Interdiction du voile intégral, débat sur l’identité nationale, projets de retrait de la nationalité à certains criminels, mise en cause de la polygamie, expulsion de Roms, et maintenant proposition (faite par Brice Hortefeux, mais on connait sa proximité avec le Président de la République) : Sarkosy serait-il en train de se lepéniser ? Non, bien sur ! En réalité, il ne s’agit que d’esbrouffe.
Un excellent décryptage est paru le 20 septembre dans Slate.fr sous la plume de l’éditorialiste
Thomas Legrand. Après avoir souligné la proximité entre Sarkosy et Hortefeux, qui rend bien improbable que ce dernier ait parlé sans intention politique, l’article souligne également que la proposition d’élection des juges n’est pas formatée pour voir le jour :
"Si ces propositions étaient vraiment le fruit d’une réflexion sincère, elles seraient intégrées dans le projet de réforme de la justice en cours d’élaboration ou bien elles devraient encore rester confidentielles pour être intégrées dans le projet présidentiel pour 2012, lui-même en cours d’élaboration. Donc ces propositions ne correspondent à rien de concret, elles sont d’ailleurs énoncées par un ministre qui n’est pas en charge de la justice. Elles participent finalement à cette impression de grand bazar qui s’installe en ce moment au sommet de l’Etat."
Thomas Legrand analyse :
"C’est vrai que, par le passé, le président a déjà fait allusion à l’élection de certains juges, mais on commence à bien comprendre le fonctionnement politique du président. Ce n’est pas parce qu’il affirme quelque chose, ou qu’en l’occurrence, il le fait affirmer par l’un de ses mégaphones officiels, qu’il y est favorable. En revanche, il pense que les débats, polémiques et clivages que ces propositions provocatrices vont susciter, lui seront utiles."
Quand on analyse les différents sujets qui ont indigné la bien-pensance depuis un an, on se rend compte qu’ils ont un dénominateur commun : celui de provoquer des débats en donnant au président une image de fermeté, sans pour autant produire de mesures concrètes, ou alors très peu. Précisons :
- la loi sur le voile intégral est certes utile, ô combien ! mais en même temps elle ne traite que d’un aspect très partiel de l’islam politique ; pendant ce temps, le voile non intégral s’installe dans le paysage et ceux qui cherchent à le tenir à l’écart de chez eux, comme Fanny Truchelut, peuvent être condamnés pour discrimination
- le débat sur l’identité nationale, comme son nom l’indique, n’est qu’un débat
- les expulsions de Roms sont appelées à être suivies d’un prompt retour, puisque nos frontières sont ouvertes
- la polygamie est difficile à définir, à distinguer d’un simple concubinage, et à prouver à un niveau suffisant pour avoir une efficacité devant un tribunal ; du moins si on l’appréhende au niveau du simple individu marié ; en réalité, pour la combattre vraiment, il faudrait oser s’en prendre aux imams qui bénissent de tels mariages et, pour ce faire, pousser le contrôle à l’intérieur des mosquées, ce qu’on ne fera pas bien entendu ; pas plus qu’on ne refusera les regroupements familiaux de ressortissants de pays à l’état-civil aléatoire
- pour le retrait de nationalité, Sarkozy a tranché : il sera limité à ceux qui portent atteinte à la vie de policiers, de gendarmes et d’autres dépositaires de l’autorité publique ; merci pour les autres victimes ! un temps, l’idée de retrait de la nationalité pour polygamie avait animé le spectacle politique et contribué à donner à la droite sarkozyenne une image de plus grand respect de l’égalité homme/femme, mais cette idée est déjà passée à la trappe.
On le voit, nous sommes soit devant de simples débats, soit devant des mesures qui donneront lieu à des lois, mais portant sur une poignée d’individus.
Pendant ce temps, la vraie politique sarkozyenne, celle qui porte vraiment sur les grands nombres, est toute autre : la suppression de la "double peine" évite à tous les délinquants étrangers du pays un risque d’expulsion ; les régularisations et les naturalisations n’ont jamais été aussi nombreuses, les mosquées n’ont jamais poussé aussi vite, aux frais du contribuable.
Et en matière de polygamie, ce qui est prôné est toujours la "
décohabitation", c’est à dire l’attribution de plusieurs logements HLM, un par épouse ; proches les uns des autres bien sur, pour ne pas rompre le lien des enfants avec le père ; un peu la même chose que ce que Lies Hebbadj avait improvisé tout seul pour sa pluri-famille.
Nous sommes purement et simplement devant une politique de simulacres.