La divine surprise de la Mission-Legmann
Chaque semaine, l’analyse politique de Jean-Pol Durand et Rémy Fromentin sur l’actualité de la santé
Sur les sujets de santé, comme d’environnement, le président élu dont le programme avait su rallier une majorité de suffrages médicaux en 2007 n’a pas été à la hauteur des promesses du candidat. Il a même multiplié les faux-pas sur des thèmes aussi sensibles que les déserts médicaux ou les dépassements d’honoraires multipliant les rodomontades, les coups de menton et… les reniements. Aucun député n’a jamais trouvé réponse à ses questions mille fois posées… Sans doute n’est-il pas trop tard mais le temps est compté !
Sur ses priorités du moment, Nicolas Sarkozy affiche encore une désinvolture coupable. Son dernier discours, post-déroute régionale, est édifiant : « Depuis trois ans –a-t-il considéré– l’essentiel de nos efforts ont porté sur l’hôpital et les personnels hospitaliers. Le temps est venu d’attacher la même attention à la médecine de proximité. » Le monde hospitalier sera surpris d’apprendre que son problème est révolu (ou résolu) ; le monde libéral est fondé à s’inquiéter de faire prochainement l’objet de la même sollicitude. Un tel égarement oblige à s’interroger sur l’existence, au plus haut niveau de l’État, d’un pilote sur les questions de santé.
Le reste pose, en l’état, plus de questions de méthode que de fond : la mission-Legmann, du nom du président du Conseil national de l’Ordre, ancien lieutenant de Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly, aurait été priée d’accélérer l’issue de ses travaux et de rendre sa copie au plus vite… dans les tout-prochains jours. Histoire sans doute de faire place nette à la nouvelle concertation promise par le président sur la « médecine de proximité », nouveau concept au contenu encore inconnu à coté du « premier recours » légalisé par HPST ou de la médecine libérale légitimée par l’hostilité des sondages.
Or il se trouve –l’événement est passé encore inaperçu des gazettes– que ladite Mission Legmann a déjà avancé. A l’occasion d’un brain storming ordinal simultanément mené sur plusieurs principes de la vulgate libérale :
1/ la rétribution, avec ouverture de fenêtres sur deux modes de rémunération hier prohibés : « la rémunération forfaitaire évolutive » et la « rémunération forfaitaire protocolisée/contractualisée »… Sémantique absconse pour évoquer sans doute les forfaits et le paiement à la performance sur objectifs ;
2/ l’assistanat « professionnel et de gestion » : quand il y a quelques mois encore, l’institution se braquait au seul énoncé du mot d’assistant, voilà qu’elle le fait sien, le redigère, le revendique. Pour réclamer la reconnaissance d’un nouveau métier d’« attaché à la gestion des activités médico-sociales ou médico-administratives »… Histoire de décharger le praticien de toute la composante bureaucratique du métier pour le concentrer sur son seul « temps médical » ;
3/ enfin, la plate-forme adoptée milite –autre proposition positivement iconoclaste– pour la « fin de la linéarité de la carrière » avec retour aux possibilité des « passerelles » inter-spécialités rendues forcloses par la réforme de l’internat qualifiant et la disparition des CES (Certificats d’Études Spéciales) il y a trente ans.
C’est moins l’audace des propositions qui retient l’attention que la qualification de ses signataires, dûment estampillés « médecins de terrain », généralistes et spécialistes en activité et en retraite, libéral ou hospitalier, … La France médicale profonde en quelque sorte qui donne ainsi quelques bonnes raisons de ne pas désespérer de sa volonté d’avancer !
Tout cela alors même que la « contre-mission Legmann », convoquée par le tandem CSMF - SML qui mène la rébellion au nom de la croisade anti-Saout en est tout juste à discuter de la méthode et du calendrier pour nous nous promettre ses suggestions en juin… Mais il est vrai que le tandem a un autre échéancier que celui du gouvernement, en l’occurrence celui de son propre rendez-vous électoral du scrutin des URPS auquel sont convoqués les médecins-électeurs le 29 septembre. La trêve estivale étant, par nature, peu féconde aux débats de fond, cette campagne réserve sans doute quelques poussées de fièvre.
Mais quelqu’un a-t-il dit au Président qu’il ne pourra satisfaire simultanément les deux camps en présence ? Qu’il est condamné à attendre le verdict de ces urnes-là pour entamer les (vraies) négociations avec le (vrai) vainqueur ? Quitte à relancer dans la foulée la mécanique des promesses pour l’autre scrutin, le seul qui l’intéresse, celui de 2012.
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