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Après l’IRD, le CNRS est en alerte, ou la recherche est-elle soluble dans l’Université ?

Le président du conseil scientifique du CNRS a largement diffusé une lettre qui confirme nos soupçons à savoir que le gouvernement est en train de concocter une réforme de grande ampleur dans le silence le plus total. Est-ce la méthode Sarkozy pour la recherche ?

J’avais écris ici même un article sur ce sujet en me basant sur un message diffusé par le SNCS. Je fut accusé de corporatisme par les commentaires de non-chercheurs et de manière générale la crise profonde l’IRD que je donnais en exemple semblait totalement sans objet. Malheureusement il semblerait que je ne me trompais pas : l’exemple de l’IRD est bien ce qui allait se diffuser dans l’ensemble des EPST.

Les choses se précisent au CNRS

Yves Langevin, président du Conseil du CNRS parle d’une "mutation profonde de la gestion de la recherche en France se prépare dans l’opacité la plus totale, et ce à très court terme". L’alerte est donnée à la lecture du plan stratégique du CNRS présenté par sa DG. Ce plan réduit singulièrement l’autonomie du CNRS. Ce qui est prévu par ce plan est une élimination des structures de gestion collégiale du CNRS.

Le président du comité scientifique écrit :


Les événements récents à l’IRD, qui s’inscrivent pleinement dans cette logique, peuvent présager de ce qui pourrait se passer dans les prochains mois au CNRS ou dans les autres EPST. Toutes les unités mixtes IRD - Université sont aujourd’hui sous la seule tutelle des universités partenaires.

Les choses ne sont évidemment pas encore bouclées de manière définitive, mais c’est effectivement ce vers quoi on tend.

Quelques faits sur l’IRD [1] et la politique mise en place par son DG M. Michel Laurent [2] :

L’IRD - enfin la direction générale - a en effet comme stratégie d’umériser [3] la quasi-totalité de ses UR avec un objectif d’umérisation à 80 % ou aux 2/3 (ça dépend des versions).

Voici quelques données sur l’ensemble de l’IRD :

- en 2007, 29 UMR sur un total de 75 Unités (total des Unités = UR + US + UMR + UMI) : apparemment, il n’en reste maintenant que 75 pour 83 en 2005 au moment de la validation des projets d’UR qui a lieu devant le conseil scientifique après visa des commissions... ;
- en 2009, 58 UMR pour un total de 64 ou 65 Unités.

Pour le département Santé et société (plus d’un tiers de l’IRD) nous avons : des objectifs, en 2009, de n’avoir pratiquement plus aucune UR à l’IRD.

Pour l’ensemble du DSS :
- en 2007, 21 UR, 1 US, 8 UMR,
- en 2008, 7 UR, 1 US, 15 UMR,
- en 2009, 2 UR, 1 US, 18 UMR.

Pour les sciences sociales au sein du DSS :
- en 2007, 12 UR et 3 UMR,
- en 2008, 3 UR et 8 UMR.

Ces données sont des prévisions présentées par la DG aux chefs des UR.

Concrètement cela signifie une transformation de fond en comble en moins de 4 ans de l’Institut. Cette transformation n’est pas exempte de difficultés et rares sont les personnes qui en parlent, car les chercheurs ont tendance à penser que la situation d’un EPST ne se dupliquera pas dans un autre EPST.

La direction générale affirme que tout va bien, que la réforme s’annonce prometteuse. Au sein de l’IRD, il y a plutôt consensus sur le besoin d’agrandir les UR et plutôt une acceptation de cette idée, voire du plan du DG [4]. Mais dans les négociations avec les universités et les organismes, cela ne se passe pas aussi bien. Les universitaires, me semble-t-il, veulent de l’argent des équipes IRD qui a la réputation pas entièrement usurpée d’être un organisme riche, mais en instance d’appauvrissement comme je l’explique ci-dessous. Mais les universités sont bien embêtées quant à la gestion du personnel et aussi, ce qui se dit encore moins, du pouvoir que véhiculent les UR de l’IRD car dans certains domaines les chercheurs sont spécialistes sur des terrains assez peu fréquentés. Un pouvoir nouveau risque de faire irruption qui risquerait de rompre les équilibres internes souvent ultra-délicats des équipes au sein d’universités dotées d’infrastructures souvent insuffisantes et où la moindre parcelle d’espace physique et intellectuel est acquise au corps-à-corps [5]. De plus, alors que cela n’est écrit nulle part, l’umérisation des UR de l’IRD apparaît toujours comme si celles-ci allaient être placées sous tutelle universitaire. En fait, c’était genéralement le cas pour les UMR existantes. Mais rien ne dit que la montée en puissance de l’umérisation ne mettrait pas des Irdiens aux commandes. Dans un premier temps en tout cas, comme le montre l’exemple de l’IEDES (institut de l’université Paris 1) où trois UR de l’IRD sont intégrées, il ne vient à l’esprit de personne de mettre en cause la chefferie universitaire : mais trois anciens directeurs d’UR IRD dans un seul institut universitaire cela peut se traduire par une exigence de plus grand contrôle par les chercheurs IRD au sein des UMR. Risque que certains ont immédiatement compris.

Enfin, le calendrier serré et violent est un des principaux problèmes pour l’IRD comme pour la réforme annoncée du CNRS. Il faut savoir que le planning initialement prévu de l’IRD était encore plus violent [6] mais que c’est la réalité qui s’est imposée pas tellement la résistance ou la révolte des chercheurs.

La politique de l’IRD contient aussi un volet Agence IRD ou Agence inter-institut de recherche pour le développement, une nouvelle structure censée financer de la recherche pour le développement sur projets et appels d’offres. Cette structure n’a pas de budget encore et donc l’IRD tente de réduire les budgets de fonctionnement des équipes pour la financer. Une Agence qui a la particularité de réunir plusieurs organismes de recherche, mais seul l’IRD finance. Pour les chercheurs de l’IRD cela signifie dans un premier temps en tout cas de devoir récupérer les budgets sous forme de réponses aux appels d’offre de cette agence. L’effet est immédiat : les UR doivent faire face à une réduction prévisible de 20 à 25 % du budget 2008. La particularité de l’IRD (travailler à l’étranger) va en prendre un sacré coup.

Enfin, l’IRD traverse cette période avec deux boulets supplémentaires : une nouvelle "politique de site" très mystérieuse et très autoritaire qui consiste à regrouper les entités géographiquement. Et une délocalisation du siège de l’IRD qui sera situé à Marseille. Cette délocalisation à marche forcée où seuls 20 % des personnels administratifs va rester dans la maison, ne concerne pas les chercheurs, mais seulement le siège administratif de Paris. C’est pourtant ce personnel qui faisait marcher les choses notamment à travers de ses relations assez simples et directes avec les chercheurs. Depuis Marseille, ce sera plus dur.

En dehors de l’IRD qui a visiblement servi de cobaye dans cette réforme annoncée, les structures mises en place vont singulièrement concentrer les lieux décisionnels au sein des commissions de l’ANR, l’AERES et surtout à Paris. [7] Au moment où tout l’effort de développement industriel et technologique repose sur la régionalisation on peut se demander si c’est bien raisonnable. Ajouter à cette concentration une bonne dose d’autoritarisme et d’absence de concertation... Serait-ce cela, la politique sarkozyste de la recherche ?

- Lire aussi Henri Audier sur "Sauvons la recherche" qui, comme d’habitude, a écrit une excellente analyse factuelle de la politique actuelle du gouvernement en matière de recherche.

[1] à la demande par mail de renseignements de François / phNk

[2] Données relevées lors de la journée des directeurs d’unité de recherche de l’IRD le 4 septembre 2007

[3] transformer les Unités de recherche en Unités Mixtes de Recherche ou UMR

[4] ce dernier se serait même étonné de la vitesse à laquelle les équipes ont formulé des propositions d’umérisation

[5] Mes collègues universitaires m’excuseront de ce trait un peu forcé : c’est eux-mêmes qui me l’ont plus d’une fois suggéré.

[6] Un texte de la direction signalait la date du 15 février 2007 pour la politique d’organisation en UMR pour les 2/3 des unités IRD.

[7] Un jeune doctorant, plutôt bien informé d’habitude, me disait récemment que toutes ces structures dans la recherche lui étaient totalement inconnues. Encore un effet de cette opacité et de l’absence de débats.


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1 réactions à cet article    


  • geo63 18 octobre 2007 17:24

    Cet article nécessite une connaissance approfondie de l’IRD, du CNRS, de l’Université et aussi de s’adapter à certains termes ...umérisation, umériser...néologismes hardis. A part cela, je partage tout à fait l’analyse de l’auteur... et de Henri Audier. Mais le nombre de structures en place (parfois en compétition) est tel que le système est fragilisé devant une attaque frontale qui utilise cette faille avec un but clairement défini. Comment résoudre ce problème ?

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