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Renaud Donnedieu de Vabres, indispensable fusible de l’affaire Karachi

Le 13 décembre, Renaud Donnedieu de Vabres était placé en garde à vue dans le cadre du volet financier de l'affaire Karachi puis mis en examen pour complicité d'abus de biens sociaux. Depuis, l'enquête semble au point mort pendant que l'ancien ministre semble lâché par les uns et les autres. Une position de fusible arrangeant aussi bien les magistrats que les politiques.

« L’ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres a admis avoir imposé des "négociateurs", dont le franco-libanais Ziad Takieddine, en 1994, lors des ventes d'armes de la France au Pakistan et à l'Arabie Saoudite. » Cette nouvelle, parue peu avant le réveillon du 31 décembre, a fait l’effet d’une bombe. François Léotard, Edouard Balladur, Nicolas Sarkozy allaient-ils être convoqués devant les juges ? Il n’en a rien été, les éléments à charge restant désespérément trop faibles. RDDV reste, lui, mis en examen, pour le grand bonheur de la plupart des parties.
 
Replaçons les choses dans leur contexte : à l’époque des faits administrateur civil et chargé de mission rue de Brienne, Renaud Donnedieu de Vabres a affirmé qu'il était "tout à fait possible" qu'il ait imposé des intermédiaires comme "personne utile par leurs informations", mais non "comme intermédiaire bénéficiant de contrat", selon le procès verbal d'audition de son interrogatoire par les enquêteurs de la Division nationale d'investigations financières (DNIF) lors de sa garde à vue les 13 et 14 décembre.
 
Suffisant pour faire de l’ancien ministre de la Culture le deus ex machina des ventes d'armes au Pakistan et à l'Arabie saoudite ? Les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ne semblent eux-mêmes pas y croire, auquel cas le supérieur hiérarchique de RDDV –comme il est surnommé- à l’époque, François Léotard, aurait été lui aussi auditionné ou mis en examen. Qui peut croire qu’un ministre soit ignorant des agissements d’un de ses chargés de mission ?
 
Néanmoins, il n’y a pas eu d’avancée depuis l’audition de l’ancien député d’Indre-et-Loire et celui-ci reste mis en examen pour « complicité d'abus de biens sociaux » pendant que l’enquête n’avance pas, ce qui arrange toutes les parties.
 
La mise en examen de RDDV pour « complicité d'abus de biens sociaux » permet en effet aux juges de pouvoir continuer à enquêter. Si l’affaire ne concernait que le financement de la campagne d’Edouard Balladur, l’investigation s’arrêterait là puisque le Conseil Constitutionnel, présidé par Roland Dumas, avait naguère validé les comptes de campagne de l’ancien premier ministre. Ajouter une accusation d’abus de biens sociaux permet donc aux enquêteurs de ne pas se heurter aux Sages.
 
Cette position de « bouclier humain » offre à l’opposition une cible de choix. Si Renaud Donnedieu de Vabres reste mis en examen, c’est que d’autres doivent être mouillés, en premier lieu François Léotard, voire Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy. Va-t-on enfin avoir la preuve que le président de la République est mouillé à un scandale international ? L’affaire Karachi est un feuilleton se déroulant en plusieurs épisodes et tenant en haleine le tout-Paris.
 
La droite n’est pas en reste. Balancer Renaud Donnedieu de Vabres permet d’éviter de parler du rôle de personnalités politiques autrement plus impliquées dans la campagne d’Edouard Balladur. Nicolas Sarkozy a-t-il approuvé le plan de versement des commissions à Ziad Takieddine et Abdulrahman el-Assir ? Nicolas Bazire a-t-il réceptionné du Luxembourg les rétrocommissions afin de financer la campagne d’Edouard Balladur ?
 
Dans ce cas, et cela concerne la classe politique dans son intégralité, le Conseil Constitutionnel a-t-il été corrompu afin de valider les comptes de campagne ? Lorsqu’il examina les comptes d’Edouard Balladur, le 26 octobre 1995, le Conseil se composait de Jacques Robert et Roland Dumas, nommés rue Montpensier par Laurent Fabius et François Mitterrand, de trois autres membres nommés par la gauche (l’ancien ministre Maurice Faure, l’ancien préfet Georges Abadie et la juriste Noëlle Lenoir, qui deviendra ministre de Jean-Pierre Raffarin) et de quatre nommés par la droite (l’ancien magistrat Jean Cabannes, l’ancien haut fonctionnaire Michel Ameller et les anciens sénateurs Etienne Dailly et Marcel Rudloff). Y a-t-il eu une coalition gauche-droite pour masquer un scandale d’Etat ?
 
Selon Jacques Robert, Roland Dumas, Jacques Chirac et Edouard Balladur « se tenaient à l’époque par la barbichette ». Pour quelle bonne raison le président du Conseil Constitutionnel et l’ancien président de la République n’ont-ils pas dénoncé les comptes de campagne du premier ministre d’alors ? Nul ne le sait. On peut supposer que d’autres mises en examen auraient suivi si les preuves étaient si flagrantes. Dans le doute, mieux vaut pour la droite de lâcher un de ses anciens grognards pour donner à manger aux chiens.
Tout le monde a donc intérêt à ce que le statut quo soit de mise et que Renaud Donnedieu de Vabres reste mis en examen. A lui seul, il justifie pour les juges la poursuite de l’enquête, confirme les soupçons de la gauche, tout en permettant à la droite d’éviter de rouvrir la guerre entre balladuriens et chiraquiens, l’entourage de l’ancien président de la République ayant un scénario de compensation après avoir stoppé le versement des commissions.
 
Le lâchage de RDDV s’organise donc dans un large consensus, y compris au sein de l’Etat. Celui-ci refuse d’ailleurs d’offrir à l’ancien ministre de la Culture l’aide juridictionnelle auquel il devrait avoir droit, lui qui était haut fonctionnaire au moment des faits…

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nabab

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