Universités politiques d’été : ce que les médias vous ont caché...
Les universités d’été des partis politiques se sont achevées ce week-end. Traditionnels rendez-vous de fin de vacances, la perspective des élections présidentielles de 2007 leur ont valu cette année une couverture médiatique exceptionnelle. Pour autant, qu’avons-nous appris, qu’en avons-nous retenu ?
Concentrés sur les petites phrases, sur les luttes internes entre futur-ex-candidats à la candidature, sur les vacheries distillées sur l’autre camp (ou sur les « amis » du même parti), les journalistes ont le plus souvent occulté le débat d’idées (si, si, cela existe encore dans nombre de partis politiques français !) et les premières esquisses de projet des différents chefs de file, exception faite de quelques brèves mentions des propositions de Nicolas Sarkozy. Comme il me semble que c’est pourtant bien là que se situe l’intérêt du citoyen ordinaire, voici ce que j’ai appris en allant farfouiller un peu dans les sites Web des trois principaux partis dits « de gouvernement », en lisant les discours de clôture qui résument en général l’essentiel du message.
PS : Il faut reconnaître que François Hollande n’avait pas tâche facile pour décliner un projet socialiste alors que tout le monde l’attendait au tournant sur sa « neutralité bienveillante » à l’égard de sa compagne, d’autant qu’aucun des candidats à la candidature ne se sent vraiment lié au « projet socialiste ». De fait, François Hollande a préféré taper sur la droite et sur son bilan (ça ne mange pas de pain, et c’est toujours le succès garanti) et insister sur le besoin d’union à gauche (bon courage...), mais le début de son discours de clôture contient cependant quelques propositions concrètes s’articulant autour de trois axes principaux :
- Hors croissance, point de salut, mais cette croissance doit être sociale, innovante et écologique. Bon, pour le moment, on en reste plutôt à de bonnes intentions qu’à un vrai programme, mais c’est une philosophie à suivre de près, car elle implique un certain nombre de mesures pour aller au-delà des mots.
- Égalité, le maître mot de la pensée socialiste ; traditionnel fonds de commerce de la gauche, cette égalité se décline au travers de mesures sur l’éducation, l’emploi, le logement, la lutte contre les discriminations. J’ai été moyennement convaincu par les exemples cités, mais bon, nous n’en sommes qu’aux préliminaires...
- Vers une nouvelle démocratie. Comme les autres grands partis politiques, le PS semble avoir bien compris le malaise qui gangrène notre démocratie actuelle. François Hollande fait même un mea culpa, au nom de ses prédécesseurs, sur la complaisance qu’ont eue les dirigeants socialistes à se rester dans un système coupé des citoyens lorsqu’ils étaient au pouvoir. Pour autant, peut-être handicapé par sa formation d’énarque, les réformes proposées semblent encore limitées aux institutions plutôt qu’elles ne concernent les comportements et le fossé creusé entre dirigeants et citoyens. Les électeurs du PS attendent peut-être plus de volontarisme à ce niveau. A noter que le PS (comme l’UMP) reprend l’idée de l’UDF sur un service civil obligatoire, dont les modalités restent à définir.
Parasité, voire paralysé par la course à la candidature des principaux ténors, le projet du parti socialiste demeure nécessairement flou. Il apparaît pour le moment assez conservateur, sans doute une nécessité pour ne perdre personne en route. Il en faudra cependant un peu plus pour être vraiment convaincant, et le défi de rassembler des idées aussi dissemblables que celles émises par la gauche et la droite du parti demeure formidable pour celui ou celle qui gagnera le droit à se présenter en avril 2007.
UDF : Comme on pouvait s’y attendre, François Bayrou n’a pas fait dans la dentelle dans son discours de clôture. Bien sûr, le message principal, repris par les média, tournait autour d’une nouvelle méthode de gouvernement, réunissant une majorité autour d’idées plutôt que d’étiquettes (on imagine un État où les postes clés ne seraient plus attribués par copinage mais en fonction de la compétence de la personne... ça fait rêver !), et de la dénonciation de la collusion (par calcul ou par facilité) des médias autour du couple Sarkozy-Royal. Mais il y avait aussi dans ce discours les bases d’un projet de gouvernement, articulé autour de six priorités :
- Éducation et Recherche, avec la proposition d’un contrat d’objectif entre l’école et la nation (les syndicats vont adorer)
- Lutte contre l’exclusion, avec entre autres le versement du RMI soumis à une activité pour favoriser la réinsertion dans le monde du travail (difficile à mettre en place, mais à tenter ?)
- Sauvegarde de l’environnement, avec notamment la reprise de la proposition de Nicolas Hulot d’une haute autorité (vice-premier ministre ?) chargée du long terme et des politiques durables (Bayrou semble vraiment sérieux sur ce sujet, il faut croire que ses entretiens avec des scientifiques ont porté leurs fruits)
- Équilibre financier du budget de l’État, et la proposition de « dégraisser » les ministères (on attend un peu plus de précisions sur les coupes à venir...)
- Soutien aux entreprises, avec cette proposition de « small business act » à la française, permettant le recrutement de deux salariés par entreprise sans charges, quel que soit le niveau de salaire de cet emploi (les entrepreneurs semblent apprécier le projet qui bénéficiera surtout aux PME)
- Relance de la construction européenne, cheval de bataille historique de l’UDF, avec une proposition de constitution européenne simplifiée ouverte au débat citoyen.
Souvent innovant, le discours de François Bayrou s’inscrit clairement dans un processus de reconstruction, non seulement du paysage politique mais aussi de la société française. Reste un certain nombre de thématiques chères aux Français (immigration, insécurité...) pour lesquelles il devra aussi apporter des propositions afin d’asseoir la crédibilité de son projet.
UMP : Dans un discours destiné aux jeunes, Nicolas Sarkozy a fait... du Sarkozy. Volontaire, volontariste, hyperactif, le contenu du discours de clôture du président de l’UMP est à son image. Évidemment, ça plaît ou ça ne plaît pas... Clairement, cela plaît aux média, puisque plusieurs des propositions ont effectivement été détaillées dans les journaux, au contraire de celles des autres ténors politiques (et ne venez pas m’accuser de crier au complot, c’est juste un constat !). Pour autant, plutôt que le détail des mesures avancées, c’est surtout leur cohérence, avec un système de pensée que l’on peut qualifier « d’américain » (sans jugement de valeur), qui frappe. Largement tournées vers les jeunes, ces propositions sont en effet destinées à favoriser l’initiative, la volonté de réussir ou de s’en sortir. L’essentiel des propositions en matière d’éducation, de formation continue, de fiscalité, d’emploi, relève de la même philosophie : permettre à « ceux qui en veulent » de réussir, et décomplexer, voire récompenser ceux qui essayent et qui réussissent. Plusieurs de ces propositions sont donc assez atypiques dans le paysage français :
- Rétablir un système plus sélectif à l’école
- Valoriser l’apprentissage technique au même niveau que la formation générale
- Moins taxer les revenus du travail pour permettre à ceux qui souhaitent (peuvent) travailler plus de gagner plus
- Créer un compte-épargne formation, pour que ceux qui souhaitent progresser dans leur carrière aient accès aux formations continues
- Développer les formations d’aide à la création d’entreprise à l’université, et les systèmes de crédits pour les entrepreneurs
En voulant revaloriser le travail et l’effort, ainsi qu’une certaine fierté d’être citoyen français par exemple, Nicolas Sarkozy propose, sans y faire référence, d’importer en France un modèle américain qui a démontré son efficacité économique, permis l’intégration d’innombrables immigrés, ainsi que relancer un ascenseur social largement en panne en France, où ceux qui réussissent sont en grande majorité les enfants des privilégiés du système. Comme François Bayrou, c’est donc bien un projet de rupture avec la société française traditionnelle qu’a ébauché Nicolas Sarkozy lors de cette université d’été. Pour autant, son discours sur l’environnement est apparu moins convaincant, et surtout manquaient les mesures pour ceux dont le passé, les accidents de la vie, ne peuvent exprimer la même volonté de dépassement. Le rêve américain a aussi des revers, et la volonté individuelle ne suffit pas toujours pour réussir. Le défi du président de l’UMP sera donc de proposer un projet qui soit aussi mobilisateur pour les plus faibles, faute de quoi un candidat de droite plus traditionnelle pourrait venir lui contester la candidature dans la dernière ligne droite.
NB : le site de la LCR ne proposait pas de discours d’Olivier Besancenot, mais à défaut, on pourra lire sur leur site la « Déclaration de la conférence nationale de la LCR » des 24 et 25 juin 2006, qui reprend une liste de mesures diverses. Pas non plus de discours de clôture en ligne de Mme Voynet pour l’université d’été des verts, les enregistrements des 9 tables rondes sont en revanche disponibles en ligne. Pas d’université d’été pour le Parti communiste français ; il y avait bien un conseil national en juillet, mais les discours tenaient plus du constat que du projet. Quant au Front national, l’intervention de clôture de Jean-Marie Le Pen est bien en ligne, mais pas le texte du discours, et sa durée (plus d’une heure) m’a fait renoncer. Je ne manquerai pas néanmoins de revenir ultérieurement sur les projets de l’ensemble des candidats majeurs à l’élection présidentielle.
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