Sondages : le nécessaire devoir de mémoire
Les sondages font feu de tout bois sur la présidentielle de 2007. Un an à l’avance tous nous annoncent un duel Ségolène Royal - Nicolas Sarkozy, aussi sûrement qu’ils nous avaient prédit un duel Jospin - Chirac en 2002 ! Une amnésie collective dangereuse, car si l’histoire ne se répète pas, elle peut bégayer. Un devoir de mémoire indispensable en cette période d’incertitude totale.
Au printemps, il n’y a pas que les arbres qui bourgeonnent. Les sondages concernant la présidentielle de 2007 aussi. Ils sont même en pleine floraison, tellement ils sont nombreux. Les erreurs, les approximations, certainement aussi. Le regrettable, dans cette ‘’sondomania’’ excessive, est la répétition des erreurs d’hier.
Autrement dit, ni les médias, ni les instituts de sondage, ni même les responsables politiques visant la magistrature suprême n’ont retenu les leçons de la présidentielle de 2002 ! Seul bon point : cette vague, pour ne pas dire ce raz-de-marée, vu leur nombre (trop plein ?), fait travailler des centaines de personnes. Et en période de morosité sur le marché du travail, qui s’en plaindra !
Cependant, plus sérieusement, comment se fier à des sondages un an avant une élection ? Leur fiabilité n’a aucune valeur. Et même ils sont dommageables à la bonne santé de la démocratie et à l’exercice d’un de ses piliers les plus importants : le droit de vote.
Leur fiabilité est nulle pour trois raisons :
La volatilité de l’opinion publique est directement influencée, et a fortiori influençable par la conjoncture et ses événements. Et ces éléments sont très nombreux, comme la situation du marché de l’emploi, la croissance, le pouvoir d’achat, le sentiment d’une plus grande sécurité ou non... Il suffit donc que l’un de ces éléments varie, désormais, ne serait-ce qu’à la marge, et l’opinion publique, disons ‘’démocratique’’ car elle s’exprime par le vote, peut changer radicalement, se retourner, basculer et, donc, les favoris d’hier peuvent devenir brusquement les perdants de demain. Et vice-versa.
L’incertitude sur l’avenir du pays pèse aussi. Impossible désormais de savoir ce que sera la France demain, après-demain et encore moins dans un an. A cela deux facteurs : le premier tient à la situation économique internationale. Même si cette dernière affiche une santé de fer, il faut prendre en compte deux choses capables de souffler le froid : la géopolitique avec la crise en Iran et la guerre en Irak par exemple, et la vie économique avec la vive tension sur les prix du barils du brut. Ainsi, l’embellie économique mondiale peut connaître un déraillement, et, par ricochets, avoir des conséquences lourdes sur nos économies et donc sur notre vie sociale.
Le second facteur tient à la situation interne à la France. Une manifestation, des troubles, de la casse, une flambée, et c’est le feu qui reprend. Difficile de prévoir dans ce cas, face à un nouveau coup grave, comment les Français, pour la plupart déjà excédés, réagiront. Nul ne peut le savoir. Et c’est certainement une des plus grandes inconnues à ce jour qui empêche de prédire les résultats de la présidentielle.
Enfin, dernier élément et non des moindres, l’expression d’une exaspération croissante des Français. Exaspération qui s’est traduite jusqu’à maintenant par des votes sanctions à chaque élection - depuis la première cohabitation. Même le référendum sur le Traité constitutionnel européen en était un, mais particulier, car personnifié : Jacques Chirac inspirait une réaction de rejet. Exaspération qui se manifeste aussi par une franchise croissante dans l’expression de ses idées, souvent les moins avouables.
Les Français se ‘’lâchent’’ de plus en plus, se cachent de moins en moins. Ainsi, à en croire un récent sondage, pour plus d’un tiers des Français, l’extrême droite enrichit le débat politique, est proche de leurs préoccupations, spécialement en matière de politique d’immigration et de sécurité.
Bref, il y a de moins en moins de retenue dans l’affichage de ses opinions qui pourtant, hier, auraient valu l’excommunication. Cependant, chacun sait que de la coupe aux lèvres il y a loin parfois. Autrement dit, de la reconnaissance d’idées "inavouables" au vote de pour un parti qui les défend, les électeurs franchiront-ils le pas ? C’est la dernière grande incertitude qui pèse sur la présidentielle de 2007.
Ces trois épées de Damoclès, sur le suffrage présidentiel de 2007, par conséquent, empêchent de savoir aujourd’hui qui est le mieux placé pour l’emporter. Que chacun revienne à plus de raison, de sang-froid dans ses analyses. Que chacun, surtout, se rappelle qu’en 2002, quinze jours encore avant le premier tour de l’élection présidentielle, tous les instituts de sondages annonçaient, non sans arrogance, un duel Jospin - Chirac au second tour. Un devoir de mémoire s’impose d’abord aux instituts de sondage et aux médias. Mais aussi à chacun de nous.
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