Une idéologie en fin de vie : la retraite à 70 ans
Les députés UMP ont adopté une mesure très populaire ce week-end pour la Toussaint - hasard du calendrier ou pas puisque c’est tout à la fois un jour férié et la fête des morts. La retraite après 65 ans devient donc autorisée pour ceux qui le souhaitent... bien entendu.
Il ne fait pas de doute que comme l’année passée de nombreux sondages bidonnés vont fleurir ici ou là. L’an dernier à la même époque d’après Le Figaro et l’institut CSA, 63 % des Français étaient favorables à ce qu’un salarié puisse travailler après 65 s’il le souhaitait. Ce sondage avait fait le tour des médias sans que personne ne précise que les Français ne souhaitaient pas se l’appliquer à eux-mêmes, mais à ceux qui le souhaitaient... inutile de préciser que la différence est de taille. Un amalgame qui participe de toute bonne foi à la manipulation ambiante de l’information pro-gouvernementale.
Entendons-nous bien, je ne nie pas le problème de financement des retraites, puisque c’est sans doute l’enjeu de société le plus brûlant actuellement dans les pays occidentaux. Une très bonne esquisse de notre situation actuelle se trouve là.
Mais de quelle fibre se drape exactement ce gouvernement fraîchement reconverti à l’interventionnisme d’Etat pour voter un amendement comme celui-ci ?
La rhétorique du consensus, libéral s’il en est, est qu’il n’y aurait aucun moyen pour contrer le vieillissement de la population française et occidentale en général sans allonger la durée du travail et diminuer les pensions.
J’ai cinq objections majeures au sujet de ce dogme libéral du XXIe siècle :
1- Les entreprises françaises ont toujours souhaité rajeunir la pyramide des âges de leurs entreprises grâce à des plans sociaux orchestrés avec l’Etat, et ce quels que soient les gouvernements. De nombreuses lois ont été édictées sur ce point, mais toutes se sont révélées inefficaces. Il ne fait presque aucun doute qu’avec la crise qui s’annonce le chantage des entreprises va être tel, que les plans vont se succéder avec des petits arrangements pour ne pas augmenter la mythique courbe du chômage de type 1. Ces accords se sont toujours faits pour ne pas annoncer de trop gros plans de licenciements et pour ne pas augmenter le nombre de chômeurs, mais toujours au détriment des caisses collectives. Un rallongement de la durée du travail, mais pour quoi faire dans ces conditions-là ?
2- L’UMP applique à la lettre le plafonnement des cotisations patronales et salariales concernant les comptes sociaux, seules des négociations concernant une baisse de ces taux ont lieu aujourd’hui. Secundo, le FRR (fonds de réserve des retraites), créé en 1999 par Lionel Jospin, n’est plus abondé et tombe en déshérence jour après jour. Ces deux choix sont de type idéologique et fragilisent année après année le système par répartition.
3- Il ne fait aucun doute que le Medef souhaite fragiliser cet énorme marché financier de la répartition afin d’en récupérer la gestion grâce à la capitalisation. Les risques financiers inhérents à la capitalisation sont énormes ainsi Peter Orszag, un analyste américain, estime que 2 000 milliards de dollars ont été perdus fin août par les fonds de pensions depuis la chute des cours, ce doit être aujourd’hui nettement plus. De plus, des sociétés pérennes à un moment donné, comme Ford ou General Motors dans les années 60 aux Etats-Unis, peuvent ensuite être de véritables désastres financiers mettant en péril les pensions de ses retraités.
La quatrième objection est la plus simple qui soit, le modèle par répartition est un modèle social qui lie les générations entre elles grâce au pacte générationnel de paiement des plus jeunes vers les plus âgés, ce pacte est implicite pour son bon fonctionnement. C’est simplement une entente et une garantie, pour chacun d’entre nous, d’avoir les soins dont nous aurons besoin lors de nos vieux jours. La répartition est simple dans les faits, et elle se rapproche de nos besoins primordiaux qui font et fondent notre humanité.
5- Il ne saurait être question de déficit du régime général pour invoquer un allongement de la durée de cotisation ou d’un transfert de l’argent géré collectivement vers des fonds privés, sans insulter notre bon sens. En effet, lorsque l’on vient de débloquer quelque 360 milliards pour sauver des banques, patriotiquement comme l’a dit le Premier ministre, comment ne pas avoir l’envie et la volonté de gérer au mieux les intérêts collectifs du plus grand nombre ?
Afin de plaider encore une fois pour ce modèle simple et efficace qui a montré ses preuves par le passé et afin de trouver des solutions pour pérenniser son fonctionnement pour nous et nos enfants, je souhaiterais parler de plusieurs personnes de mon entourage qui ont pris leurs retraites récemment à 60 ans.
Tous n’ont pas souhaité travailler au-delà des soixante années obligatoires, désolé, mais je ne connais pas dans mon entourage direct de personnes qui veuillent continuer à travailler après 60 ans ou au-delà de 65 ans. Seuls les sondeurs du CSA et les journalistes du Figaro savent trouver ce type de gens-là.
Pour être concret, je viens de remplacer un collègue qui vient de partir à la retraite ce vendredi 31 octobre, et j’ai côtoyé jeudi 30 octobre un autre salarié qui a pris sa retraite vendredi dernier. Ces deux personnes étaient très heureuses de tourner une page à 60 ans. Mes parents également ont pris leurs retraites à 60 ans ainsi que des amis à eux.
Le constat général, et consensuel, est qu’ils sont tous pressés de partir à la retraite, alors si vous connaissez dans votre entourage de futurs retraités qui souhaitent stopper leurs carrières professionnelles au-delà de 60 ans ou 65 ans... faites-moi signe là.
Nous avons donc là un amendement, voté en catimini, d’un autre âge. Il est issu d’une idéologie d’extrême libéralisation qui a montré ses limites récemment. Cette idéologie ne peut plus être prise au sérieux, mais elle continue à manipuler et malaxer l’opinion publique pour continuer d’exister. Les élus UMP ont voté pour cet amendement hors du temps, comme poussés par ses us et coutumes sectaires. Les cartes ont été rabattues, cette mauvaise décision ne demande plus qu’à être remise à plat pour re-prendre dans le bon sens le pli de l’Histoire.
d’autres idéologies de la presse politique
de peuples.net
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