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Accueil du site > Actualités > Religions > Que devient la Fondation des oeuvres de l’islam de France (...)

Que devient la Fondation des oeuvres de l’islam de France ?

Créée par décret en 2005, la Fondation des Oeuvres de l'islam de France avait vocation à financer les lieux de culte musulmans de façon transparente, sans permettre aux donateurs d'acheter un pouvoir politique au moyen de leur don. Elle a été, au départ, très généreusement dotée par des entreprises françaises. Depuis, elle est en sommeil semble-t-il. Jean-Pierre Chevènement a demandé de ses nouvelles, car les fonds qu'elle devrait recueillir seraient bien utiles au moment où les pouvoirs publics financent de fait ces lieux de cultes en contournant la loi de 1905. La réponse du ministère de l'Intérieur n'est pas satisfaisante, et revient à avouer que les réseaux musulmans préfèrent fonctionner chacun pour soi sans transiter par la fondation (mais, ajouterons nous, sans oublier de solliciter le contribuable quand il manque des fonds quelque part).

L'islam de France manque de lieux de culte, nous dit-on. Pour aider à les financer, des maires obligent le contribuable à mettre à la poche par des moyens détournés, baux emphythéotiques ou locaux mixtes à la fois "culturels" et cultuels.

Pourtant, une solution de financement avait été prévue : il s'agit de la Fondation pour les oeuvres de l'islam de France, créee par décret en Conseil d'Etat du 31 mars 2005. Elle a vocation à faciliter la création et la gestion de lieux de culte. Elle peut recevoir des dons, et ceux-ci, comme dans le cas de toutes les fondations, bénéficient même d'un régime fiscal favorable. Mais ces dons ne permettent pas, en principe, au donateur, d'exercer un pouvoir sur l'islam de France, puisque l'argent transite par un lieu (les caisses de la fondation) qui le neutralisent.

Comme l'islam, au plan mondial, est riche, et qu'en outre l'expérience a montré que des entreprises françaises avaient été généreuses avec la fondation, le problème du financement des mosquées devrait en théorie être réglé.

En réalité, il n'en va pas ainsi. Les luttes de pouvoir pour diriger la fondation sont épiques, mais les riches bienfaiteurs musulmans ne se bousculent pas pour apporter un argent qui serait déconnecté du pouvoir correspondant. Chacun préfère financer ses propres réseaux. C'est ce qui ressort d'un échange qui a eu lieu entre Jean-Pierre Chevènement et Nora Berra, représentant ici le ministre de l'intérieur et des cultes, à l'occasion d'une question orale posée par le sénateur. 

Cet échange est interressant par la description très détaillée qu'il fait de la problématique.

Jean-Pierre Chevènement commence par des données historiques :

"Forte de sa reconnaissance en Conseil d’État, de la caution de l’administration par sa présence au sein du conseil d’administration, de l’engagement de la Caisse des dépôts et consignations, du dépôt d’une somme non négligeable - un million d’euros allouée en vue de son financement par une entreprise française ; d’autres entreprises opérant à l’étranger, notamment dans des pays musulmans, étaient également conviées à contribuer à son action –, forte donc de tous ces avantages tout à fait spécifiques auxquels venait s’ajouter l’accord, dans un premier temps, de toutes les parties musulmanes, cette fondation disposait initialement d’atouts considérables.

Que s’est-il passé ?

Des difficultés ont surgi – je ne l’ignore pas – au sein de son conseil d’administration et la collecte de fonds supplémentaires, par rapport à la dotation originelle de un million d’euros, s’est trouvée interrompue."

Le sénateur poursuit en exposant les rivalités des réseaux musulmans entre eux et leur peu de disposition à mutualiser leurs moyens :

"Ces dysfonctionnements tiennent d’abord à la composition du conseil d’administration, liée aux équilibres difficiles à trouver, au sein du CFCM, entre les trois fédérations principales de l’islam de France : l’Union des organisations islamiques de France – l’UOIF –, la Fédération nationale des musulmans de France – la FNMF – et la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris – la FNGMP.

Chacune a effectivement son propre dispositif de financement et c’est là, madame le secrétaire d’État, la question qui se pose : va-t-on s’accommoder d’un système dans lequel chacun dispose de ses propres réseaux, de ses propres relais, de ses propres donateurs ?

Selon moi, il appartient à l’État républicain de faire en sorte que les financements que les uns et les autres peuvent obtenir, de l’Algérie, de l’Arabie Saoudite, du Maroc, de tel ou tel autre pays du Golfe, puissent transiter par le canal de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France, de façon que l’argent collecté soit mis en commun.

C’est un test, madame le secrétaire d’État, pour ce que l’on appelle l’islam de France, et non pas l’islam en France !"

En résumé : chacun a ses propres réseaux, ses propres relais et ses propres donateurs, ils ne partagent pas entre eux, et, quand une association se trouve manquer de telles ressources, elle se tourne vers le contribuable, et occupe éventuellement les rues.

Les différents réseaux musulmans doivent s'entendre, ajoute Chevènement, d'autant lus que les entreprises françaises sont déjà incitées à payer (sous-entendu : dégrèvement fiscal à la clé) :

"L’islam de France ne peut se résumer à la juxtaposition de réseaux plus ou moins financés par des pays étrangers. L’État a son mot à dire sur cette question. J’ajoute que l’objectif doit rester de mettre à contribution les entreprises françaises.

Une politique cohérente doit donc être élaborée, tenant compte des besoins des musulmans de France et faisant naturellement une juste place aux différentes sensibilités de l’islam. Ils peuvent s’entendre ! Ce sont des hommes et, en plus, comme je leur ai déjà dit, ce sont des musulmans.

C’est à l’État de faire en sorte que ces équilibres puissent être trouvés et, s’il saisit l’opinion, il aura l’appui de la majorité des musulmans."

Et maintenant, deux questions qui fâchent : que fait le gouvernement ? et quelles sommes la fondation a-t-elle actuellement en caisse ?

"Je souhaite donc que vous m’indiquiez, madame le secrétaire d’État, les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour assurer la pérennité de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France.

Je vous demande aussi de m’indiquer le montant des fonds dont elle dispose actuellement à la Caisse des dépôts et consignations."

La réponse de Nora Berra est un aveu d'impuisance :

"Ainsi, il n’appartient pas aux pouvoirs publics de se substituer aux fédérations musulmanes composant le conseil d’administration de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France, qu’il s’agisse, par exemple, de décider de la collecte des ressources de l’institution ou de déterminer des projets de construction de lieux de culte.

Force est de constater que, ces dernières années, les fédérations n’ont pas estimé que la Fondation devait être le vecteur privilégié de leur action. Nous en prenons acte : c’est aux musulmans de France eux-mêmes qu’il revient de choisir s’ils souhaitent, ou non, utiliser cet outil."

Cette réponse est bien peu satisfaisante, et Chevènement le fait savoir :

"Madame le secrétaire d’État, la réponse de M. Brice Hortefeux ne me convient pas : elle marque que l’État renonce à faire en sorte que l’islam de France se constitue conformément aux principes qui ont été posés dès l’origine, par une déclaration signée de tous les représentants de toutes les sensibilités de cet islam de France.

Le but à atteindre est évidemment, non seulement de faciliter la construction de mosquées, mais aussi d’éviter l’intrusion de politiques étrangères qui peuvent chercher à influencer, par ce biais, telle ou telle fraction de la communauté des musulmans de France.

Il était tout de même possible, par un dialogue de conviction, de conduire les différentes sensibilités de l’islam de France à admettre le principe d’un transit commun des fonds qu’elles reçoivent, à charge pour elles, ensuite, de redistribuer ces fonds d’une manière équitable entre elles.

Si j’ai bien compris la réponse de M. Brice Hortefeux, celui-ci se contente de l’existence du CFCM et n’applique pas les règles de clarté qui auraient dû aller de pair avec la création de la Fondation.

Je le regrette, je le regrette pour la République, pour les musulmans de France et pour le concept même d’un islam de France !"


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12 réactions à cet article    


  • njama njama 22 février 2011 11:21

    Sous statut d’Association, une communauté (locale) musulmane ne pourrait-elle pas financer son propre lieu de culte par des prêts bancaires (garantis par exemple si besoin par la Fondation pour les œuvres de l’islam de France).
    Est-ce vraiment le financement qui est un problème ? j’en doute ...

     


    • Mohamed 22 février 2011 13:47

       « par des prêts bancaires » . je pensais que dans l’Islam les prets avec taux etait interdit... 


    • njama njama 22 février 2011 14:17

      @ Mohamed
      ça dépend pour quoi ...
      faut pas croire, comme les autres banquiers, ils gagnent leurs vies
      il y a dans la finance islamique différentes techniques financières tout à fait légales en fonction de projets (licites) moudaraba, mousharaka, mourabaha, ijara, sukuk (financements immobiliers), istisna (contrat de construction)


    • Catherine Segurane Catherine Segurane 22 février 2011 11:56

      Njama,
      Si l’association se finance par un prêt bancaire, il n’y a bien sur à redire.

      Est-ce que la Fondation pour les oeuvres de l’islam pourrait garantir ce prêt ? Je ne sais pas.

      En tous cas, elle peut donner de l’argent directement, à condition :

      1 de l’avoir en caisse (et la question de savoir ce qu’elle a en caisse est justement celle que pose Chevenement)

      2 que les administrateurs de la fondation veuillent bien, c’est à dire des personnalités musulmanes appartenant à divers courants) décident de lui accorder une somme ; c’est évidemment là que ça coince.


      • Will Will 22 février 2011 13:13

        question stérile et sans intérêt, seule l’abolition de toute religion est porteuse d’espoir, et d’intelligence.


        • Mohamed 22 février 2011 13:49

           @ Will

          Raisonnement stérile et sans intérêt...c’est plutot les peronnalités qui posent problémes...


        • ali8 22 février 2011 15:24

          encore un article de la segurane « licensiée es Islamophobie » par la faculté de Tel Aviv

          connaissez vous Tel Aviv ?? c’est dans un pays ou les gens qui s’opposent à la destruction de leurs patrimoines et la profanation de leurs cimetières sont classés TERRORISTES


          • Vent d'est Vent d’est 22 février 2011 22:52

            Encore un commentaire d’un illuminé du désert parlant au nom d’un pote imaginaire.

            Je ne défend pas spécialement Israel, mais on peut pas dire que les pays musulmans montrent l’exemple... Il suffit de voir ce que vivent les chrétiens, les athées, et les non muzz d’une manière générale dans certains pays, et la condition des femmes dans d’autres...


          • Catherine Segurane Catherine Segurane 23 février 2011 04:19

            Ali8 :


            Cela m’amuse toujours de me faire traiter de suppot d’Israel. Cela change par rapport à l’accusation d’il y a quelques années, quand un électeur du Front National se faisait traiter d’antisémite et de pourvoyeur des camps de concentration.


          • njama njama 22 février 2011 21:45

            @ ali8
             Dites nous où se trouverait un propos islamophobe dans cet article, dont le fond n’est pas d’être pour ou contre l’islam, mais porte sur la seule question du financement de lieux de culte, dont la Fondation des œuvres de l’islam semble pourtant avoir été créée à cet effet . Vous aurez noté également, à en croire le dialogue très officiel cité entre JP Chevénement et Mme Nora, l’opacité qui semble régner dans ce montage ... qui arrangerait peut-être bien du monde (?).

            @ OMAR
            Loin de moi l’idée de croire que tout est parfait en France, de là à en faire une question nationale, bigre !
            Comprenez que si une partie de la classe politique semble très favorable au financement des lieux de culte (musulmans entre autres), comme Nicolas Sarkozy (rapport Malenchon), Patrick Devedjian, Manuel Valls (PS) ... pour ne citer que ceux-là, cette question qu’elle se réalise sur des fonds publics ne fait pas l’unanimité, c’est assez facile à comprendre, tout comme il ne faut pas lire que si l’on n’est pas favorable à ce moyen d’utiliser des deniers publics, cela ne veut pas dire non plus de faire obstacle à ce qu’il se réalise.
            Croyez bien que je souhaite aux personnes auxquelles vous pensez que leurs vœux se concrétisent.
            Qui paye quoi en fin de compte, et dans cette logique ne revient-il pas aux usagers d’assumer ce financement.
            Le seul enjeu de cette perspective est-il seulement d’ailleurs le financement de mosquées, qui pourrait en fait être un cheval de Troie ou un prétexte si vous voulez pour ouvrir une boîte de Pandore dont nous ne connaissons ni le fond, ni les conséquences, car pourquoi donner à l’un puis refuser à l’autre. Logique, non ?
            Nous connaissons la volonté de ce gouvernement de revenir sur ce principe de neutralité que garantit la laïcité.
            « La laïcité n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû. » (Nicolas Sarkozy, Discours de Latran).

            Qu’en est-il hors de notre petit hexagone ?

            "La situation est comparable en Allemagne dans la mesure où l’État ne finance généralement pas les cultes. Mais là encore, on trouve des accommodements avec les règles et les principes. Une fois reconnus en tant que « corporations de droit public », les lieux de culte musulmans peuvent recevoir de l’argent de l’État.« 
            ... et même des subventions européennes

             »À l’inverse, d’autres pays européens, comme la Belgique, participent directement au financement des mosquées. Progressivement, le royaume a décidé de mettre tous les cultes sur un pied d’égalité en reconnaissant ses mosquées, en rémunérant les imams et en participant au financement des salles de prière.
            En contrepartie, les mosquées s’imposent la transparence en laissant contrôler leurs comptes.« 

            http://marseillesolidaire.org/spip.php?article1239

            Ceci dit, en Belgique, estimant que  »le financement de la laïcité organisée et des cultes n’est pas en adéquation avec la réalité sociologique du pays et porte préjudice à tous les progressistes, laïcs et croyants « , une pétition circule pour d’une part mettre fin au décret impérial de 1806 et pour  »opter pour un impôt « philosophiquement dédicacé » étendu aux actions « spirituelles et non marchandes ».

            Concrètement, il ne s’agit pas d’une taxe supplémentaire. Il s’agit d’indiquer sur sa déclaration d’impôt l’affectation d’un pourcentage des taxes (payées de toute manière) pour un culte, la laïcité organisée, ou une cause non marchande de son choix (organisation non gouvernementale, fond artistique ou de préservation du patrimoine, activité scientifique humanitaire,…)

            Cette idée a plusieurs avantages :
            — Elle donne la possibilité au citoyen de se responsabiliser et de choisir en fonction de ses convictions.
            — Elle rapproche le financement des cultes au nombre d’adeptes.
            — Elle oblige ces instances à pratiquer plus de transparence et les amène à convaincre la population, avec des paroles et par leurs pratiques, que l’argent octroyé est bien utilisé."

            Signez la pétition ici
            http://www.jennar.fr/index.php/pour-une-refonte-du-financement-des-cultes-en-belgique/


            • papi 23 février 2011 10:29

              Lieux de culte..

              Les religions , et leurs inspirateurs n’ont jamais dicté des lois d’architecture particulières pour les lieux de culte, un lieux de culte un endroit fermé pour permettre à des fidèles de se consacrer à la prière, ou à des cérémonies qui sont propres à chaque obédience

               Un lieu de prière se devrait de nos jours d’être discret, et sobre, sans apparat sans la volonté
               d’imposer aux autres par des tailles et des hauteurs absurdes la grandeur de leur foi..
               La liberté d’être croyant ou de ne pas l’être devrait appartenir à chacun, sans avoir à supporter la vision de constructions monumentales, avec des tours très hautes, quelque soit
              le culte d’appartenance, ..
               La religion se doit d’être discrète, non invasive, sans démonstration, sans construction démesurée.. la pratique doit en être fondue dans les règles notre société, invisible, silencieuse, portée en chaque croyant sans jalousie, ni prosélytisme..
              Les lieux de prière dans leur modestie ne sont -ils pas l’exécution des recommandations des fondateurs de celles-ci , personne n’a jamais demandé qu’il faille toucher le ciel pour y accéder !!
              Un lieu de prière simple coute moins cher qu’une construction démesurée, il sera plus aisément accessible financièrement aux croyants,
               C’est aux croyants eux-mêmes à subvenir à leur cultes par les dons et souvent la privation..
               Il serait immoral qu’aucun effort ne soit exigé !!..car il serait dans ce cas trop facile d’accéder
               à l’approche de ses idéaux sans le moindre effort personnel, base des religions..

               "
               


              • njama njama 23 février 2011 11:33

                Dans le genre baroque ostentatoire, on peut dire que le christianisme détient la palme d’or depuis belle lurette ...
                Vous avez raison, cela n’a pas toujours été, les minarets sont apparus en même temps que les clochers, le gothique aux dimensions vaticanesques a succédé au style roman plus sobre, plus terre à terre. Les hommes de Dieu ont remplacé le Dieu des hommes contrairement aux recommandations sans emphase des fondateurs des religions qui appelaient à un peu d’humilité et beaucoup d’humanité.
                L’architecture est toujours à l’image de le pensée des hommes

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