Attentats ! Le choc des Crises !
La France a déjà connu des vagues d’attentats dans le passé mais c’est la première fois que l’on assiste à une telle réaction d'émotion collective dans l’opinion publique française.
J’avais moi-même-très indirectement-senti le vent du boulet lors de l’attentat aveugle du RER B Saint Michel le 25 juillet 1995.
C’était sur la ligne qu’empruntait mon fils, alors étudiant, entre ses cours et sa résidence et je n’arrivais pas à le joindre jusqu’à tard en soirée ; en désespoir de cause j’appelais la ligne dédiée aux familles qui m’orientait alors sur la cellule d’information aux victimes ; la correspondante me demanda l’identité exacte de mon fils et prit le temps de consulter ses listes ; les quelques secondes qui ont suivi furent certainement les plus angoissantes que j’ai eu à connaitre. La réponse fut négative et mon fils avait été retenu en fait par une conférence d’information donnée à son école.
J’avais alors ressenti l'angoisse profonde que peut générer ce type d’attentat frappant au hasard une foule anonyme.
D’autres attentats avaient frappé des personnalités ciblées comme René Audran en 1985, ingénieur général de l’armement, ou Georges Besse, PDG de Renault, en 1986, assassinés par Action Directe.
Aucun de ces différents attentats n’avait provoqué en France une réaction aussi forte qu'après les meurtres de Charlie.
Comment expliquer alors cette immense émotion, cette sourde angoisse qui ont submergé la population française depuis ce mercredi 7 janvier 2015 et qui vont croitre encore après les deux tragiques prises d’otage des terroristes à Dammartin et à Vincennes, aujourd’hui, 9 janvier ?
Incontestablement, la notoriété de certaines des victimes, Cabu, Wolinski, Bernard Maris, et leur présence dans la mémoire collective de la culture française ont joué dans l’intensité émotionnelle du massacre de Charlie ; il y a aussi cette atteinte intolérable à la liberté de la Presse. Mais tout cela ne suffit pas à expliquer ce raz de marée émotionnel.
Il y a convergence de plusieurs facteurs :
- Le creusement de la crise économique, sociale et politique qui frappe la France et l’Europe.
- L’ouverture d’abimes géopolitiques en Europe de l’Est avec la réanimation d’une dangereuse guerre froide et dans le grand Moyen Orient, d’Afghanistan au Nigéria, avec l’émergence d’un djihadisme majeur, brutal et déterminé.
- La redondance et l’omniprésence des informations par les différents médias et écrans viennent alors dynamiser les impacts émotionnels et psychologiques des différents évènements de l’actualité (ce qui n’était pas le cas lors des précédentes vagues d’attentat en France).
- Le creusement d’une crise identitaire en France entre Islamisme, Judaïsme, christianisme et laïcité accélérée par les trois premiers éléments cités et particulièrement vive dans les quartiers périphériques.
- Enfin des éléments conjoncturels locaux viennent encore amplifier les impacts des facteurs précédents : l’inconsistance et la fragilité du pouvoir politique actuel devenu largement minoritaire, la montée en puissance de Marine Le Pen sur fond d’exclusion et de préférence raciale, l’envahissement du paysage médiatique par la guerre contre le terrorisme de Daesh, la sortie récente des deux livres polémiques de Zemmour et Houellebecq mettant en scène ces tensions communautaires.
On a donc une opinion publique fragilisée, instable, inquiète et voila que le diable Terroriste sort de sa boite, plus vrai, plus hideux qu’à la Télé, mais bien de chez nous, et qu’il vient frapper Charlie, non pas dans l’espace public, mais chez lui, sur son lieu de travail, dans sa maison !
Le terrorisme est potentiellement dans le jardin de chacun. Alors que la plupart des gens, préférait ne pas sentir leur angoisse, leur fragilité en essayant de les enfouir le plus possible dans l’oubli, le déni, le quant à soi, la consommation (pour ceux qui le peuvent encore), voila que tous les problèmes du monde leur sautent à la figure !
D’où cette espèce d’union sacrée proposée en guise de bouée dans la tempête !
Illusoire cependant si l’on ne cherche pas à réduire d’abord les différentes fractures communautaires et sociales !
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