dans ce contexte les tactiques de maintien ou de prise de pouvoir l’emportent par construction sur le débat d’idées ou de projets. On le constate quotidiennement. D’une collectivité à une autre, des projets identiques sont alternativement défendus ou combattus par des partis politiques différents selon leur positionnement dans l’exécutif local. Une analyse des positions politiques locales sur les projets de tramway pourrait être très illustrative à ce titre.
Reste la participation des habitants qui reste le sel du débat local, mais qui mérite également d’être décryptée. Il s’agit d’une démocratie à l’athénienne entre personnes de bonne compagnie, d’un certain âge, sachant s’exprimer en public et le plus souvent liées au milieu associatif local, subissant à ce titre la caporalisation soft des collectivités locales dont elles dépendent financièrement. Le débat peut néanmoins s’animer quand des intérêts particuliers sont en cause et constituer à ce titre des garde-fous efficaces, mais le plus souvent éloignés de l’intérêt général.
Cette réalité et ces tendances doivent s’apprécier dans le contexte que nous connaissons : un chômage chronique avec 500 000 emplois non pourvus, une crise du logement sans précédent depuis 40 ans, la rapide diminution relative des revenus par tête comparée aux pays avec lesquels nous voisinions sur la même ligne de départ et des réformes qui de facto s’imposent.
Nous devons également tenir compte du renforcement du poids relatif des intérêts particuliers lorsque l’on se rapproche du local et de l’hyperlocal ce qui rend encore plus dificile la réforme et les inflexions stratégiques sur des territoires restreints.
En l’absence de débats à tous les échelons géographiques, rien ne devient possible et retrouver les conditions du débat nécessite des réformes institutionnelles importantes.
Sur l’agglomération, sur la communauté de commune et sans doute sur le canton pour le reste du territoire comme unité de gestion de premier niveau, le consensus progresse.
Une décision en ce sens rendrait les décisions plus rationnelles et moins exclusives des problèmes économiques et sociaux des bassins de vie.
Elle ne suffira cependant pas à créer le débat au cœur même de l’appareil politique local.
Renforçons les pouvoirs du parlement... local.
Pour ce faire, la distinction nette de fonctions exécutives et d’assemblées locales paraît nécessaire.
Il est normal que le maire ou le président de la collectivité ad hoc puisse travailler efficacement et reste doté des pouvoirs conséquents nécessaires à la fonction. Il est également normal qu’ils puissent être justement rémunéré à ce titre et peut être même qu’il ait à justifier d’un minimum de formation préalable ou qu’il doive en accepter la contrainte au-delà de l’élection.
Il est en revanche préjudiciable au débat et donc aux réformes qu’il soit à la fois et pour une durée longue 6 ans, l’inspirateur, l’animateur et l’exécutant, j’allais dire l’exécuteur des décisions des conseils locaux dont il contribue à nommer la part la plus influente des membres dans des fonctions exécutives et dont il administre le positionnement au sein du parti politique majoritaire.
Cette situation porte en elle-même les germes de la dépolitisation du débat local et de l’absence de prise de responsabilité locale face aux grands problèmes de société.
Elle est responsable de la défiance locale face aux problèmes de banlieue ou de logement sur lesquels seul l’Etat est en mesure de faire bouger les choses localement à grand renfort de subventions et de production d’images de valorisation des maires, même si bien souvent les projets resteront lettre morte ou seront largement différés.
Nous avons besoin de vraies assemblées locales avec des groupes politiques dotées d’une capacité réelle d’initiative et d’une liberté de débat.
Gestion de bassin de vie et non de communes, distinction du législatif et de l’exécutif local sont les deux conditions du renouveau que l’on imagine.
Nous ne devons cependant pas oublier que 80 ans sont le plus souvent nécessaires pour modifier radicalement le paysage institutionnel. Les prémices de ces réformes ayant été initiées dans les années 70, patientons jusqu’en 2050 pour voir les choses changer.
A moins que...