Réforme des retraites : reprenons le débat et proposons dès maintenant un système de retraites à points (ou notionnel) !
La réforme des retraites est décidément mal conduite :
- elle n’a pas fait l’objet d’un véritable débat avec les syndicats, les partis politiques représentatifs, les représentants des professions, ... avant de passer au Parlement qui, comme on le sait, est devenu une « chambre d’enregistrement », la majorité gouvernementale assurant les rejets d’amendements gênants et le vote final. Même le soi-disant « débat » de jeudi soir 9 septembre 2010 sur France 2 à l’émission « A vous de juger » n’en fut pas un puisqu’il a juxtaposé les interventions du gouvernement (François Fillon), d’un parti d’opposition (PS avec Ségolène Royal) et de deux syndicats (CFDT avec François Chérèque, CGT avec Bernard Thibault) mais sans discussion face à face entre les intervenants. De plus les arguments chiffrés de comparaison internationale paraissaient erronés, contestables, non comparables en l’état, critiqués sans qu’un expert rectifie la vérité des chiffres. Par exemple, comparer avec l’Allemagne (âge 65 ans rallongé à 67 ans, mais avec une durée de cotisation de 35 ans et non 41 et avec un niveau de pension bien inférieur à celui de la France) ;
- elle n’a pas fait l’objet d’une présentation pédagogique aux citoyens, par voie de presse ou sur les médias audio-visuels, des différentes possibilités envisagées, de leurs avantages et inconvénients, avec comparaison internationale. Par exemple qui sait comment fonctionne le système de retraite à compte notionnel ou à points, mis en place en Suède et en général dans les pays nordiques, dont s’inspirent de plus en plus d’autres pays ? Pourquoi n’a-t-il été proposé que par le Mouvement Démocrate (voir point 8), ce que François Bayrou proposait déjà dans sa campagne présidentielle de 2007, et pas par le gouvernement ni même par le PS (dans son contre-projet actuel) qui dit s’y intéresser mais pour plus tard ...
Pour ceux qui s’y intéressent, lire ce document extrait d’un rapport d’information du Sénat publié en juillet 2007 intitulé « Réformer la protection sociale : les leçons du modèle suédois ». Le livre de Daniel Cohen et Philippe Askenazy, « 16 nouvelles leçons d’économie contemporaine », explique aussi très bien ce système avec des exemples chiffrés. Le principe de ce système est de garantir en permanence l’équilibre entre les cotisations et les versements de pensions du système de retraite par répartition, en calculant des droits cumulés grâce aux cotisations, mais aussi de points de pénibilité, de points pour enfants. Ces points mis sur un compte (comme si c’était une retraite par capitalisation sauf que ce n’est pas du chacun pour soi mais bien une répartition), valorisés en fonction de la croissance économique, de la démographie et de l’espérance de vie, donnent droit à une pension qui sera plus faible si on décide de partir tôt et plus forte dans le cas inverse. Le système est transparent et chacun peut consulter ses droits, simuler sa pension, son départ en retraite. Il permet de prendre sa retraite à temps partiel tout en cumulant ou non un job rémunéré, ou de prendre sa retraite puis retravailler quelques années après en reprenant le compte où il en était. Contrairement à un systèmes basé sur les annuités comme en France où tout est assez figé, où on impose un âge minimal de départ où un âge minimal de liquidation sans décote, et où on ne sait pas par avance quels seront ses droits, ce système est le plus souple et permet à chacun de choisir sans léser ceux qui ont commencé à travailler tôt où ceux qui ont des carrières longues, ni même ceux qui ont eu un métier pénible, les femmes etc. Avec ce système, pas de décote appliquée quel que soit l’âge de liquidation, car le droit est proportionnel à ce qui a été cotisé. Donc pas de question d’âge minimal de départ en retraite ni d’âge auquel on peut liquider sans décote. Les fonctionnaires sont soumis au même système que les gens du privé selon un système unifié.
- elle occulte complètement les régimes spéciaux (fonctionnaires, parlementaires,... hormis un relèvement prévu de leur cotisation salariale (actuellement de 7,85 % contre 10,55 % dans le privé, alors que le privé compte en plus des cotisation patronales, portant au total les cotisations à environ en moyenne 25%, ce qui veut dire que c’est aujourd’hui l’impôt et le déficit qui financent en majorité les retraites des fonctionnaires. Si on a fait silence sur ces régimes spéciaux, au motif qu’il y avait déjà eu un engagement de ne pas y toucher jusqu’en 2018, c’est sans doute pour ne pas activer la gronde syndicale dont la représentation est très forte chez les fonctionnaires ;
- elle aurait dû traiter en soi le problème de financement du déficit cumulé, qu’il faut bien rembourser, séparément du système qui doit être à l’équilibre pour qu’il soit durable. En l’occurrence il ne l’est pas, il reste un déficit prévisible à 2018 (4 milliards d’euros), les hypothèses de croissance et de chômage paraissent trop optimiste, l’horizon n’est qu’à 2018 alors qu’il faut voir plus loin (2030), ...
- elle aurait dû traiter du problème de la pénibilité autrement que par un constat de handicap lors de la retraite. Il y a des références (même internationale à l’OIT) de critères de pénibilité et d’espérance de vie selon des professions soumises aux risques, et d’ailleurs les suédois en tiennent compte en pondérant la règle des droits dans le système à compte notionnel ; comme on le fait pour les femmes ayant eu des enfants ;
- Enfin elle fait quasiment l’impasse sur l’étude des ressources complémentaires telles que le propose le PS, en taxant le capital ou en trouvant d’autres sources d’impôt. Cela dit, il y a un problème de logique à cette contribution : les assurances sociales, retraites comme sécurité sociale, doivent-elle être uniquement financées par contribution des futurs bénéficiaires ou par la collectivité générale dans son ensemble, par l’impôt ? Sachant qu’il faut penser au niveau global des prélèvements obligatoires (impôts + charges sociales) sur l’ensemble du PIB : 42,8% en France en 2008, 50% au Danemark et en Suède, 35% en Allemagne ou au Royaume Uni, 25% aux Etats-Unis. Ce taux impacte la compétitivité concurrentielle inter-pays (pour les entreprises notamment). Mais la question mérite d’être étudiée.
Alors, si on reportait le vote de la réforme et si on commençait enfin ce débat ?
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