Vers un retour du « conseiller territorial » ?
Si l’on en croit les éditorialistes, la question est clairement posée dans les arcanes du pouvoir. Il se dit même dans les rédactions des grands médias que Macron y serait très favorable…
Malgré les tensions qui règnent dans le pays depuis des mois et les débordements auxquels, samedi après samedi, l’on assiste en marge des rassemblements de Gilets jaunes, les Français continuent, à juste titre, d’être très largement opposés à la politique néolibérale conduite par Macron pour servir les intérêts de l’oligarchie au détriment des classes populaires et moyennes. Et, si l’on prend comme indicateurs de la volonté présidentielle les propos tenus ici et là par des caciques de la majorité au pouvoir, il est peu probable que les réponses socioéconomiques qu’apportera l’exécutif aux revendications majoritaires exprimées lors du Grand débat – notamment dans les cahiers remontés de plus de 16 000 mairies ou à l’issue des réunions citoyennes – soient à la hauteur des attentes de nos compatriotes.
Qu’en sera-t-il sur le plan institutionnel ? Personne ne le sait à ce jour. Mais, dans le lot des annonces présidentielles à venir, l’on pourrait voir renaître de ses cendres le conseiller territorial, institué sous Sarkozy afin d’assurer une « meilleure coordination des assemblées départementales et régionales » avant d’être supprimé par Hollande dès le début de son mandat. C’est dans le cadre de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales que les conseillers territoriaux devaient remplacer les conseillers régionaux et les conseillers généraux (devenus depuis départementaux). Les premiers conseillers territoriaux auraient dû être élus en 2014 si Hollande ne les avaient définitivement fait torpiller par l’Assemblée nationale le 17 mai 2013 au terme de plusieurs navettes parlementaires (lien).
Quels avantages attendre de la création effective du conseiller territorial ? En premier lieu – mais ce n’est pas le plus important – une diminution significative du nombre des élus qui passerait de 6000 (soit le total actuel des conseillers régionaux et départementaux) à 3500. Mais surtout une plus grande harmonisation des compétences entre les régions et les départements qui les composent. Avec, à la clé, l’assurance pour les maires d’avoir un interlocuteur unique, quel que soit le sujet à traiter alors que les élus locaux ont actuellement affaire à deux types de conseillers distincts, y compris sur des dossiers transversaux relevant des compétences des deux assemblées. Enfin, cette réforme permettrait, malgré la fusion desdites compétences, de pérenniser l’existence des départements, si importants dans le sentiment identitaire de nos compatriotes.
Au chapitre des possibles inconvénients, rien ne garantit que les économies réalisées soient au rendez-vous. L’histoire des réformes territoriales nous a en effet trop souvent montré que les collectivités locales sont très douées pour pérenniser les gabegies malgré la mise en place de nouvelles structures censées diminuer les coûts de fonctionnement. Quid en outre de l’action sociale ? Dans son excellent article de lundi*, Michel Drouet écrivait ceci : le « volet "action sociale" qui, comme chacun sait, coûte "un pognon de dingue" […] devrait être recentralisé à l’Etat. Au moins, Macron prendrait ses responsabilités auprès des bénéficiaires et ne les ferait plus assumer par des élus locaux démunis ou bien soucieux de trouver des "contreparties au versement des aides". » Un avis de bon sens dont il est malheureusement à craindre qu’il ne soit pas pris en compte par l’exécutif.
Si le retour du conseiller territorial est confirmé dans les prochaines semaines, cela signifiera qu’il n’y aura pas deux scrutins – l’un régional, l’autre départemental – en 2021, mais une seule élection qui désignera les nouveaux conseillers territoriaux. Encore faudra-t-il, d’ici là, que soit déterminé le mode électoral. Actuellement, les conseillers régionaux sont élus dans le cadre d’un scrutin proportionnel de liste à deux tours et les conseillers départementaux dans le cadre d’un scrutin binominal (un homme, une femme) majoritaire à deux tours. Quelle option pourrait être choisie par l’exécutif ? Un scrutin uninominal majoritaire à un tour dans des cantons redécoupés comme cela était prévu dans la loi électorale de Sarkozy avant que Hollande ne fasse avorter ce projet ? Ou bien un autre schéma ? Nul ne peut le dire.
Mais dans l’immédiat une chose est d’ores et déjà avérée : les chapeaux à plume de droite solidement installés dans des sièges de prestige y sont résolument opposés (cf. lien), à l’image de Morin, président de l’ARF (Assemblée des régions de France), de Bussereau, président de l’ADF (Assemblée des départements de France) et – à un degré moindre – de Baroin, président de l’AMF (Association des maires de France). Étonnant de la part d’hommes qui ont, peu ou prou, soutenu les réformes de Sarkozy il n’y a pas si longtemps. À moins qu’il ne faille voir dans leur prise de position une posture clientéliste dictée par les suppressions de postes qu’une telle réforme entraînerait au détriment d’amis politiques ?... À chacun d’en juger !
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