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Accueil du site > Actualités > Société > Comment analyser « Charlie » ? Eloge du débat

Comment analyser « Charlie » ? Eloge du débat

L’analyse institutionnelle, courant sociologique créé par René Lourau, a dans sa boîte à outils le concept d’analyseur. Il n’est pas nécessaire d’adhérer pleinement à l’analyse institutionnelle pour comprendre ce concept et s’en servir. Un phénomène, un événement peuvent être analyseurs de la société par le fait que le fonctionnement ordinaire, gris de ladite société se double d’un débat sur elle-même. D’un coup, beaucoup de gens se mettent à en parler, à donner leur avis, à voir des causes, à décrire l’événement, trouver des « motivations » et parfois suggérer des évolutions possibles mais pas certaines. Ce qu’on peut communément entendre à propos de « Charlie » est un exemple remarquable. Quand E. Todd écrit Qui est Charlie ? Personne ne demande ce qu’il faut entendre par là. Charlie est un analyseur puissant de la société actuelle. Il convient d’intégrer tous les éléments de ce débat pour exposer cet analyseur et synthétiser l’analyse. Plus on est près de ce qui se dit vraiment à cette occasion plus on est près de dire de quoi le phénomène ou événement est fait. Autrement dit, ce ne sont pas des cartes qui nous diraient l’origine régionale des manifestants du 11 janvier qui peuvent nous dire qui est Charlie. Elles peuvent y concourir, (à condition d’être lues avec rigueur et honnêteté, ce qui ne paraît pas être le cas) ajoutées à beaucoup d’autres choses. Charlie ne saurait pas, non plus, être la manif du 11 janvier, c’est aussi les tueries du 7 et du 9 janvier, qui arrivent après une succession de meurtres à Toulouse, Montauban… aux fatwas sur Salman Rushdie depuis 1989 et sur Taslima Nasreen (1993), une situation internationale de guerre menée par des djihadistes avec des rapts de jeunes femmes… etc. On me dira que tout le monde n’a pas tout ça en tête tout le temps. Certes, mais il y a un inconscient et ces phénomènes fonctionnent au moins en sourdine. On me dira qu’un tel « grand angle » est infini et qu’on ne peut que s’y perdre. Je dis juste que plus l’analyse contient d’éléments plus elle est susceptible de dire ce qui se passe vraiment. Il convient aussi de parler des faits et de ne pas leur substituer des intentions. Les intentions devraient arriver au terme de l’analyse des faits. Il faut se garder de juger, et surtout de juger que le vrai est l’inverse de ce que l’on voit (vous vous croyez généreux, alors que vous être réactionnaires et excluants), posture brillante et séductrice, qui a toutes les chances d’être fausse et qui est destructrice. Le jugement de Todd est contré par un sondage commandé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme qui, tout aussi partial et local dans sa méthode, montre, s’il en était besoin la vanité de ces cartes identitaires. Vouloir faire sciences en matière humaine et sociale implique de vouloir réparer les problèmes (comme la biologie donne la médecine). Faire le tableau du contexte le plus complet et le plus factuel possible, en écoutant ce que les acteurs disent eux-mêmes, pour savoir ce qui se passe, où en est la société. Savoir pour guérir. Ne pas juger, prendre un regard grand angle à 180°, soigner l’avenir le plus possible. Voir les faits, aussi et surtout, et non seulement les paroles, ne pas analyser seulement les termes du débat, ni les participants à ce débat.

Ainsi, l’abondance des points de vue et l’abondance des livres dans l’édition est un analyseur de Charlie. Les Français cherchent à comprendre. Le traité sur la tolérance de Voltaire a été réédité. Les romans sont passés seconds en nombre de ventes. Qu’un parti de gouvernement (l’UMP) veuille discuter de l’Islam… tout en disant « il faut qu’on se calme » fait partie de l’analyseur et tend à signifier que la politique verserait d’une volonté de réduction de l’inégalité économique à la coexistence des Français musulmans et des Français non-musulmans. Le danger de se trouver dans une irritation permanente, quotidienne entre 8% de musulmans et 92% de non-musulmans est bien réel et lisible dans cet état du débat qui fait « analyseur ». Il serait bon de bien conserver ce débat, de le poursuivre et le développer, de prendre toutes les contributions, y compris celles des inconnus, y compris celles qui prétendent tout clore par un caractère définitif auto-déclaré, il serait bon de chercher le consensus comme cela se fait dans certaines assemblées où la démocratie ne se conclut par un vote mais prend la décision par un sentiment commun de l’avis majoritaire.


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3 réactions à cet article    


  • César Castique César Castique 20 mai 2015 20:22

    Personne n’a intérêt, surtout pas Todd, à observer que la moitié, au moins, des participants aux différentes manifestations étaient venus pour « participer », grégairement, à une date qui ferait… date, afin de pouvoir dire, dès le lendemain au turbin, « J’y étais ».

    C’était un morne et froid dimanche de janvier, et il n’y avait pour ainsi dire rien à la télé. Comme d’habitude. Michel Leeb, pour le quatrième âge, et puis un homme qui, paraît-il, murmure à l’oreille des lions, et encore les championnats de France de cyclo-cross…

    Par ailleurs, ceux qui suivent un peu, au fil des ans, le devenir de ces grandes messes populaires, savent depuis longtemps, qu’elles ne sont qu’une superficielle parenthèse dans une éternité de train-train quotidien. 

    Au cours des vingt ou trente dernières années, il n’y a guère que la manif pour tous à avoir duré plus que l’espace d’un après-midi. Voilà, c’est dit.


    • Le p’tit Charles 21 mai 2015 08:19

      CHARLIE...c’est la France d’en bas...celle des vendus au pouvoir..celle des couillons cocus de la « RAIE-PUBLIQUE... »
      4 millions de décérébrés sur 65 millions de Français.. ?
      Cette France ressemble plus à une fosse septique qu’à une nation.. ?


      • Crab2 22 mai 2015 09:22

        Les plus beaux jours de l’obscurantisme religieux

        Quand l’esprit critique est menacé...
        En France d’abord la droite puis en suivant d’une décennie à l’autre, avec encore plus de constance, la gauche n’en finit pas de trahir la laïcité quand l’école de la république qui accueille tous les enfants manque de moyens pour pouvoir faire du ’’ sur mesure ’’ - la gauche, dans l’actualité, n’envisage toujours pas de cesser de financer le Concordat, de l’abroger, elle n’envisage pas non plus de cesser de subventionner les écoles confessionnelles au profit de catégories de religieux avec l’argent de tous les contribuables : incroyants, sans religions, agnostiques, déistes et encore heureux l’argent des croyants avec religions
        Sur le plan national ou international quand les politiques ne font pas leur travail, une frange importante des populations se retourne vers les rabbins, les imams, les prêtres pour nier la laïcité et refuser en bloc la critique athée et féministe des « textes sacrés »

        Suite :

        http://laicite-moderne.blogspot.fr/2015/05/les-plus-beaux-jours-de-lobscurantisme.html

        ou sur

        http://laiciteetsociete.hautetfort.com/archive/2015/05/22/les-plus-beaux-jours-de-l-obscurantisme-religieux-5626541.html

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